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La guerre au Moyen Orient, un jeu de vie et de mort sur le dos des libanais

Le jeu n’est pas nouveau et les libanais sont rodés à cette infamie. Le 4 août 2020 les quartiers chrétiens de Beyrouth étaient soufflés par une gigantesque explosion avec au compteur pas moins de 6500 blessés, 214 tués et 300 000 déplacés. Depuis, l’enquête est toujours au point mort avec un juge pieds et poings liés, plusieurs témoins ouvertement assassinés et des versions rocambolesques visant à faire croire à des milliers de personnes qu’elles n’ont pas vu ni entendu ce qu’elles ont vu et entendu.

Or, tout Beyrouth a clairement entendu le passage des avions de chasse israéliens juste avant l’explosion. La suite est simple dans un contexte ou Israël était en train de frapper des dépôts d’armes du Hezbollah et des Gardiens de la Révolution en Syrie, notamment à Damas mais aussi dans le port de Lattaquié dont l’explosion des dépôts n’a occasionné que des dégâts matériels à l’intérieur de l’enceinte du port. A Beyrouth, le Hezbollah a stocké durant des années un matériel hautement explosif au cœur des quartiers populaires de la capitale libanaise, matériel destiné à être écoulé en Syrie pour alimenter la guerre civile Israël a attaqué ces dépôts sans imaginer une seconde que des quantités de nitrate d’ammonium étaient toujours entassées dans le hangar 12 réservé au Hezbollah. Au regard de l’ampleur inédite du désastre, aucun des deux antagonistes n’a voulu ni pu assumer ses responsabilités. Complice dans l’infamie, ils ont donc opté pour la version du ni toi –ni moi, soutenus en cela par la communauté internationale qui, de Moscou en passant par Paris et Washington, n’a jamais fourni les images satellites des instants ayant précédé puis suivi ce crime inouï, ni répondu aux demandes des victimes de mettre en place un tribunal international indépendant. Ce scenario met en lumière les méandres de la situation actuelle au Moyen-Orient avec la guerre de Gaza et les frappes soigneusement calculées entre les milices pro-iraniennes et l’Etat hébreux. Les civils tués, les blessés, les jeunes soldats sacrifiés, les vies détruites de part et d’autre ne choquent manifestement personne chez les « grands de ce monde » qui font intégralement partie du jeu. La diplomatie ne consiste plus ici à tenter de mettre fin au conflit mais de cantonner celui-ci, tout au moins jusqu’aux présidentielles américaines, à des séries d’ attaques plus ou moins chirurgicales établies selon des règles d’engagement extrêmement strictes visant à permettre aux uns et aux autre de sauver la face vis-à-vis de leurs populations en attendant l’évènement majeur qui pourra faire basculer l’avantage dans un sens ou dans l’autre. Une situation parfaitement illustrée par la riposte iranienne à l’élimination du général Kassem Soleimani en janvier 2020. Selon les révélations, qui n’ont jamais été démenties, de l’ancien ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif dans ses mémoires, les forces iraniennes avaient bombardé la base américaine de Aïn el-Assad, en Irak, durant une opération coordonnée en amont avec les États-Unis par l’intermédiaire des autorités irakiennes et de la Suisse.

Et le spectacle continue depuis l’élimination quasiment simultanée, mardi et mercredi, de Fouad Chokor, cerveau de l’attentat du Drakkar en 1983, bras droit du patron du Hezbollah depuis des décennies et celle, spectaculaire, d’Ismaël Hanieh, patron du Hamas. Hassan Nasrallah a promis une réponse  forte mais « sage » : « Nous recherchons une riposte très étudiée », a-t-il déclaré jeudi. Selon des proches du Hezbollah, le parti considère que l’assassinat de Fouad Chokor au cœur de son fief beyrouthin a fait « sauter toutes les digues » (comprendre les règles préétablies d’attaques acceptables) et que c’est un message direct adressé à Hassan Nasrallah pour lui faire comprendre qu’il reste une cible atteignable, même terré au fond de ses bunkers souterrains de la banlieue sud. Il est donc « impératif que la réponse soit proportionnelle à ces messages », dit un proche du Hezbollah qui prédit que la « réponse sera extrêmement douloureuse » pour Israël dont la riposte sera également « très douloureuse pour le Liban ». On lit dans l’Orient le Jour du 3 août que « la riposte se fera en « étroite coordination avec Téhéran » pour éviter de déclencher une guerre régionale que son parrain veut éviter tout en vengeant l’élimination du chef du Hamas et que, selon des sources diplomatiques, l’Iran a reçu de nombreux messages internationaux appelant à ne pas passer à l’acte ou à modérer sa riposte afin d’éviter une escalade. Mais Téhéran aurait refusé de négocier les modalités de sa réponse, considérant que la négociation ne pourra avoir lieu qu’une fois celle-ci terminée. Dans l’attente, ce sont des dizaines de milliers de libanais expatriés qui ont annulé en catastrophe leur visite estivale au pays et des millions d’autres qui n’en peuvent plus d’être instrumentalisés sans vergogne, soumis à des pressions permanentes, souffrant pour beaucoup de choc post traumatique et qui de plus en plus souvent choisissent de partir à leur tour. Pour ceux qui restent, épuisés par ce modus operandi qui leur interdit toute projection d’avenir, on surprend de plus en plus des discours formulés à mi- mots appelant de leurs vœux le grand affrontement, pour en finir.

Sophie Akl-Chedid

Un commentaire

  1. Merci Madame de vos commentaires si pertinents sur une situation à laquelle les
    Français ne comprennent rien pour la plupart…..
    Pauvre Liban !

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