Entretien avec Paul-Louis Beaujour qui vient de publier aux Éditions de Déterna Plaidoyer pour Joseph McCarthy, préface d’Alain Sanders
(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul, publiés sur le site de la réinformation européenne Eurolibertés).
« En juillet 1995, la publication des messages Venona (Venona Papers) apporta la preuve irréfutable qu’un nombre effarant d’officiels très haut placés dans les instances gouvernementales US avaient délibérément entretenu des relations clandestines et continues avec les services de renseignement communistes, et leur avaient communiqué des informations dites « sensibles » pendant de nombreuses années (…) Venona démontrait implacablement que McCarthy, de 1950 à 1954, n’avait fait que révéler au grand jour ce que le gouvernement US (et le FBI) savait déjà depuis plusieurs années »
N’exagérez-vous pas quand vous écrivez que Joseph McCarthy est, avec Adolf Hitler et l’empereur Néron, le personnage le plus exécré de l’histoire ? Il n’a tout de même fait que mener une lutte, certes acharnée, mais uniquement politique et judiciaire, contre l’infiltration communiste aux États-Unis…
Dans le domaine de la diabolisation médiatique, systématique, et obligatoire, il est évident qu’Adolf Hitler reste le « champion hors catégorie » ! Mais a contrario de l’ancien chancelier germanique (soutenu par une grande majorité des Allemands jusqu’à la fin), le sénateur (du Wisconsin) McCarthy a la double particularité d’avoir été ostracisé, calomnié et répudié de son vivant et par ses propres pairs ! Et ce, jusqu’à aujourd’hui, 70 ans !) plus tard, où McCarthy est toujours aussi honni et où son nom est devenu carrément synonyme de « chasse aux sorcières », de persécution, d’injustice, d’arbitraire, de mensonge, etc. Et franchement, j’ai beau chercher, je ne vois pas l’équivalent d’une haine aussi persistante dans toute l’histoire... Donc, je ne pense pas exagérer la détestation dont le méchant McCarthy fait encore l’objet, et c’est justement parce qu’il s’en est pris aux communistes et à leurs complices, dont les sympathisants, sous d’autres appellations, sont aujourd’hui (phénomène stupéfiant) nombreux et vindicatifs, qu’il est toujours aussi vilipendé.
Dans sa préface, Alain Sanders évoque certaines de ses méthodes qu’« on peut contester, voire regretter, parce que préjudiciables à son juste combat »… À quelles méthodes fait-il allusion et quel jugement portez-vous sur celles-ci ?
La manière dont McCarthy a « traité » George Marshall, le « légendaire » général 5 étoiles, qu’il a littéralement démoli au Sénat le 14 juin 1951, et surtout le général Ralph Zwicker (un autre « héros de guerre »), le 18 février 1954, lui a sans nul doute porté un énorme préjudice (même de la part de ses partisans), et accessoirement, attiré la haine d’une bonne partie de l’armée US… Mais en dehors de ces deux cas précis, et en dépit de la légende noire colportée depuis des décennies, McCarthy dirigeait habituellement son sous-comité avec courtoisie, calme et impartialité, ce qui d’ailleurs ne cessait d’étonner ses adversaires et ses détracteurs, à l’instar du sénateur Démocrate et membre de la commission de McCarthy, Henry Jackson : « Je dois dire que j’ai une bien meilleure opinion de McCarthy que celle que j’avais avant d’intégrer ce comité. C’est un juriste très compétent. Il est sacrément intelligent (sic). Il est juste et courtois envers les membres de son comité. Il n’agresse pas les témoins comme je m’y attendais. En fait, il a permis à des témoins très hostiles de s’exprimer fort longuement. »
Les seules fois où McCarthy pouvait devenir agressif étaient lorsque les témoins invoquaient le 5e amendement (« Je refuse de répondre parce que cela pourrait m’incriminer ») de manière systématique (une occurrence assez fréquente…), faisaient de l’obstruction permanente, ou restaient volontairement évasifs dans leur réponse. Mais dans l’ensemble, ce que tout le monde reconnaissait à l’époque, McCarthy conduisait ses auditions avec pondération. Quant à mettre les témoins « sur le grill » durant des heures, c’était la méthode généralement employée par toutes les commissions sénatoriales de cette période, de guerre froide, rappelons-le.
Quel éclairage nouveau apportez-vous sur lui et son action ?
En juillet 1995, la publication des messages Venona (Venona Papers) apporta la preuve irréfutable qu’un nombre effarant d’officiels très haut placés dans les instances gouvernementales US avaient délibérément entretenu des relations clandestines et continues avec les services de renseignement communistes, et leur avaient communiqué des informations dites « sensibles » pendant de nombreuses années. La liste de ces « taupes » de (très) haut vol et de leurs responsabilités au sein de l’administration américaine était littéralement affolante. Venona démontrait implacablement que McCarthy, de 1950 à 1954, n’avait fait que révéler au grand jour ce que le gouvernement US (et le FBI) savait déjà depuis plusieurs années. On aurait alors pu espérer, après cette divulgation « officielle » des Venona Papers,qu’on assisterait à un changement d’attitude envers le sénateur, ou tout du moins, à la fin des calomnies à son encontre, car comme l’a écrit très justement Ann Coulter : « Ainsi, les espions soviétiques n’étaient pas nés des fantasmes de l’Extrême Droite… McCarthy ne s’était pas battu contre des moulins à vent. Il s’était battu contre une authentique conspiration communiste tournée en ridicule par le Parti Démocrate. »
Mais il n’en fut évidemment rien… La propagande marxiste perdura et s’impose encore et toujours. D’où ce modeste ouvrage qu’on peut taxer de réhabilitation, sans que j’en sois offensé.
On ne parle plus aujourd’hui « d’infiltration » communiste, mais beaucoup « d’influence » russe sur le continent américain… Y a-t-il finalement une grosse différence ?
À mon avis, il y a une énorme différence… L’infiltration, l’espionnage, quels qu’en soient les motifs (politique, industriel, belliciste…) est certes, une constante (une nécessité ?) dans l’histoire. Mais l’époque n’est plus celle de la guerre froide et, que je sache, on ne peut pas (encore) parler de guerre (même tiède) entre les USA et la Russie… En outre, ceux qui dénoncent aujourd’hui la fameuse « influence » russe sont exactement les mêmes qui ne « croyaient » pas une seconde à l’infiltration communiste dans les années 50 (ils en faisaient d’ailleurs souvent partie…) Comment pourrait-on faire confiance à ces gens qui se sont toujours trompés et qui nous ont toujours trompés ?
Plaidoyer pour Joseph McCarthy, Paul-Louis Beaujour, Éditions Déterna, collection « Documents pour l’Histoire », préface d’Alain Sanders, 350 pages, 39 € ; pour commander ce live, cliquez ici.
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