De 1979 à 1996, date du décès de son fondateur, Jean-Claude Faur, qui était alors conservateur de la bibliothèque municipale de Marseille, la revue Bédésup fut en pointe dans la reconquête du milieu de la bande dessinée, pollué par l’esprit de l’après-mai 68.
L’éditeur Philippe Randa, et les spécialistes de BD Jean-Claude Rolinat, Francis Bergeron, Christian Mouquet, Alain Sanders, notamment, reprennent aujourd’hui le flambeau, avec une chronique régulière sur le site du Nouveau Présent.
Leur ambition : faire connaitre la bonne BD d’aujourd’hui, les scénaristes et dessinateurs qui montent, assurer la promotion des talents qui émergent, et le succès de la BD de qualité.
Cette petite souris qui accoucha d’une montagne…
Le 18 novembre 1928 naissait à Los Angeles, Californie, une petite souris qui allait conquérir le monde. D’abord baptisée Mortimer, elle allait vite connaître la célébrité sous le nom de Mickey Mouse.
Un livre impressionnant – plus de 500 pages, une incomparable iconographie – de David Gerstein et JVB Kaufman, Walt Disney’s Mickey Mouse, toute l’histoire (Taschen), est un hommage incontournable à Disney, bien sûr, à Mickey, évidemment, mais aussi aux centaines d’artistes qui ont servi, accompagné, revisité parfois, cet univers.
Les deux auteurs ont bénéficié – et ça fait toute la différence – d’un accès illimité aux archives Disney, à plusieurs collections publiques et privées, à des documents jamais vus jusque-là : esquisses, story-boards, arrière-plans, dessins d’animation, photos d’époque, etc. Ce qui nous permet de découvrir des chapitres peu connus de la saga de Mickey, des origines du Club Mickey, de l’iconisation de ce petit personnage devenu légendaire.
Mickey Mouse apparaît pour la première fois dans le dessin animé Steamboat Willie, mais son succès s’établit vraiment en 1930 avec la publication de ses aventures en bandes dessinées. Entouré de ses amis, Minnie, Goofy (Dingo), Donald, Pluto, en butte aux mauvaises manières de Pat Hibulaire, M. Squinch (Latrique), Sylvester Shyster (Chicaneau), Mickey aime, comme il le répète volontiers, « vivre dangereusement ».
Avec sa devise, « Droit et adroit », son côté clean cut lad (petit gars aux cheveux bien coupés), son intransigeance morale, Mickey est en effet un aventurier. Il n’hésite pas à quitter ses neveux, sa Minnie-Dulcinée, son monde sans histoire, pour restaurer la loi et l’ordre dans des contrées en proie au chaos.
Ce côté globe-trotter lui a valu d’être accueilli partout dans le monde, rebaptisé sous des noms adaptés aux pays qui l’adoptaient : Mai Kay Shu (en chinois cantonnais), Mickie (en Afrique du Sud), Mikki Hiiri (en finnois), Miky Maye (en grec), Michael Musculus (en latin), Rato Mickey (en portugais), El Raton Miguelito (en espagnol), Ujka Miki (en croate), etc.
Symbole du type débrouillard, capable de se sortir de toutes les situations, à Mickeyville ou au bout du monde, Mickey fit la conquête de la France le 21 octobre 1934 avec la parution du Journal de Mickey. On y trouvait, dès ce numéro 1, un feuilleton de Karl May (l’auteur allemand de la série « Winnetou »), La Main qui frappe. Suivront, dans les années suivantes, les aventures de la petite Annie l’orpheline, « Mickey à travers les siècles » (qui nous servit bien pour réviser nos cours d’histoire), l’arrivée de Grand-Mère Donald (1956), celle du Cousin Gus (1958), la série « Hiawatha le petit Indien » (qui avait eu droit à un film en 1937), etc.
Mickey vedette de cinéma ? Fantasia, bien sûr ! Sorti en novembre 1940, ce film a marqué l’histoire du cinéma en général et du cinéma d’animation en particulier. Son thème ? « L’Apprenti-Sorcier », vieux conte allemand repris par Goethe dans un poème, mais surtout magnifiquement orchestré par Paul Dukas en 1897. A partir de cette base, six autres parties illustrées par la « Toccata en fugue et ré mineur » de Bach, « Le Casse-noisette » de Tchaïkovski, « Le Sacre du printemps » de Stravinski, « La Symphonie pastorale » de Beethoven, « La danse des heures » de Ponchielli, une double combinaison de « La Nuit sur le Mont-Chauve » de Moussorsky et de l’ « Ave Maria » de Schubert.
Et Mickey, bien sûr, jeune apprenti-magicien qui, en l’absence de son maître s’empare de son chapeau magique et finit par déclencher un tsunami…
Fantasia précéda d’autres chef d’œuvre : Blanche-Neige (1937), Pinocchio (1940), Dumbo (1941), Bambi (1942), etc. Et puis… Et puis, aujourd’hui, une bande de fous furieux (jusqu’au sein des Studios Disney transformés en champs d’épandage) qui prétendent censurer, altérer, voire interdire ces œuvres qui ont enchanté des générations d’enfants. Une trahison et, plus que ça, une dégueulasserie à l’égard de Walt Disney qui, faut-il le rappeler, était un réac assumé. Mais Mickey n’a pas dit son dernier mot.
Alain Sanders