Alors que les huit années de macronisme se sont déjà traduites par 3 300 milliards de dette publique supplémentaire et que le retour à un budget en équilibre se révèle impossible, était-il vraiment nécessaire de « claquer un pognon de dingue », pour parler comme l’Élyséen, dans la commémoration de la capitulation allemande le 8 mai 1945 et son corollaire, la soviétisation de toute l’Europe de l’Est pendant près de sept décennies ?
Mais s’étant autodissous avec la dissolution l’an dernier de l’Assemblée nationale où le parti présidentiel ne joue désormais plus que les utilités, le chef de l’État s’ennuie. Il avait donc décidé de faire du 8 mai 2025 une sorte de réédition de l’inauguration des JO de Paris, avec concert international, estrades, praticables… et gigantesques embouteillages dans s l’ouest parisien où de nombreuses stations de métro avaient été fermées dès la veille, « par mesure de sécurité ». Mais qu’importe le coût du flacon pour qu’on éprouve encore l’ivresse du pouvoir ?
Concurrence mémorielle
Ce qu’Emmanuel Macron n’avait toutefois pas prévu c’est que, en ce jour qui aurait dû lui permettre de rebondir, les médias et la presse mainstream, y compris un quotidien généralement neutre comme Le Parisien, feraient quasiment l’impasse sur la « victoire des démocraties » pour privilégier un événement concomitant : les « massacres de Sétif » qui le même 8 mai 1945, auraient coûté la vie à 1 165 Algériens selon le rapport envoyé par le général Duval, à Charles De Gaulle alors président du gouvernement provisoire de la République française. Chiffre qui n’a cessé de gonfler depuis : 15 000 morts selon le Parti communiste algérien exigeant justice, et 45 000 morts revendiqués depuis l’indépendance par les gouvernements algériens successifs qui considèrent cette tentative d’insurrection comme « le premier acte de la guerre d’Algérie ». Qui se solda aussi, ce qui explique la sévérité de la répression, par la mort, le plus souvent par égorgement, d’une centaine de Français et de quelque 900 musulmans loyalistes qui avaient tenté de raisonner les émeutiers.
Le 8 mai 2020, 75e anniversaire de la tragédie, le président algérien Abdelmadjid Tebboune décréta d’ailleurs que « le 8 mai sera désormais la “Journée nationale de la Mémoire” ».
Journée à laquelle ont tenu à participer jeudi à Alger un certain nombre de parlementaires français dont le sénateur centriste Raphaël Daubet, le socialiste Laurent Lhardit, président du groupe d’amitié France-Algérie à l’Assemblée nationale, ainsi que les députés Fatiha Keloua-Hachi (PS), Danielle Simonnet (LFI) Stéphane Peu (PCF) ou le macroniste Belkhir Belhaddad, natif de Timgad. Tous porteurs : « Apaiser la relation franco-algérienne et reconnaître les crimes coloniaux dans le travail de mémoire et l’amitié entre nos peuples».Macron n’avait-il pas frayé la voie dès 2017 en battant notre coulpe pour « les crimes contre l’humanité » commis par la France en Algérie ?
Bad-Reichenhall : Une ombre sur le camp du bien
Ce 8 mai 1945 fut aussi un jour sombre de notre histoire : faits prisonniers par les Américains en Bavière, douze jeunes Waffen-SS français de la division Charlemagne furent remis à la 2ème DB alors cantonnée à Bad-Reichenhall. Où, sans le moindre jugement, ils furent fusillés par leurs compatriotes. Sur l’ordre du général Leclerc de Hauteclocque en personne ? Ce dernier avait reproché aux prisonniers des porter un « uniforme ennemi », à quoi il avait été répondu que lui-même arborait bien un vêtu d’un uniforme américain, riposte qui l’avait rendu si furieux qu’il avait quitté les lieux, non sans ordonner qu’on « le débarrasse de ces gens-là », sans préciser ce qu’il fallait en faire. Ses subordonnés prirent-ils indûment la formule au pied de la lettre ou avaient-ils parfaitement compris la consigne ? Le futur maréchal ne s’en expliqua jamais et l’affaire fut vite étouffée dans l’euphorie de la victoire mais ces exécutions expéditives, alors que la guerre venait de se terminer, laissèrent un goût amer à certains soldats de la 2ème DB, tel l’engagé volontaire alsacien Charles Emmanuel Boch. Alors simple caporal, il devait montrer plus tard dans Rivarol et la revue Écrits de Paris, puis dans un livre — _Le Guêt-apens de Bad Reichenhall, éditions du Lore, 2007 — combien, dès lors, sa foi dans le « camp du bien » en fut ébranlée.
Camille Galic