On sait que, depuis une trentaine d’années, les dessins originaux d’Hergé atteignent des prix vertigineux en vente publique. Chaque record battu génère une avalanche de commentaires étonnés, émerveillés ou scandalisés. Alors que la talent spécifique d’Hergé était reconnu depuis 1959 et la publication du livre du critique belge Pol Vandromme, Le monde de Tintin, la cote des albums originaux et plus encore des dessins originaux progressait systématiquement depuis une trentaine d’années et se situent aujourd’hui à des sommets inatteignables pour le vulgum pecus.
Mais la vente record d’une planche originale d’un album d’Astérix, ce jeudi, annonce une probable explosion générale de la demande pour ces trésors bédéphiliques, qui rejoignent, voire dépassent désormais les plus grands maitres de la peinture moderne.
La planche vendue le 15 juin, était dessinée par Uderzo, sur scénario de Goscinny. Elle correspond à la septième page d’Astérix en Hispanie, album paru en 1969. Proposée par la galerie Daniel Maghen, et estimée autour de 140 000 euros, elle s’est vendue 167 000 euros, bien au-dessus de l’estimation haute. Le plus extraordinaire, c’est que ce genre de précieux document artistique comporte parfois la marque…des punaises qui les fixaient dans une chambre d’enfants ! Qui aurait pu imaginer, en effet, que ces dessins, méprisés par les « vrais » artistes crèveraient un jour tous les plafonds ? Pas leurs auteurs, qui les offraient souvent à des amis ou des admirateurs. Pas les éditeurs, qui n’hésitaient pas à les jeter quand ils en retrouvaient au fond d’un placard. Pas les marchands de bandes dessinées anciennes, qui en ont vu passer des centaines entre leurs mains, et les vendaient, autrefois, quelques centaines …de francs à des collectionneurs avisés.
Ce nouveau record va probablement avoir, par capillarité, un impact sur les originaux d’autres dessinateurs de « l’âge d’or » : Jacobs, Jacques Martin, Mitacq, Peyo, Paape, Jijé, Roba, Franquin, Tilleux, Hubinon, Follet etc., les meilleurs illustrateurs des hebdomadaires Tintin, Spirou et Pilote, qui seront sans doute rejoints eux-mêmes par les illustrateurs de Cœurs Vaillants ou Fripounet et Marisette (Bonnet, Brochard, Breysse, Rigot…). A la différence de l’art contemporain où les fausses valeurs pullulent, portées artificiellement au zénith par quelques multimilliardaires comme François Pinault ou Bernard Arnault, le talent de tous ces illustrateurs de bandes dessinées a déjà été consacré par leur succès populaire, le public étant certainement le meilleur des juges
Agathon