Le coordinateur des Forces Libanaises pour la région de Jbeil (40 kilomètres au nord de Beyrouth), Pascal Sleiman a été tué dimanche après-midi alors qu’il rentrait seul de condoléances dans l’arrière-pays. Un gang de syriens aurait intercepté son véhicule et un de ses amis avec qui il parlait au téléphone au moment des faits rapporte l’avoir entendu crier à ses agresseurs « Ne me tuez pas, j’ai une famille, j’ai des enfants ! » Puis, silence.
Ce n’est que lundi que son corps ensanglanté a été retrouvé en Syrie, du côté de la frontière nord. Rapidement, les Forces de sécurité libanaises évoquent une tentative de vol de voiture qui aurait dégénéré et arrêtent 9 syriens suspectés d’avoir participé directement ou indirectement au crime. Selon les aveux de ces derniers, l’objectif était de voler la voiture de Pascal Sleiman. Or, un proche de la victime, également cadre des FL, réfute cette idée, « La voiture (une Hyundai) est loin d’être luxueuse et n’aurait certainement pas été tellement rentable pour ceux qui cherchaient à se l’approprier. À compter le nombre de personnes impliquées dans cette tentative de vol (…) la version des détenus est peu plausible (…) On n’exclut pas l’idée selon laquelle les auteurs de ces aveux peuvent ne pas être au courant des tenants et des aboutissants des ordres qui leur ont été donnés, et qu’ils aient uniquement été chargés de ‘voler la voiture’ et, éventuellement, d’en tuer le propriétaire » a-t-il ajouté. Dans l’attente des résultats de l’enquête préliminaire, le corps a été rapatrié mardi au Liban et confié à l’hôpital militaire de Beyrouth pour y être autopsié en présence de deux médecins légistes dépêchés par les Forces Libanaises en qualité de témoins.
Plusieurs points ne correspondent en aucun cas au scenario du vol de voiture et soulèvent des questions quant à la crédibilité de l’enquête en cours : Pourquoi Pascal Sleiman? Pourquoi le tuer alors qu’il suffisait de l’assommer et de le jeter hors de son véhicule pour s’en emparer ? Pourquoi prendre la peine de voler un véhicule sans intérêt ? Pourquoi rapporter son corps en Syrie en traversant la moitié du Liban ? Pourquoi les forces de sécurité n’ont pas pu, su ou voulu arrêter les ravisseurs avant qu’ils ne franchissent la frontière, alors qu’elles ont été alertées au moment même du crime par le témoin qui se trouvait au téléphone avec la victime au moment de l’agression et que plusieurs barrages militaires jalonnent la route du Nord jusqu’à la frontière ?
Assassinats politiques sous faux drapeau
Malheureusement, le Liban, depuis 2004, est coutumier des assassinats politiques sous faux drapeau visant des personnes appartenant toutes au courant souverainiste. Comme le dit si bien Bakhos Baalbaki dans une tribune publiée mercredi matin, « en règle générale, tout meurtre non élucidé au Liban depuis 2005 est l’œuvre de la milice terroriste du Hezbollah. L’assassinat de Lokman Slim dernièrement, Elias Hasrouni, Joe Bejjani, Mounir Abou Rjeily et Joseph Sader pour les meurtres et disparitions les moins médiatisés. C’est également valable pour Mohammad Chatah, Wissam Hassan, Walid Eido, Pierre Gemayel, Wissam Eid, Antoine Ghanem, Gebrane Tuéni, Samir Kassir, Georges Haoui, et des dizaines d’autres politiciens sans parler des tentatives de meurtres de Samir Geagea, de May Chidiac, d’Elias el Murr et de Marwan Hamadé. » Une accusation parfaitement illustrée par « l’histoire farfelue de ces 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées au cœur de Beyrouth, à l’origine de l’explosion du 4 août 2020, plus de 7 000 morts et blessés pour 10 milliards de dollars de dégâts et de pertes, mis sur le compte d’un navire géorgien qui a fait escale par hasard Beyrouth en allant au Mozambique, de sacs d’explosifs déchargés par erreur puis oubliés par négligence sur les quais du port pendant six ans !»
Une explication bien plus plausible et étayée par la (très) longue expérience de ces martyrs otages d’une politique totalement étrangère aux intérêts du Liban s’impose : le Hezbollah se trouve dans une situation extrêmement inconfortable depuis le 7 octobre dernier lorsqu’il a volontairement entrainé le Liban dans sa guerre de proxy iranien contre Israël au Sud Liban. Or, les destructions sont énormes et sa propre base commence sérieusement à s’interroger sur le bienfondé d’une politique qui ne lui apporte que mort et destructions massive depuis des décennies au nom d’une cause à laquelle personne ne croit sérieusement, en outre, les chrétiens du sud s’opposent désormais ouvertement à cette mainmise du hezb sur leurs vies, leurs biens et leur avenir. Dans ces conditions, le meurtre de Pascal Sleiman aux mains de citoyens Syriens, surtout s’il était suivi d’agressions locales contre des réfugiés ou travailleurs syriens en région chrétienne, constituerait une diversion de premier plan en détournant l’attention générale du désastre engendré par la politique du Hezbollah au Liban sud et de la responsabilité écrasante de la milice chiite au moment où la tension avec Israël pourrait bien se transformer en guerre totale. D’ailleurs, dans une incroyable démonstration de culot, Hassan Nasrallah n’a-t-il pas, dans un discours télévisé diffusé lundi quelques minutes après la découverte du cadavre de Pascal, osé accuser les Forces Libanaises et le Parti Kataeb de « tenter de semer la discorde », mettant ainsi en place un narratif qu’il compte bien utiliser pour se justifier. Il fera tout pour incriminer les souverainistes libanais en cas de bascule dans la guerre, en particulier les Forces Libanaises qui sont, avec les Kataeb, le fer de lance de la résistance chrétienne, tout pour qu’ils cessent de dénoncer la mainmise de la milice chiite sur l’état libanais, ses armes illégales au service de Téhéran, et « sa guerre stérile, stupide et inefficace au Sud-Liban. » Mais les libanais ne sont pas dupes… Repose en Paix cher camarade, ton sacrifice ne sera pas vain !
Sophie Akl-Chedid
Une longue suite de crimes depuis l’assassinat de P.Gemayel, dans laquelle on retrouve toujours les mêmes, auteurs ou commanditaires…. pauvre Liban abadonné de tous……