Badinter

Badinter, prototype de la  « conscience républicaine »

Sa mort a éclipsé l ’annonce pourtant si attendue (un mois !) du nouveau gouvernement et bien entendu, comme le 7 février les victimes françaises et franco-israéliennes du Hamas, Robert Badinter décédé deux jours plus tard va bénéficier d’un hommage national — non pas aux Invalides, toutefois, mais place Vendôme, siège du ministère de la Justice. En effet, le chef de l’État a aussitôt salué en lui « « une figure du siècle, une conscience républicaine, l’esprit français ». Et le Premier ministre Gabriel Attal renchérissait : « L’abolition de la peine de mort sera à jamais son legs pour la France. Nous lui devons tant, nos droits et nos libertés lui doivent tant », tandis que le la presse valetaille rappelait à l’envi son réquisitoire contre la peine capitale devant une Assemblée survoltée : « Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue ! ».

Affirmation aventurée compte tenu de l’explosion des homicides depuis la promulgation de la loi Badinter le 9 octobre 1981, et sa constitutionnalisation en février 2007, Chirac régnant, par vote solennel du Parlement réuni en Congrès à Versailles. Certes, la justice française ne tue plus, sauf par complicité avec les assassins, mais ce sont les tueurs, y compris récidivistes, qui s’en donnent à cœur joie, aux dépens des honnêtes gens. Au demeurant, premier et plus illustre garde des Sceaux de l’ère Mitterrand, le défunt avocat n’avait-il pas lui-même des morts sur la conscience ?

Sang contaminé : le massacre des innocents

Celles d’une partie des hémophiles, opérés dans les hôpitaux et accidentés de la route transfusés au début des années 80 de l’autre siècle avec du sang contaminé. A l’époque, les donneurs de sang commençaient déjà à se faire rares et les stocks s’amenuisaient. Le ministre de la Justice incita donc les taulards soucieux de leur rédemption et surtout d’une remise de peine, à se porter volontaires. Las ! Parmi ces asociaux, on comptait des porteurs du sida et de l’hépatite C, lesquels ne furent pas écartés, au nom de l’inclusion. On connaît la suite : « Pour éviter les contaminations au sida, il faudrait alors traiter les plasmas recueillis (chauffer le sang à haute température inactive le virus) avant de procéder à une transfusion sanguine ou a minima, ne pas utiliser les produits non traités. C’est en tout cas ce que recommandent les professionnels de santé de l’époque. Mais les capacités de traitement étant insuffisantes en France, le Centre de transfusion sanguine (CNTS), en concertation avec les membres du gouvernement, autorise la circulation de stocks de sang contaminé par le virus du sida, à destination des hémophiles nécessitant une transfusion sanguineLa décision de n’utiliser que des produits sanguins chauffés (et donc dépourvus de virus) n’a été prise qu’en juillet 1985 et mise en application que le 1er octobre 1985. La même année, en 1985, le Premier ministre, Laurent Fabius, annonce le dépistage obligatoire des donneurs de sang à partir du 1er août, mais c’est déjà trop tard : 95 % des hémophiles traités sont contaminés par le virus du sida ou par le virus de l’hépatite C. » (1) Quelque deux mille d’entre eux seront touchés, plus de huit cents en mourront, dont des enfants. Ce qui se soldera pour l’État et les compagnies d’assurances par une ardoise de 17 milliards de francs à régler aux victimes ou à leurs ayants-droits.

Obstinément tu par les responsables, le scandale éclate en avril 1991 grâce à la journaliste Anne-Marie Casteret, par ailleurs docteur en médecine, qui révèle l’ampleur du carnage.  Le 22 juin 1992, un premier procès s’ouvre, celui de quatre médecins, dont l’ancien directeur du CNTS, Michel Garretta, jugés pour tromperie et absence d’informations sur le risque inhérent aux produits sanguins. Condamnés à des peines de prison, ils accusent le gouvernement et notamment Edmond Hervé, secrétaire d’État à la Santé au moment des faits, Georgina Dufoix, ministre des Affaires Sociales et Laurent Fabius, Premier ministre qui, pourtant  dûment informés, ont fermé les yeux « pour des raisons financières ». Le 9 février 1999, Fabius (qui n’a cessé de flétrir la « nouvelle affaire Dreyfus » ourdie contre par « l’extrême droite » dont l’hebdomadaire Rivarol qu’il avait poursuivi avec succès devant la XVIIème Correctionnelle pour un dessin de Chard), Dufoix et Hervé comparaissent pour complicité d’empoisonnement et homicide involontaire devant la cour de Justice de la République. Laquelle s’empresse d innocenter les deux premiers, le lampiste Hervé étant seul condamné pour avoir « retardé la généralisation du dépistage, joué un rôle dans l’absence de sélection des donneurs de sang et dans l’interdiction tardive des produits non chauffés » — mais il est dispensé de peine. Il renoncera toutefois à la politique, de même que Georgina Dufoix qui, protestante convertie à l’évangélisme, participera en 2013 à la Manif pour tous, expliquant avec lucidité : « Nos concitoyens n’ont pas compris que derrière le mariage des homosexuels, c’est la théorie du genre qui est insufflée dans la société française. Cette théorie qui vient des États-Unis estime qu’homme et femme sont interchangeables » et ce projet de loi essaie « d’effacer de notre droit l’altérité entre hommes et femmes pour la remplacer par la théorie du genre. » 

Bientôt au Panthéon, en attendant Fabius ?

Badinter (garçon de bain en allemand), lui, était passé à travers les gouttes. Le devait-il à sa qualité de fils d’un déporté décédé au camp de Sobibor, à la victoire judicaire qu’il avait remportée contre le révisionniste Robert Faurisson en 1981 ou à sa prise de position, lui qui a fini sa vie fervent talmudiste, pour la « dépénalisation universelle de l’homosexualité » ? Il conserva en tout cas son portefeuille de la Justice jusqu’en 1986, date à laquelle François Mitterrand le bombarda président du Conseil constitutionnel. Planque prestigieuse qui devait échoir en mars 2016 à un autre protagoniste du scandale du sang contaminé, Laurent Fabius. Selon Radio J, la « figure du siècle » sera panthéonisée sous peu. Lui aussi « responsable mais pas coupable », Fabius bénéficiera-t-il après sa mort du même honneur républicain ?

Claude Lorne

1 https://actions-traitements.org/scandale-du-sang-contamine-resume-nombre-de-victim

Un commentaire

  1. On se demande pourquoi la panthéonisation n’est pas déjà en marche !
    (Dis-moi à qui va ta reconnaissance, je te dirai qui tu es .)

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