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Table d’hôtes : Noël en nos provinces

Décembre est le mois où la terre dort, le mois des sapins, des flammes et de la lumière et des promesses, des béatitudes, le mois de l’espérance et de l’enfance, au fond éternelle pour ceux qui le veulent bien et je suis de cette paroisse. Les Romains utilisaient déjà le sapin pour célébrer le solstice d’hiver. Mais est-ce cette coutume que nous commémorons ou est-ce de celle des Celtes, pour qui les pins placés à l’entrée des maisons chassaient les mauvais esprits, que nous vient la tradition de l’arbre de Noël ?

En PROVENCE, il y a les santons, le ravi, le chasseur, la vieille, le pécheur, le tambourinaire, l’aveugle, le bohémien, le mitron, le meunier… Ces petits personnages de terre glaise animent la crèche, participent à une Nativité simple et touchante qui situe la venue du petit Jésus en la province comme il est écrit dans L’Almanach des 7/14 ans (Dina-K. Tourneur. Casterman. 1977). Ces fêtes « calendales » commencent le 4 décembre, jour de la Sainte-Barbe et se terminent lors de la Chandeleur; période où les santons sont retirés de la crèche. Au tout début du mois, il est de coutume ici de planter le blé ou les lentilles dans trois (Trinité) petits pots et de les laisser germer afin de décorer la table pour la fête à venir. Noël est pour les malchanceux écrivait Brasillach, pour ceux dont la vie ne fut pas drôle… Et le repas de noël provençal, appelé pourtant « gros souper » est bien frugal, pourquoi pas ? Est-ce que Marie et Joseph faisaient bombance quand est né le divin enfant ? Jouez transistors, résonnez cassettes, magnétoscopons cet évènement comme le proposait joyeusement Jean Yanne (Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ). Et contentons-nous de repues, franches, maigres, honnêtes de ce pays : choux, épinards, céleri, courge, cardons, omelette, escargots, poissons grillés, brandades dignes du « petit monde du bon cabillaud ». A la fin de ce menu spartiate, il est de bon ton de déguster les treize desserts ou « calenos », composés de nougats noirs et blancs, de fruits secs et confits chers aux félibres.

A l’autre bout de la France, là où finis la terre, en BRETAGNE, on chante avec Théodore Botrel: « Sonnez les binious, car le divin maître va renaître chez nous / Lui qui fut réchauffé par l’âne / Dans cette étable paysanne / Où priait Marie à genoux / Il trouverait bien plus d’un âne, chez nous. » Nos ministères n’en manquent guère, tous plus inconnus et saugrenus les uns que les autres, ô combien aptes à bouffer du foin, c’est même pas dit qu’une seule balle leur suffise…

En NORMANDIE voisine, on sort encore, ici ou là les tours, de Yul mais, même si nombre de noms de lieux viennent ici du norois tel Dieppe, cette tradition n’est de mise que chez les anciens compagnons du Grece, de la Nouvelle Droite et les Amis de Jean Mabire (jean-mabire.com). Le houx et déjà le gui décorent simplement les demeures et la table. Rien n’est plus réjouissant en cette période que de se procurer un canard de Duclair, ce si charmant village au bord de la Seine, près de Rouen. Le volatile porte une livrée noire et une bavette blanche, si bien qu’on le surnomme « l’avocat » ! Il est à l’origine de la recette du canard au sang, ou canard à la rouennaise et d’un pâté en croûte pistaché, littéralement merveilleux et rare. Pour la Saint-Sylvestre, nous jetterons notre dévolu sur quelques aguignettes de tradition noroise héritée du Moyen Âge que les petits et grands seront tout heureux de confectionner (feuilletages dorés en forme d’animaux que l’on peut fourrer de frangipane ou de pommes, poires et pépites de chocolats).

En LORRAINE, on attend la venue de saint Nicolas accompagné du Père fouettard (Ruppelz en Lorraine germanophone, Hans Trapp en Alsace) pour la procession où sont distribués des bonbons à la volée dans les rues des cités. Les pains d’épice (oui au singulier, Camille Galic n’a jamais compris pourquoi ni moi non plus) sont de mise ainsi que les spéculoos liés étymologiquement à saint Nicolas Speculator (celui qui voit loin).

En ALSACE, le personnage principal de noël est Christkindel, figurine de cire représentant l’enfant Jésus que l’on prie. Il est par ailleurs personnifié par une jeune fille vêtue et coiffée de blanc immaculé apparaissant le soir de noël. Aussi, certains historiens rapprochent cette tradition à sainte Lucie la lumineuse que l’on honore, comme dans les pays du nord, le 13 décembre. D’autres affirment que Christkidel serait une création de Luther afin de concurrencer la fête de Saint-Nicolas refusée par le protestantisme. En Alsace les marchés de Noël sont littéralement traditionnels. Bien sûr, les marchands du temple, flairant l’aubaine ont essaimé un peu partout en toute France et transformé le rite en kermesses et foires à tout. Celui de Colmar a supplanté par sa magnificence (et je pèse mes mots) tous les autres, j’y reviendrais dans une prochaine chronique et vous invite à préparer dès maintenant votre séjour. A Strasbourg, le Chrischkindelmärik a donc supplanté le « marché de Saint-Nicolas », il est situé place Broglie (prononcer prokli et non breuil). La Maison de l’Alsace organise chaque année un marché de noël à Paris, gare de l’Est. On y trouve pains d’épice, foies gras en conserve (qui ne m’ont jamais convaincu), bière de noël et vins d’Alsace de très bonne facture, Bredele (petits gâteaux secs variés et fameux que l’on prépare pendant l’Avent), Manala (petit bonhomme brioché lié à saint Nicolas) et ce vin chaud à la cannelle dont certains aiment s’enivrer mais qui personnellement m’écœure.

En FRANCHE-COMTÉ ou comté de Bourgogne, ainsi que dans le canton du JURA suisse voisin, la tante Arie se substitue au Père Noël et à saint Nicolas. C’est la réincarnation de la bienfaitrice et regrettée comtesse Henriette de Montbéliard (1387-1744), cité du comte de Wurtemberg, son époux (le comté de Montbéliard faisant partie alors du Saint-Empire romain germanique). Vêtue comme une paysanne, elle rend visite aux gens afin de sonder leurs reins et leurs cœurs pour offrir aux humbles, aux pauvres, aux persécutés, aux miséricordieux, aux assoiffés de justice et aux cœurs purs des gourmandises qu’elle puise de la besace transportée par son âne Marion. Elle devait distribuer dans sa ronde, je l’espère, quelques saucisses de Montbéliard ou mieux de jésus IGP, grosse morteau dont l’on peut se gourmander en République du Saugeais (micro-pays dont l’ancienne feue présidente, Mme Bertin-Pourchet, me fit l’honneur de préfacer un de mes ouvrages : Saveurs & Paysages de Franche-Comté). De très bons produits sont disponibles en ligne à cette adresse : tuye-papygaby.com/

Sont les gâs et garces du BERRY rantanplan-tirelire (chant chouan) qui jadis, pendant l’Avent, ne devaient ni coudre, ni faire la buée ou la bugée (lessive), ni même cuire le pain, sinon il se gâtait… mais préparer la bûche afin d’annoncer, de célébrer le renouveau et de faire entrer la lumière dans le foyer, par la « cosse Nau », issue d’un chêne vierge de tout élagage, que le chef de famille se chargeait d’allumer. A cette table réjouissante pour l’ami Bergeron, nous ferons honneur à l’échine de porc (celui tué lors de la Saint-Thomas, le 2 décembre, comme le veut le dicton) entière, salée, poivrée, confite sans aucune matière grasse ajoutée, baignant dans un litre et demi de vin blanc, du laurier, des oignons, à 160°C pendant trois ou quatre heures (on ne peut faire plus simple comme recette !). On confectionne encore, en quelques endroits, les cornaboeux, pains en forme de corne ou de croissant ainsi que les naulets (nôlets) que l’on se doit de partager avec les pauvres (qui ne l’est pas ? sinon d’argent du moins d’amour, de jeunesse, de poésie, qui, qui, qui ?).

En CORSE, île d’amour, où j’ai failli voir le jour, on préfère l’agneau ou le cabri cuit au four avec des bulbes comestibles et l’on chante avec Tino Rossi, Petit papa Noël, mais aussi, Minuit Chrétien, Noël en mer, Trois anges sont venus ce soir

Le solstice est ancien et guerrier. C’est nécessaire. Noël est Pax mais frais. C’est bien aussi.

Au bout de la nuit qu’en finit pas, y’a le soleil qui reviendra… Bonne Saint-Nicolas, joyeux solstice, feliz navidad, bòn nove, nedeleg laouen, Gleckika Wïanachta ! Giovinezza ! A noi !

Franck Nicolle

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