Même dans le chaos où nous ont plongés huit années de présidence Macron, a-t-on vraiment besoin d’un manuel pour savoir si l’on est ultra, girondin, montagnard ou si l’on stagne dans le marais ? Peut-être, car la « confusion des sentiments » déborde désormais la sphère politique, surtout depuis la réémergence des « populismes » s’adressant à des publics très divers, de la grande bourgeoise agressée par une racaille à l’usager en galère des Restos du cœur en passant par le paysan voué à une disparition rapide par l’Union européenne.
Reste à savoir si le Guide des familles politiques pour citoyens perdus que vient de publier l’agrégé d’histoire et politologue Denis Ferré (1) sera d’une grande utilité à ces citoyens que l’auteur classe en trois familles — « historiquement opposées à la République », rattachées à « l’arc républicain traditionnel » et « de création récente » —, elles-mêmes décomposées en douze nuances, des monarchistes à la « démocratie verte » (celle-ci nous paraissant plutôt totalitaire) en passant par la « démocratie sociale », le gaullisme, les libéraux, les macronistes, etc. Chacune présentée sur le plan historique, illustrée par un écrit ou un discours d’un de ses leaders, et suivie d’un test à faire par le lecteur. Censé savoir ainsi s’il est orthodoxe ou déviant par rapport à la ligne du parti pour lequel il vote et n’a pas plutôt des affinités avec une autre formation.
A l’heure où les gouvernements sont plus qu’éphémères, la palme de la brièveté revenant au premier cabinet Lecornu qui n’aura duré que l’espace d’une nuit, il est toutefois douteux que ce livre typiquement sciences-politicard éclaircisse les choses. Il risque au contraire de rendre les dilemmes encore plus ingérables.
Évoquant les perspectives d’avenir, Denis Ferré se « demande si le macronisme est une nouvelle famille politique ou une forme modernisée d’une famille politique traditionnelle, ou bien tout simplement s’il n’est pas en soi une famille politique, auquel cas il risque de ne pas durer au-delà des mandats de l’actuel président ». Ce qui semble devoir être le cas tant est grande l’impopularité d’Emmanuel Macron, qui ne figure même plus dans la liste des cinquante personnalités politiques — presque toutes en recul, d’ailleurs, y compris Marine Le Pen et Jordan Bardella — préférées des Français.
Le RN, « mieux armé pour durer » ?
En revanche, il estime que « la famille nationalistes/traditionalistes est mieux armée pour durer », son avenir dépendant de « la capacité des dirigeants du RN à rassembler la branche républicaine et la plus identitaire de la famille, d’attirer à eux les membres de LR situés sur leur gauche et les membres de Reconquête ! situés sur leur droite […], une gageure a priori ». Tenue jusqu’à présent en ce qui concerne le débauchage de quelques politiciens, mais reste à faire le plus dur : séduire, convaincre et retenir les électeurs nostalgiques du terrible M. Pasqua, de Philippe de Villiers et surtout ceux du Menhir. Ces derniers pour le moins déboussolés par le manque de doctrine et l’évolution du marinisme sur l’immigration — qui ne doit plus être interdite mais simplement « régulée » —, les questions économiques ou les enjeux civilisationnels telles la constitutionnalisation de l’avortement et l’ouverture au « droit de mourir ». Qui trop embrasse mal étreint…
Une grande absente, du reste, dans ce Guide : la politique étrangère. Dans la droite et la gauche de conviction, c’est pourtant elle qui, actuellement, fracture les familles politiques et fait donc bouger les lignes, à propos de l’Ukraine et de l’Israël notamment.
Camille Galic
- Éditions Peyrolles 2025, 192 pages, 14 €.








