Hussard

Le Hussard… nettoie le Berry !

Avec 29 titres parus, la collection policière Le Lys Noir affiche une belle performance. Le dernier en date met à nouveau en scène Julien Ardant, alias le Hussard. Par temps calme, il tient la librairie Les Décombres, spécialisée dans les ouvrages anciens ; par temps agité, il endosse le costume – ou plutôt l’armure – de redresseur de torts.

Pour cette nouvelle aventure, délaissant Paris, le Hussard juge de son devoir de porter secours à la responsable de l’association le Super Catholique aux prises avec une mafia politique multiforme et de haut niveau. Tel est le cadre dans lequel Francis Bergeron place Le Hussard remonte le temps. Délaissant (pour l’instant) la populaire série jeunesse du Clan des Bordesoule, ses biographies de personnalités littéraires ou politiques, ou encore ses essais sociétaux, Bergeron se lance donc, à son tour, dans le roman policier. Est-ce vraiment surprenant ? Il suit ainsi le parcours de deux journalistes et écrivains classés à droite qu’il admire : Jean Bourdier, historien du polar et auteur de Le Commissaire-priseur (1977) et, bien sûr, François Brigneau, Grand prix de littérature policière en 1954 et dont le Lys Noir a réédité Le Criminel de guerre datant de 1953.

Ne pas oublier non plus que Francis Bergeron est un découvreur de raretés dans ce genre littéraire. On lui doit d’avoir dégotté un polar antimaçonnique de Georges Virebeau (pseudonyme d’Henry Coston) et surtout d’avoir récupéré en salle des ventes des inédits d’Henri Béraud. Des découvertes dont il a fait bénéficier Le Lys Noir dont il est, avec Pierre Gillieth, directeur de collection. Lui-même, en tant que « journaliste de terrain », aime mener des enquêtes comme l’a encore montré récemment le fait d’avoir dégonflé la piste des « néo-nazis de Châteauroux » (Histoire secrète des prétendus “néo-nazis” de Châteauroux 2001-2021, éditions Dualpha).

Pour en revenir au Hussard remonte le temps, son intérêt – outre l’intrigue bien menée – est de se présenter comme un roman enraciné, et ceci de plusieurs manières. Par petites touches et avec un humour décalé, on en apprend beaucoup sur une agglomération comme Argenton-sur-Creuse. Ainsi, le Hussard et son ami le Lansquenet, au détour d’une action, remarquent : « Nous sommes montés à pied jusqu’à la Bonne-Dame, cette statue dorée qui domine la ville, et nous accueille avec un sympathique salut à la romaine. » Et puis, il y a les plaisantes notations littéraires : « Pour Alexandre Vialatte, Gaston Bonheur, Denis Tillinac et beaucoup d’autres, abonnés d’hier à la ligne Paris-Brive-Toulouse, le pays d’Oc – et même l’Auvergne – commençait là. »

Si nos héros, avant d’entreprendre un salutaire sauvetage, prennent des forces, ce ne saurait être qu’avec du Valençay ou du Reuilly accompagné, quand ils ont brièvement posé leurs armes, d’une andouillette du Berry ou d’un « moelleux Pouligny-Saint-Pierre dans lequel le couteau s’enfonce sans effort ». Autant de roboratives nourritures pour affronter des politiciens argentonnais soutenus par La Nouvelle République, « rebaptisé La Nouvelle Répugnante par une large partie de la population ». Bref, du vécu, revu, adapté (largement quand même) et corrigé par le journaliste Francis Bergeron.

Dans les années 70, ADG, avec le « néo polar », né en réaction aux histoires de voyous style Pigalle agencées par Auguste Le Breton, avait mis en scène les turpitudes du « gaullisme immobilier ». Bergeron appartient à cette veine. Relevons encore que, grand lecteur de collections populaires, notre ami a pu s’inspirer de certaines scènes puisées dans la  « série blonde » éditée au milieu des années 50 (à laquelle collaborèrent sous nom d’emprunt, entre autres, Michel Déon, Jacques Laurent et François Brigneau). Mais, en final, en y mettant une touche chrétienne, puisqu’il est question de mariage et de retraite à l’abbaye de Fontgombault !

Philippe Vilgier

• Francis Bergeron, Le Hussard remonte le temps, Auda Isarn, 12 euros.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *