Japon

A la découverte du Japon catholique

Dimanche de la Passion, le 17 mars, était aussi le jour de la fête de Notre-Dame du Japon, ou Notre-Dame des chrétiens redécouverts. De quels chrétiens s’agit-il, qui sortent de l’ombre très exactement le 17 mars 1865 ? Vous saurez tout sur les chrétiens au Japon grâce à la magnifique exposition qui vient d’ouvrir aux Missions Etrangères de Paris, rue du Bac.

Les périodes de la vie des chrétiens japonais se succèdent mais ne se ressemblent pas. Vient tout d’abord la période faste, celle qui débute avec l’arrivée de saint François-Xavier en 1549 et prend fin avec les édits d’interdiction du catholicisme en 1614 : moins d’un siècle. Mais que de progrès en si peu de temps ! Les jésuites, arrivés dans les bagages des marchands portugais, ont la finesse de s’adresser d’abord aux seigneurs locaux, alors en guerre les uns avec les autres, pour gagner à leur suite les gens du peuple ; ils savent mettre en valeur les connaissances les plus pointues de l’Occident afin que les Japonais n’aient pas l’impression de déchoir en embrassant le catholicisme ; et, surtout, ils prônent une adaptation religieuse et culturelle sans mettre en danger le contenu de la foi révélée. Un exemple ? Les églises, construites dans un style japonais, contiennent un chanoyu, pièce réservée à la cérémonie du thé où la communauté peut se retrouver après la messe. L’exposition montre de magnifiques objets de l’école d’art jésuite.

La période tragique

La crucifixion de 26 chrétiens – franciscains, jésuites et laïcs – à Nagasaki en 1597 annonce la période tragique. Les prêtres sont expulsés du Japon (ceux qui sont arrêtés dans le pays sont mis à mort après d’atroces tortures) et les chrétiens doivent apostasier, ou mourir martyrs. On les oblige à piétiner des images saintes. Après la révolte de Shimabara (1637-1638), 37 000 chrétiens sont mis à mort et leurs corps brûlés. C’est alors que, pour déjouer le gouvernement, les fidèles se transmettent oralement les prières, le calendrier liturgique et les vérités de la foi. Ils détournent des objets à l’allure bouddhique pour prier devant des statues de la Vierge Marie, les Maria-kannon. Comment ne pas être profondément ému en se recueillant devant certains de ces objets de piété parvenus, plus tard, à la maison mère des Missions Etrangères ?

Le retour des prêtres

1863 : les prêtres, notamment des Missions étrangères de Paris, peuvent revenir pour accompagner spirituellement les Occidentaux qui ont forcé la barrière de protection du Japon, mais les habitants n’ont pas le droit de se convertir. Le 17 mars 1865, le père Petitjean voit arriver un groupe de Japonais d’Urakami, village voisin de Nagasaki, qui lui déclarent que « leur cœur est le même » et demandent à voir la statue de la Vierge. Depuis deux siècles et demi, de génération en génération, ils se sont transmis l’essentiel de la foi catholique, risquant tortures et mort s’ils étaient dénoncés. Ils subiront alors une vague atroce de répression avant que, sous la pression des pays occidentaux, le Japon ne cesse de leur interdire la religion catholique en 1873.

Commence alors l’épopée de la seconde évangélisation du Japon, dans des conditions difficiles. Puis les compromis nécessaires avec le gouvernement militariste des années 30, la guerre et les deux bombes, celle de Nagasaki tuant principalement des chrétiens. L’exposition rappelle le souvenir du Dr Nagaï, catholique admirable victime des radiations, mort en 1951. Les dernières pièces évoquent le catholicisme de nos jours : s’ils sont peu nombreux (1 à 2 %), les catholiques japonais gardent une certaine influence grâce à leurs universités, leurs orphelinats, leurs hôpitaux… et restent fiers de leurs « samouraïs chrétiens ».

Il ne faut pas hésiter à faire le voyage, à la fois temporel et géographique, qu’offre cette exposition conçue de main de maître.

Anne Le Pape

• « Des samouraïs aux mangas, L’épopée chrétienne au Japon », Missions Etrangères de Paris 128 rue du Bac. Jusqu’au 13 juillet 2024. Entrée libre du mardi au samedi de 10 heures à 18 heures. Le catalogue retrace cette épopée grâce à ses belles illustrations complétées de textes très riches.

NB : le samedi 23 mars 2024, à 15 heures, conférence à la même adresse de Madame Sylvie Morishita, docteur en théologie catholique et commissaire de l’exposition : « Le catholicisme au Japon, art et histoire du XVIe au XIXe siècle ».

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