Syrie

Le Hezbollah frappé de plein fouet par la chute d’Assad

Un Hezbollah laminé par la délirante guerre que Hassan Nasrallah a déclenché unilatéralement le 8 octobre 2023 en soutien au Hamas s’est trouvé incapable de soutenir le président syrien désormais déchu lors de l’offensive fulgurante menée contre le régime par Hayat Tehrir Sham (HTS). Avec la chute de Bachar el Assad, la milice chiite pro-iranienne est plus faible que jamais, sa base arrière échappant désormais au contrôle de Téhéran, cette nouvelle donne la privant de ses couloirs d’approvisionnement en armes et financements en dépit du déni de ses nouveaux dirigeants.

« Quoiqu’il arrive en Syrie, cela ne nous affaiblira pas », a affirmé le député du Hezbollah Hassan Fadlallah en reprenant le narratif dicté au successeur de Hassan Nasrallah, cheikh Naim Kassem, par ses patrons iraniens. Dans la réalité, tous les analystes civils et militaires s’accordent pour dire que la milice qui exerçait, grâce à ses armes, un contrôle croissant depuis des décennies sur l’Etat libanais, est sur le point de s’effondrer. En effet, le régime des Assad qui a dirigé la Syrie d’une main de fer depuis 54 ans a joué un rôle majeur dans la montée en puissance du Hezb depuis sa création par les Gardiens de la Révolution au début des années 80. En 2005 au Liban puis en 2013 et 2024 en Syrie, la milice a renvoyé l’ascenseur au régime tout d’abord en jouant un rôle déterminant dans son maintien au pouvoir après la révolution de 2011, bloquant l’avancée des groupes rebelles sur Damas en 2013, puis en faisant du Liban et de ses infrastructures portuaires et aéroportuaires sous son contrôle une plaque tournante du trafic de Captagon dont la Syrie est devenue le premier producteur et exportateur mondial depuis 2020 sous la direction de Maher el Assad, le frère de Bachar el Assad, et de ses cousins Makhlouf.

Au lendemain de 14 mois de guerre, les principaux dirigeants politiques et militaires du Hezbollah sont morts, son infrastructure réduite à néant ainsi que ses réseaux de financement. « La chute du régime marque la fin de l’approvisionnement Hezbollah et de la Syrie en armes iraniennes » a déclaré le lieutenant-colonel Fares el Bayoush, un ex officier de l’armée arabe syrienne passé en Turquie en 2017. La première conséquence de l’effondrement de la branche militaire du Hezbollah au Liban est le déploiement de l’armée libanaise dans les zones du Hezbollahland au sud du pays et dans la Bekaa, selon les termes de la trêve signée le 27 novembre entre le Liban (inclus ses ministres hezbollahis) et Israël. « Pour le Hezbollah, c’est la fin de la partie », affirme Samir Geagea, le Président du premier parti chrétien et national du Liban, les Forces Libanaises. « Rendez vos armes à l’armée libanaise, mettez fin à votre statut de milice armée et devenez un parti politique » a-t-il conseillé aux députés du groupe. C’est un conseil avisé dont le Hezb ferait bien de s’inspirer au plus vite à l’heure où la grogne au sein même de ses partisans et de la communauté chiite ne cesse de croitre. Beaucoup lui reprochent d’avoir entrainé le Liban pour la énième fois dans une guerre dévastatrice pour des intérêts étrangers. Selon les Forces de Défense israéliennes entre 4 à 6000 personnes ont trouvé la mort au Liban, dont environ 3500 miliciens, sans compter les dizaines de milliers de blessés depuis l’ouverture du Front de soutien à Gaza par le Hezbollah, 1 million de personnes ont été déplacées et de très nombreux villages et villes du Sud, de la Bekaa et de la banlieue chiite de Beyrouth sont réduits en cendre. Quant à l’économie du pays, déjà très ébranlée par la crise bancaire qui perdure depuis 2019, elle est mise à mort par des pertes liées directement à la guerre estimées à 15 milliards de dollars. C’est dans ce cadre qu’un certain nombre de journalistes et d’intellectuels chiites opposés de longue date au Hezbollah organisent une réunion le mercredi 17 décembre au siège de l’Ordre de la presse à Beyrouth pour lancer un « document de sauvetage » du chiisme politique, avec entre autres figures unanimement respectées, Ali el Amine ou encore Mohammad Barakat, rédacteur en chef du site d’information Assas (!). Ce dernier explique : « La dernière guerre contre Israël a créé un nouvel état d’esprit au sein de la communauté chiite. Et cela devrait se traduire par un discours politique nouveau, surtout que c’est cette communauté qui a payé le plus lourd tribut de la décision du Hezbollah d’entraîner le Liban dans ce conflit. »

Le cheikh chiite Abbas Jaouhari, candidat aux législatives de mai 2018 sur la liste anti-Hezbollah dans la circonscription de Baalbeck-Hermel dont les meetings se faisaient régulièrement mitrailler par les miliciens de Hassan Nasrallah, abonde dans son sens : « Les tendances dans les rangs de la communauté chiite ont changé après la guerre. Et c’est sur cette métamorphose que nous parions pour élaborer un nouveau discours axé sur la nécessité pour le Hezb d’intégrer l’État. La chute du régime syrien est un moment historique dont nous voulons profiter pour modifier les rapports de force sur la scène locale. Cela ne signifie pas que la page du Hezbollah soit définitivement tournée au Liban et le parti aura son mot à dire dans le choix du futur chef de l’État, mais dans les limites de son poids parlementaire et non pas en imposant sa volonté aux autres protagonistes par les armes », affirme le dignitaire religieux. 

L’opération « Déluge el-Aqsa » du 7 octobre 2023 a déclenché une tempête qui a emporté le leadership du Hamas, celui du Hezbollah et celui du régime syrien, avec peut être dans les mois qui viennent le tour de l’Irak et enfin de l’Iran, pour le plus grand bénéfice de la Turquie et d’Israël, mais aussi pour le Liban qui tient pour la première fois depuis des décennies une opportunité de se reconstruire. L’avenir dira si les dirigeants politiques du Moyen Orient sauront faire preuve de suffisamment d’intelligence et de vision pour reconstruire la région sur des bases saines et une volonté tendue vers le bien commun et la paix.

Sophie Akl-Chedid

Un commentaire

  1. Puisse le ciel vous entendre ! Mais l’Iran abattu (libéré des mollah), l’Irak maintenu en état de faiblesse chronique, effectivement, la Turquie comme Israel se partageront les dépouilles . Il faut redouter les ambitions israeliennes , celles du Grand Israel .

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