Tréport

Des lieux où souffle l’esprit : tout au bout de la Normandie, Le Tréport « port de l’au-delà »

Sur la côte normande et picarde à la fois, falaise blanche piquetée de silex et tachée d’humus et d’argile (complexe argilo-humique), munie comme il se doit d’un chemin de douane et d’observation, voici un endroit des plus pittoresque que j’ai toujours voulu visiter depuis mon adolescence… C’est la ville et la plage la plus au nord et la plus à l’orient de mon pays de Caux natal où vécurent avant moi Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, Pierre Corneille par exemple tout comme mon cousin Charles Nicolle lauréat du prix Nobel de physiologie en 1928 et le président Coty. Plus près de nous, Raymond Queneau, André Raimbourg alias Bourvil. Et François Duprat, assassiné sur la route de Caudebec le 18 mars 1978.

Une fois, mon camarade Gilles Pennelle (qui avait organisé le 18 mars 1988, un dépôt de gerbe en forme de croix celtique BBR sur le lieu du crime, avec Guilhem de Tarlé, Robert Isabelle, responsable du DPS, couvert par l’approbation du député Dominique Chaboche) m’avait emmené à Eu où il avait de la famille. C’est pas loin, vous me direz (Eu, Le Tréport et Mers-les-Bains sont trois villes sœurs), mais j’avais voulu, ce jour là, tellement contempler la mer comme d’autres désirent voir Denise et mourir… J’imaginais comme une frontière entre mon pays et celui des Picards… Je ne m’étais pas trompé, aujourd’hui j’en reviens ! Elle existe cette frontière, matérialisée par un port, l’ancien canal de Penthièvre et le canal d’ Eu la mer. Cheux nous, y’a des parois qui surplombent le Channel, des galetons sur la grève, chez eux, c’est des dunes végétalisées et du sable où vivent tout à leur aise des lapereaux qu’il ne faut surtout pas toucher (lapins du hable d’Ault, si nombreux, si mignons). La transition entre ces deux sortes de plages, de pays, de langage, se fait progressivement. Le Tréport normand et la cité jumelle picarde de Mers-les Bains sont ornées de falaises (contrairement à Paimpol, n’en déplaise à Théodore Botrel), tandis qu’Ault et ses entours sont constitués de vastes prairies graveleuses bonifiées d’herbe rase et garnie de maints terriers tous les cent mètres, ma doué ! de vingt à trente garennes.

Le Tréport, comme New York, autre cité portuaire, est une ville debout (concept qui doit tout à Ferdinand Destouches). Debout et haute la falaise ! Debout et dominantes les maisons surplombant le havre et l’écluse. Debout plus haut encore, domine l’église Saint-Jacques du Tréport. Toujours plus haut le Kahl-Burg, centre de commandement de la Wehrmacht construit en 1942 selon la méthode Todt, en réaction immédiate à l’opération Jubilée, insensée (voir chronique du 18 août 2024).

D’Eu, on accède à la ville par le boyau fluvial et nous passons l’écluse, objet de curiosité des badauds quand commence la manœuvre. La rampe du Musoir se profile bientôt, insolite et pentue… Autrefois il y avait des tramways électrifiés qui longeaient le quai, immortalisés par les anciennes cartes postales en noir et blanc. Les villes sœurs étaient reliées par ce transport compromis par la Grande Guerre, la concurrence des autobus, des voitures automobiles et par la corrosion continue des caténaires due au vent marin saturé de sel. Les maisons sont de brique rouge, couvertes de toits d’ardoises noir d’ivoire et de fenêtres encadrées de blanc mat.

Allons au bout du bout de la cité, jusqu’à la dernière extrémité du pays norois en empruntant ces vers à Brasillach, « comme un signal au bout de la jetée, comme un fanal sur le phare agité », voici un cabanon et justement le falot et ses bancs de pierre qui l’entourent, permettant aux flâneurs de contempler les flots. Il faut bien s’en revenir, à regret, avec les joues rouges de soleil ou d’embruns, les sourcils salés, la lèvre sèche, et passer derrière le casino pour pratiquer une ascension vertigineuse jusqu’en haut de la falaise grâce à un funiculaire, gratuit qui plus est, qui passe littéralement par les trous de deux tunnels. Ils permettaient naguère aux clients du Grand Hôtel Trianon de gagner aisément la plage en traversant le roc à bord de wagons de bois. Terminons le périple dans l’église catholique Saint-Jacques au Tréport avec sa façade typique en damier (pierre de Caen et silex), sa tour gothique, son portail renaissance au tympan finement orné, ses superbes clés de voûte, comme d’autres l’ont dit et constaté avant moi.

Voila pour la petite histoire, mais dans la grande Histoire, Le nom du Tréport se traduit en latin par «Ulterior Portus», auquel deux interprétations sont données. L’une serait le «port avancé» de l’antique Augusta dont Eu était le port fluvial, pour l’autre le « port au-delà ». Le Tréport étant le dernier port de la Normandie.

Au Tréport la Normandie s’achève en toute beauté face à la mer et aux côtes de l’Angleterre, pays à qui mon peuple a donné un chef, un roi Guillaume ou Wilhem (comme le prononçait un ami anglois) germanique qui vient de « will », et signifie « protecteur résolu » et à une dynastie.

La croix de pierre de la ville du Tréport (Seine-Maritime, ci-devant Seine Inférieure) a été fracassée, et non accidentellement : il s’agit d’un acte malveillant survenu dans la nuit du 14 au 15 août 2024. Cette croix avait été édifiée en ex-voto lors de l’épidémie de peste survenue en 1618. « Une journée bien triste au Tréport et pour l’ensemble des chrétiens ce 15 août », a écrit Guillaume Pennelle, délégué départemental du RN de Seine-Maritime. Ornée des emblèmes de la maison de France, la croix avait été restaurée par les soins de Louis-Philippe.

Vivent les léopards normands, “Treis Cats” et la croix de saint Olaf scandinave chers à Jean Mabire, Didier Patte et mon vieux feu Jean Trévilly, fondateur du National qui deviendra plus tard National-Hebdo.

Franck Nicolle

Un commentaire

  1. Plutôt deux que “trei”. Idem pour l’anachronisme de la croix de St Olaf puisque quand Rollon se vit confier la protection (contre d’autres pirates scandinaves) d’une petite partie de ce qui allait devenir la Normandie), il n’était pas encore chrétien.
    Mais bon, on va point se battre entre “Nourmands”, surtout en ces terribles nouveaux temps de persécution (Croix détruite).

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