Liban

Le Levant (enfin) à l’aube d’un renouveau salvateur ?

Les évènements qui ont bouleversé le visage du Moyen Orient ces dernières semaines ont laissé des millions de syriens, de libanais et aujourd’hui de palestiniens dans une joie profonde tintée d’incrédulité après des décennies de souffrances économiques, militaires, sociales, politiques et psychiques. La fin de la partie a été sifflée dans le sillage de l’accession de Donald Trump au pouvoir le 6 novembre 2024 et la redistribution des cartes régionales qui a suivi a largement amputé les leviers d’influence et de déstabilisation de la République islamique d’Iran qui a commis une erreur probablement existentielle en permettant, voire en commanditant, l’opération terroriste « Déluge d’al Aqsa » du 7 octobre 2023 en Israël.

Certes, des incertitudes demeurent sur l’avenir mais les planètes sont alignées même si la refonte du Moyen Orient n’échappera pas à des tentatives d’interférences et de déstabilisation comme l’intense campagne de désinformation sur les « véritables intentions » du nouveau régime syrien qui inonde les réseaux sociaux le démontre chaque jour, une campagne dénonçant des exactions imaginaires à l’encontre des minorités ethniques et confessionnelles comme les alaouites et les chrétiens et visant de toute évidence à dynamiter les efforts de réconciliation nationale, une condition primordiale à la reconstruction politique et économique du pays. Ces affirmations sont pourtant facilement vérifiables en se référant, par exemple, aux sites officiels des représentations chrétiennes locales, archevêchés et patriarcats, qui multiplient les communiqués enjoignant les fidèles à entrer de plein pied dans cette nouvelle ère qui se profile et les encourageant à participer à la restructuration de l’administration et des institutions publiques. La volonté affichée des responsables druzes et chrétiens de Syrie de collaborer avec les nouvelles autorités, démontre si besoin est que la question kurde demeure la seule inconnue de l’équation syrienne à ce jour du fait de l’implication de la Turquie sur ce point en particulier.

Au Liban, l’adhésion populaire massive au projet de reconstruction d’un Etat véritablement souverain annoncé par le nouveau Président Joseph Aoun lors de sa déclaration de politique générale dans les minutes qui ont suivi son élection, laisse peu de place à de telles tentatives et même le groupe parlementaire du Hezbollah, le grand perdant de cette réinitialisation de l’Etat, semble avoir compris qu’il n’a aucun intérêt à s’exclure de cette dynamique s’il veut tenter de sauver son propre espace politique à un peu plus d’un an des prochaines élections législatives.

Enfin, last but not least, après quinze mois d’une guerre destructrice entre Israël et le Hamas à Gaza, un accord de cessez-le-feu et de libération des otages a été annoncé mercredi soir et devrait entrer en vigueur le dimanche 19 janvier. Dans ce contexte, comme l’attaque du Hamas a marqué le début de la fin du slogan appelant à la destruction totale d’Israël « du fleuve jusqu’à la mer », la capacité, ou non, des autres responsables palestiniens (Fatah, Autorité Palestinienne) à surmonter leurs dissensions et à démontrer leur volonté de bâtir un Etat palestinien respectueux de l’existence et de la sécurité de l’Etat hébreux sera sans doute un moteur essentiel de la stabilité et de la reconstruction de la région.

En effet, le projet de l’administration Biden pour la gouvernance post-Hamas et le « jour d’après » comprend la création d’un État palestinien indépendant et son administration par une « Autorité palestinienne réformée », sans que l’on ne sache exactement ce que cela signifie. Dans le cas contraire, il y a fort à craindre une réapparition rapide de métastases du Hamas à Gaza et dans les Territoires occupés, sans doute sous un autre nom. Anthony Blinken, l’envoyé spécial de Washington au Moyen Orient, l’a dit très clairement mardi dernier : « Une fois la trêve conclue, Israël devra accepter une voie vers la création d’un État palestinien indépendant, dans le respect des conditions et des délais impartis (…)». En clair, pour relancer un processus de paix durable, les États-Unis voudraient une administration intérimaire souple, supervisée par des « partenaires étrangers », afin de gérer les principaux secteurs civils de Gaza tels que la santé, l’éducation, l’économie et la coordination civile avec Israël.

Pour Ghaith el-Omari, chercheur au Washington Institute for Near East Policy, il est très probable que Donald Trump reprenne à son compte la proposition de l’administration Biden sans perdre de vue son but premier qui est d’arracher une normalisation des relations israélo-saoudiennes dans le cadre des Accords d’Abraham élargis. Or, Riyad conditionne cette éventualité à la création d’un État palestinien. Cette exigence ne dessert pas en soi l’ambition israélienne de s’intégrer à terme dans un Moyen Orient non hostile, mais Benjamin Nétanyahou « va devoir trouver une solution en interne » pour convaincre une partie de son propre gouvernement très critique vis-à-vis de cette éventualité, tout comme les factions palestiniennes devront elles aussi accorder leurs violons pour la mise en chantier de l’édification d’un Etat palestinien.

Pour Peer De Jong, ancien colonel des troupes de marine et vice-président de l’Institut Themiis, Donald Trump « va être sûrement extrêmement intrusif, extrêmement directif. On verra si ça fonctionne ou pas (…) C’est un processus qui va durer un certain temps ».

Ce que l’on peut dire à ce stade, c’est qu’en ce qui concerne la libération des otages, la rhétorique cassante de D. Trump a parfaitement fonctionné, lui qui avait promis de « déchaîner l’enfer sur le Hamas et Gaza » si ces derniers n’étaient pas libérés avant sa prise de fonction le 20 janvier.

Sophie Akl-Chedid

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