Espagne

En Espagne (comme en France), l’insoluble problème des retraites

Comme le sait toute personne qui ne se laisse pas berner, les retraites en Espagne (comme dans de nombreux autres « pays de notre entourage ») sont financées selon un système de répartition pyramidal. Un tel système exige que, pour soutenir les bénéficiaires (les retraités), les nouveaux cotisants (les travailleurs) soient suffisamment nombreux, mais aussi que leurs cotisations à la Sécurité sociale soient élevées ; aucun de ces deux prérequis indispensables n’est rempli en Espagne, où la natalité est exsangue et où la majorité des emplois créés sont faiblement rémunérés.

Sans natalité, un système condamné

À cet égard, il convient de démentir les sornettes de la propagande officielle, qui associe l’augmentation de l’immigration à la pérennité du système de retraites ; car la grande majorité des immigrés deviennent des cotisants à bas salaires, dont les contributions ne suffisent pas à garantir les pensions des bénéficiaires actuels, et encore moins celles des bénéficiaires futurs (parmi lesquels figureront ces mêmes immigrés). Il suffit d’étudier l’évolution de l’économie espagnole au cours des vingt dernières années pour comprendre que, si le PIB augmente grâce à l’immigration, l’endettement public ne cesse de croître et le niveau moyen des revenus des Espagnols ne cesse de diminuer.

Comme c’est toujours le cas dans les systèmes pyramidaux, le système de retraites espagnol est condamné à s’effondrer, même s’il bénéficie du soutien de l’État. L’augmentation des cotisations, le relèvement de l’âge de la retraite et d’autres mesures adoptées ces dernières années ne font que transformer ce système totalement inviable en un régime d’exaction injuste. De plus, en ce moment, d’innombrables jeunes travailleurs aux salaires insuffisants pour accéder à la propriété immobilière financent les pensions de retraités qui, outre le fait de posséder une ou plusieurs propriétés, perçoivent chaque mois le double de leur salaire. Cette situation n’a rien à voir avec la prétendue « solidarité intergénérationnelle », mais relève plutôt d’un système esclavagiste qui, selon une notion de stricte justice sociale, devrait être urgemment corrigé. Cependant, aucun des gouvernements qui se sont succédé au cours des dernières décennies n’a fait quoi que ce soit pour y remédier, bien au contraire.

En dehors de ces réformes inefficaces mentionnées (qui ne font que nuire aux cotisants actuels, contraints de cotiser davantage et de travailler plus longtemps), ces gouvernements se sont surtout efforcés de maintenir le pouvoir d’achat des pensions au prix d’une explosion de la dette publique, tandis que le pouvoir d’achat des salaires n’a cessé de se réduire.

Du laxisme au despotisme

De tout cela, il découle que le système de retraites en vigueur en Espagne est la pierre angulaire du maintien du Régime. Je ne parle pas seulement du fait que les gouvernements successifs, en maintenant le pouvoir d’achat des pensions dans un contexte insoutenable, cherchent à « acheter le vote » des retraités ; je fais référence à quelque chose de bien plus grave et sinistre. On maintient un système pyramidal aberrant au prix d’une augmentation insupportable des dépenses publiques, au prix d’exactions sauvages imposées aux cotisants, au prix de la création d’un système inéquitable et presque esclavagiste, dans lequel des cotisants aux salaires modestes soutiennent des retraités aux pensions élevées.

Comment expliquer une telle aberration ? La réponse est inquiétante, mais elle s’impose à toute personne qui ne se laisse pas duper : nos gouvernants (comme ceux des « pays de notre entourage ») savent que les changements de régime politique ne surviennent que lorsqu’une majorité sociale est insatisfaite ; ils s’emploient donc à maintenir matériellement satisfaite la population la plus âgée (qui est majoritaire), tandis qu’ils contentent la population jeune, minoritaire, avec des palliatifs sordides (droits libertaires, divertissements abrutissants, pollution idéologique, etc.), dans l’espoir qu’elle ne se rebellera pas. Combien de temps pensent-ils tenir ainsi ? Aussi longtemps que possible, bien sûr ; et au fil du temps, ils augmenteront la dose de ces palliatifs pour la jeunesse.

Mais viendra le jour où le système deviendra totalement insupportable ; alors, ils devront adopter des mesures drastiques et despotiques qui ne pourront plus satisfaire personne, ni matériellement ni par des palliatifs sordides. Ces mesures seront sans aucun doute prises de manière concertée, conçues par des organismes supranationaux, telle la Commission Européenne, qui s’efforcent aujourd’hui de nous montrer un visage aimable (bien que de moins en moins de gens se laissent prendre à cette mascarade) et qui, alors, se révéleront enfin comme ce « tyran gigantesque, colossal, universel, immense » que Donoso Cortés avait pressenti.

Juan Manuel de Prada

Source : https://noticiasholisticas.com.ar/pensiones-por-juan-manuel-de-prada/ :

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