Entretien avec Jean-Claude ROLINAT, auteur de Pronunciamiento sous les tropiques (Editions Dutan)
Pourquoi, à travers un roman, avez-vous abordé le thème des putschs militaires et des révolutions en Amérique centrale ?
Essentiellement en raison des mon tropisme un peu « latino », sans doute à cause des aventures de Tintin au San Théodoros, et de Spirou en Palombie. Pour tout dire, je suis devenu un « cinglé » d’Amérique latine, un amoureux des Caraïbes, un « fana » de la saga des Perón *… Quand j’étais enfant et ado – influence des BD et de mes livres de géo – je rêvais d’y aller. L’âge adulte m’a permis de réaliser ce souhait d’aller voir et d’arpenter quelques-uns des plus emblématiques lieux de ce sous-continent : en vrac, Buenos Aires sur les traces d’Evita, Cuba et ses sataniques slogans à la gloire du « Che », le lac Atitlan et les pyramides de Tikal, celles d’Uxmal et de Teotihuacan, les chutes d’Iguazu et la baie de Rio, le Rio Napo en Equateur, les anciennes résidences de Trujillo en République Dominicaine, Porto-Rico l’américanisée,** etc… C’est un peu cette confrontation entre les civilisations indiennes et l’homme blanc, ainsi qu’avec les métis – ce nouveau peuple qui en est issu au sang vif ou indolent, c’est selon les lieux et les époques – que j’ai voulu mettre en musique à travers une intrigue. Elle s’inscrit dans un combat idéologique, celui du début des années 1960 jusqu’à la fin de la décennie 1980, où le Castrisme – cet avatar du marxisme-léninisme repeint aux couleurs de la Révolution permanente – faisait des siennes et, hélas, perdure…
Quelles ont été, outre ces rêves devenus réalité, vos sources d’inspiration ?
Vous allez voir comme c’est étrange… Tous les événements politiques majeurs qui se déroulent dans mon roman , le renversement du Président Villarès, la transformation de son pays, le Vulcaragua, en un Cuba bis, le débarquement des Marines US et la mort de Miguel Morales – l’ami maudit de mon héros – dans son palais présidentiel, et bien tout cela s’est réalisé après que j’ai imaginé cette histoire ! Prémonition ? En plus il y a, bien plus tard, après la réécriture de mon manuscrit original, une toute petite part autobiographique, avec des choses « vues », à la manière d’un reportage.
Vous pouvez nous donner des exemples de ce que vous affirmez ?
De nombreux chefs d’État civils ou militaires ont été renversés par leur armée : Vargas au Brésil, Perón en Argentine, Allende au Chili pour les plus connus. D’autres sont morts assassinés : Trujillo en République Dominicaine, Gualberto Villaroel pendu à La Paz, Maximilien 1er fusillé au Mexique, Anastasio Somoza au Nicaragua, Morazán au Honduras, etc… Je n’infligerai pas au lecteur une si longue liste ! En revanche, souvenez-vous de la transformation du Nicaragua en un petit Cuba sous la férule du couple infernal Ortega, de la contre-révolution des Contras, de la guérillaurbaine des Tupamaros à Montevideo et de celle du FMLN au Salvador. Sans oublier le débarquement avorté de la Baie des Cochons à Cuba, financé par l’Amérique de Kennedy, ou celui, réussi, des Marines à Saint-Domingue en 1965. Et comment oublier également, la fin du président Salvador Allende dans son palais de La Moneda à Santiago en 1973, « suicidé », alors que les soldats du général Pinochet l’encerclaient ?
Mais ce livre n’est pas qu’un ouvrage historique, rassurez-nous, c’est aussi un roman ?
Oui, avant tout une histoire pleine de violence et de passion, et de passion amoureuses même. Mon héros principal, Georges-Alexandre Sadrol est le précepteur du fils du chef de l’État qui a une superbe épouse, laquelle s’ennuie un peu. Alors, je vous laisse deviner la suite…Un peu comme dans le roman de Pierre Benoit Koenigsmarck où le personnage principal, le lieutenant Vignerte, succombe au charme de la Grande-Duchesse de Lautenbourg-Detmold avant de tomber dans les tranchées de 14/18, Sadrol va tomber amoureux ,lui, de la belle madame Villarès, et se retrouver bien malgré lui au cœur d’un complot dont il ne sortira pas indemne. Mais l’honneur sera sauf.
Bref, il y a de l’amour, de la bagarre et du suspens, les ingrédients nécessaires pour tenir le lecteur en haleine ?
Oui, j’ai rédigé ce roman comme on écrirait le script d’un film. Le cinéphile retrouvera un peu, un peu seulement, de l’ambiance du Salaire de la Peur avec les inoubliables Charles Vanel et Yves Montand, et La fièvre monte à El Pao, avec les non moins inoubliables Maria Felix et Gérard Philippe. J’ajoute que si des lecteurs ont aimé l’Homme à cheval, un roman de Pierre Drieu la Rochelle ***, ils seront comblés d’y adjoindre dans leur collection cette aventure un peu du même tabac, tabac au goût de… Havane si je puis dire !
Un dernier mot ?
Oui, je l’emprunterai à Rémi Tremblay, le rédacteur en chef du journal québécois, Le Harfang :-« On ressort de ce livre guéri de notre prétention à tout juger ; difficile d’émettre un avis posé sur ce qui put se passer au siècle dernier en Amérique latine : tout y est plus complexe qu’il n’y parait à première vue. Une seule certitude perdure ; au fil des coups d’État téléguidés, des putschs et des révolutions « libératrices », le grand oublié fut le peuple, souvent victime passive de ces renversements de pouvoir faits en son nom ». Mon copain Alain Sanders, le journaliste bien connu de la Droite National écrivait dans l’un des derniers numéros du quotidien Présent version papier :-« J’ai rangé le roman exotique de l’ami Rolinat à côté de « l’Homme à cheval » de Drieu La Rochelle. Ils sont en bonne compagnie ».
*Evita Perón, la reine sans couronne des Descamisados, Editions Dualpha, 234 pages, 29 euros
** Porto-Rico, 51 ème Etoile ou dernière colonie américaine ? Atelier Fol’Fer,151 pages, 16 euros
*** L’homme à cheval, de Pierre Drieu La Rochelle, préfacé par J.C Rolinat, éditions Pardès, 215 pages, 18 euros.
« Pronunciamiento sous les tropiques », de Jean-Claude Rolinat, Editions Dutan, 213 pages 21 euros. Pour commander ce livre, cliquer ici.