Tandis qu’au Liban, la question du désarmement du Hezbollah n’en finit pas de ralentir les objectifs sécuritaires, politiques et économiques du tandem Joseph Aoun/ Nawaf Salam, exposant le pays à un énième affrontement avec Israël – car il ne fait aucun doute que la dynamique régionale portée par la relance des Accords d’Abraham et dopée par l’Accord Trump sur Gaza ne saurait être remise en cause par les atermoiements de la milice pro-iranienne qui multiplie les effets d’annonce contradictoires, entre refus de remettre son arsenal militaire à l’armée libanaise, menaces à peine voilées de créer des troubles civils, blocage du vote de la diaspora libanaise dans l’ensemble des circonscriptions du pays par le tandem chiite et le CPL dans le cadre des élections législatives prévues en 2026 – la Syrie fonce vers sa réintégration dans le système diplomatique international et multiplie les initiatives visant à promouvoir la stabilité du nouveau régime et les accords économiques liés à sa reconstruction.
En effet, 10 mois après la chute du régime de Bachar el Assad, Ahmad al Charaa, à l’occasion de la première participation d’un chef d’Etat syrien à l’Assemblée générale de l’ONU depuis 1967, et Marco Rubio, Secrétaire d’Etat américain, se sont rencontrés à New York le 22 septembre dernier, le président syrien par intérim cherchant à obtenir la levée totale des sanctions américaines et appelant à un « Accord de sécurité » avec son voisin israélien. Par ailleurs, dans cette logique stratégique de stabilisation face aux défis sécuritaires, économiques, technologiques et énergétiques que la Syrie doit relever, Ahmed al Charaa est attendu à Moscou le 15 octobre prochain dans le cadre du premier sommet Russie-Ligue Arabe. Il y a été précédé le 2 octobre dernier par le chef d’Etat Major syrien qui s’est rendu dans la capitale Russe à la tête d’une délégation militaire de haut niveau reçue par le vice premier ministre de la Défense, cette visite s’inscrivant « dans le cadre des efforts visant à renforcer la coopération entre les ministères de la Défense des 2 pays », selon un communiqué officiel. Des sources diplomatiques non officielles affirment pour leur part que Damas cherche à obtenir l’annulation de la dette syrienne contractée par le régime précédent en échange d’une garantie concernant la pérennité de la présence russe en Méditerranée orientale via le littoral syrien (le port militaire de Tartous et la base aérienne russe de Hmeimim au Sud-est de Lattaquié).
A l’intérieur, des élections législatives indirectes se sont déroulées dimanche dernier en Syrie, durant lesquelles quelques 6000 membres du collège électoral ont élu 140 députés pour un mandat intérimaire de 2 ans et demi, 70 autres parlementaires devant être désignés par le Chef de l’Etat, ce système indirect transitoire répondant à l’absence d’un recensement fiable de la population depuis le début de la guerre en 2011. Particularité de ce scrutin, 70 % des candidats devaient être des universitaires ou experts dans leurs domaines respectifs, les 30% restant étant des notables reconnus de leurs communautés.
Enfin, les projets de reconstruction revêtent une ampleur économique considérable :
- Infrastructures portuaires
Un contrat de 30 ans impliquant un investissement de 230 millions d’euros a été signé en mai 2025 avec CMA CGM pour moderniser et exploiter le port industriel de Lattaquié. Un autre accord de 800 millions de dollars lie la Syrie à DP World pour le port de Tartous. - Énergie
En août, un consortium qatari, turc et américain a conclu un accord de 7 milliards de dollars pour reconstruire les réseaux électriques et couvrir très rapidement 50 % des besoins du pays. - Investissements étrangers
Des partenariats avec l’Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar représentent 14 milliards de dollars pour la reconstruction immobilière et la modernisation des aéroports. Selon la Chambre de commerce de Damas et un rapport de la Banque mondiale, les opportunités d’investissement s’élèvent à 400 milliards de dollars, plus de 500 entreprises internationales ayant déjà déposé un dossier devant les autorités compétentes. Par ailleurs, la Banque centrale syrienne négocie sa réintégration au réseau SWIFT dans les prochaines semaines.
Ainsi, la Syrie amorce une phase de reconstruction ambitieuse, soutenue par une diplomatie proactive et des partenariats stratégiques. Le Liban, quant à lui, reste entravé par des blocages politiques internes qui freinent son développement et accentuent potentiellement les tensions régionales.
Sophie Akl-Chedid
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