Manifestations le samedi 18 novembre dans toute la France des Gilets jaunes, pour le cinquième anniversaire de leur premier « acte », que suivirent chaque samedi une trentaine d’autres (1) dans l’espoir que les « sans-dents » seraient enfin entendus et surtout compris. Espoir déçu, malgré l’extraordinaire mobilisation et l’émouvante fraternisation entre les marcheurs, de quelque milieu qu’ils soient issus — car il y avait aussi parmi eux des « bourgeois », bien que trop rares mais souvent venus là par solidarité, devant la répression féroce ordonnée par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner, et orchestrée par le préfet Didier Lallement.
Sinistre tandem qui, pour discréditer ce phénomène unique dans notre histoire —pourtant riche en agitations de toutes sortes —, toléra sinon favorisa son infiltration par les black blocs et autres antifas ultra mobiles dont la violence aveugle (1 500 policiers blessés), fut attribuée aux seuls Gilets jaunes.
Des enquêtes perdues dans les sables
Alors qu’en cette période de récession, la précarité guette de plus en plus de Français, ce mouvement qui, bien que pacifique à l’origine, terrorisa le Pouvoir, risque-t-il de renaître ? Nul ne peut le prédire car, au propre comme au figuré, les plaies sont encore béantes.
Au cours des différents actes, 23 Gilets jaunes — dont des femmes, telle l’étudiante Fiorina Regnier bien connue des lecteurs du quotidien Présent — furent éborgnés par les lanceurs de balles de défense (LDB) dont les forces de l’ordre avaient été amplement pourvues. Le 9 novembre dernier, dans un article commémoratif, l’AFP commentait à propos de ces blessés : « Un seul a bénéficié d’un procès et aucun n’a obtenu la condamnation de l’auteur de sa blessure… Six classements et deux non-lieux ont déjà [sic] été prononcés… Onze autres enquêtes, dont dix sous l’égide de juges, sont en cours, sans mise en cause. Dans plusieurs cas, les responsables des blessures issus des forces de l’ordre semblent identifiés mais les expertises balistiques tardent ou sont contestées. » Pour les autres plaignants, « leur dossier est dans l’impasse ». Et tous attendent une indemnisation.
Justice accélérée pour les « anges »
Ces interminables procédures contrastent cruellement avec la promptitude observée dans les procédures concernant les « martyrs » des émeutes du ramadan en juin dernier. Estimé responsable de la mort à Nanterre du « petit ange » Nahel Merzouk, 17 ans, qui, conduisant à tombeau ouvert et sans permis une grosse Mercedes immatriculée en Pologne, refusait d’arrêter son véhicule comme cela lui avait été ordonné, le brigadier-chef Florian M. fut immédiatement emprisonné et il n’a recouvré la liberté (provisoire) que début novembre, mais sous bracelet électronique, avec interdiction de détenir une arme et de retourner à Nanterre, où il habitait. Auteurs au cours des mêmes émeutes mais à Marseille — où deux juges d’instruction suivaient l’affaire —, d’un tir de LDB ayant éborgné Abdelkarim Y., 22 ans, deux policiers du Raid ont quant à eux été mis en examen le 15 novembre pour « violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente par personne dépositaire de l’autorité publique ». A la grande joie de Libération et de Mediapart… qui ne s’étaient jamais signalés par une quelconque compassion pour les Gilets jaunes.
Ainsi va notre inestimable État de droit : indifférent aux souffrances des nôtres, aux petits soins pour les Autres, même quand il s’agit de voyous.
Camille Galic
- Éphéméride, commentaires et photos dans la nouvelle édition revue et augmentée du superbe livre-album Gilets jaunes, une année d’insurrection et de révolte dans Paris, réalisé par un collectif de bénévoles sous la direction d’Yvan Hardoy. Ed. Yellowsphere.
Excellent article, que je retransmets.
Ce samedi, je suis allé au début de la manif GJ qui débutait place Franz Liszt (où habitait le regretté Serge de Beketch). Il pleuvait des cordes mais environ 500 GJ étaient présents, dont des provinciaux venus de loin pour fêter le cinquième anniversaire du mouvement. Le cortège s’est élancé, toujours sous une pluie battante, et les rangs se sont un peu étoffés d’une centaine de participants à hauteur de la rue Condorcet. Les forces de l’ordre (gendarmerie mobile et CSI), jusqu’ici quasiment invisibles, se sont alors positionnées en nombre autour des manifestants, casquées et munies de boucliers, pour opérer une nasse mobile qui empêchait toute sortie, et ce jusqu’à l’arrivée située place Anne-Marie Carrière dans le quartier de Montmartre. L’ambiance était très bonne, avec force chants, et il n’y a eu aucun incident durant le parcours. Les gendarmes, notamment, sont partis avec le sourire, comme s’ils saluaient les GJ.
Sommes-nous repartis pour un tour avec la coagulation des forces pro-Nahel et pro-Gaza ? La famille du “petit ange” organise en effet ce dimanche un rassemblement à Nanterre pour protester contre la “profonde injustice” qu’est la libération (après 4 mois de prison, et sous bracelet électronique !) du policier Florian M. Sans doute la famille Merzouk ambitionne-t-elle la célébrité, et les avantages allant avec, du clan Traoré depuis la mort d’Adama. Décès naturel et non “assassinat” commis par les gendarmes comme l’ont prouvé les juges d’instruction et les multiples contre-autopsies exigées par les Traoré,