Monte-Cristo

« Le comte de Monte-Cristo » : ne boudons quand même pas notre plaisir !

Le film d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, avec Pierre Niney comme acteur principal, est sorti en juillet, et a déjà été vu par plusieurs millions de spectateurs. Ce succès incontestable provoque du même coup un très bienvenu renouveau de la lecture des œuvres d’Alexandre Dumas, à commencer par Le comte de Monte-Cristo, bien entendu. Or il faut savoir que l’édition originale comportait dix-huit volumes (rarissime, elle est très recherchée par les grands bibliophiles), parus entre 1844 et 1845. 1400 pages, ce n’est pas rien pour un roman.

La version filmée de 2024 est la 25e consacrée à ce roman. La première partie, vous vous en souvenez tous, est une aventure du genre Tintin. Cette première partie, celui qui l’a lue adolescent, s’en rappellera en effet toute sa vie : Morcef, Mercédès, l’abbé Farias etc. La seconde partie raconte la vengeance du héros. Elle est plus complexe, mais infiniment délectable, aussi.

Entre ces deux parties, on ne sait rien – et la version filmée de 2024 ne nous apporte pas davantage d’informations que les films précédents ou le roman lui-même – du processus, forcément long et progressif, de transformation du bagnard Edmond Dantès en richissime Italien, même si nous en connaissons la cause première et les circonstances.

Film trop lisse ?

Quelques critiques ont été formulées à l’égard de cette nouvelle version cinématographique. Première critique : elle serait trop lisse, trop orientée vers le « tout public », un film d’été, destiné à attirer le maximum de spectateurs. Mais est-ce vraiment un défaut ? A la limite, écrit par exemple le critique de Valeurs actuelles, « si on était méchant, on dirait que ça ressemble un peu à ce que ça donnera quand les films seront réalisés par des intelligences artificielles ». Mais les Belmondo, La grande vadrouille, Les visiteurs, ne peuvent-ils prétendre au qualificatif de chefs d’œuvre au motif qu’ils étaient « tout public » ?.

La seconde critique, c’est que le film s’éloignerait un peu trop du roman. J’ai lu cela sous la plume d’un spécialiste de l’œuvre d’Alexandre Dumas, dans Marianne ou dans Causeur, je ne sais plus. L’analyse était fine et détaillée, mais au fond, compte tenu du caractère foisonnant du roman, quelle importance ? Il faut restituer l’ambiance et tenir en haleine le spectateur, en tirant le meilleur du roman, quitte à simplifier, voire à modifier par exemple la fin. A condition toutefois que ces modifications ne soient pas prétexte à nous assener des messages d’une moraline forcément anachronique, ! Il m’a semblé que ce n’était pas le cas, si ce n’est peut-être dans le fait que Danglars, l’un des affreux du roman, est un banquier chez Dumas, et un négrier dans le film. Mais comme on le sait, Alexandre Dumas n’était pas du genre à pratiquer le politiquement correct de son temps. Ce qui fait d’ailleurs le charme et aussi la complexité de ses romans.

Voyons maintenant pourquoi le film de La Patellière et Delaporte est réussi. C’est effectivement un film familial (peut-être à partir de 12 ans seulement, compte tenu du duel plutôt sanglant dans la scène finale).

Dans Le Figaro Magazine, le subtil académicien Frédéric Vitoux nous dit ce qu’il n’a pas aimé : des décors grandiloquents, une musique trop forte « qui souligne, comme une coulée de lave, ces moments où le spectateur est assigné à s’émouvoir (…) ». Moi je le trouve un peu dur : les châteaux fantasmagoriques, les intérieurs précieux, la musique « de film », précisément, donnent un tournage éblouissant de qualité, qui a certes mobilisé de gros moyens financiers, mais qui nous emporte.

Autre atout du film :il nous raconte la France de la Restauration, avec les complots bonapartistes, une tranche de notre histoire, et il montre la place de l’Eglise, le rôle du clergé. Dans la France de ces années-là, contemporaine de Dumas, l’Eglise était encore « au centre du village ».

La vengeance, cela fait parfois du bien

En résumé, comme toute l’œuvre de Dumas, une telle histoire exalte la vaillance, l’honneur, le courage. Les corrompus et les lâches finissent par être punis. Certes la vengeance, ce n’est pas très beau, pas très chrétien. Mais cela fait parfois du bien, en tout cas dans un film comme celui-ci.

J’ai bien aimé, aussi, les propos, modestes, de l’acteur principal, Pierre Niney, recueillis par l’excellent Jean-Christophe Buisson, dans le même Figaro Magazine : « Jouer le Comte de Monte-Cristo est une chance, un luxe et une responsabilité ».

Madeleine Cruz

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