C’est un récit passionnant que les éditions du Paillon viennent de rééditer. Le témoignage de Jacques Masselin est de ceux qui font comprendre la guerre à hauteur d’homme. Engagé au lendemain du débarquement dans la Milice, le jeune homme d’alors était, de son aveu même, un fanatique. Son engagement devait le mener dans les mornes plaines de Poméranie avec la division SS Charlemagne.
Rédigé en 1975, son idéalisme de jeunesse n’est nullement renié ou édulcoré dans son témoignage. Mais il le regarde avec le recul critique d’un homme mûr qui sait la vérité de la guerre à travers ses horreurs. Il trouve des accents céliniens pour décrire le bruit et la fureur qui règnent dans ce Reich finissant. De l’entraînement dans les camps de la SS à la traversée d’un pays en état de siège, le jeune grenadier observe un monde qui s’effondre. Il sait que tout retour en arrière est impossible et qu’il faut juste tenir pour l’honneur. Il insiste plusieurs fois sur cette idée qui devient le seul mot d’ordre de cette poignée de Français lancés contre le rouleau compresseur soviétique.
La description des combats des hommes de la Charlemagne qu’il donne semble sortie d’un récit napoléonien. Car le champ de bataille est mouvant, les positions des troupes allemandes étant balayées par l’avancée russe vers Berlin. Venue mourir à l’Est, la division Charlemagne livre un combat désorganisé pour tenir sa partie du front. Jacques Masselin va vivre au rythme des longues marches et des combats de retardement durant des jours.
Capturé par les Soviétiques, il décrit le sentiment de gâchis et l’épuisement qui mettent un terme à son aventure. Il sera de la longue colonne de prisonniers qui vont prendre le chemin de l’URSS. Bien peu reviendront des camps soviétiques. Lui et les autres Français survivants seront renvoyés devant les tribunaux français pour subir les affres de l’épuration.
Destin tragique d’un jeune Français qui rêvait d’une autre Europe, ce témoignage est un document important pour comprendre une époque terrible.
François Fourment
Jacques Masselin, Les Derniers Grognards, Editions du Paillon, 227 pages, 20 euros. En commande sur https://europa-diffusion.com/
