patrimoine

Des lieux où souffle l’esprit : qui c’est ? C’est l’plombières !

Je suis resté vieux jeu, comme on disait naguère et mes références humoristiques peuvent paraître bien surannées… Le quenellier Dieudonné M’Bala M’Bala se moquait aussi de son ami Robert Faurisson parce que, question rigolade, le professeur en était resté aux Frères Jacques… Quant au titre de cet article, il évoque le souvenir de ce sapré Fernand Raynaud, que les moins de vingt, trente, quarante ans ne peuvent pas connaître, mort dans un accident de voiture, à l’instar de feu Jean-Pierre Stirbois, homme qui n’a pas inventé le Front National (le FN est issu d’Ordre Nouveau) mais qui a posé les pierres fondatrices de ses premiers succès électoraux, tonnerre de Dreux !

Plombières-les Bains reflète aussi une image d’arrière-saison. C’est un village qui fut florissant (on le remarque tout de suite par son cadre bâti), engoncé tout au fond d’un val où coule une rivière, L’Augronne, naissant dans les forêts de Remiremont. Elle est surnommée « la ville aux mille balcons » (qui mériteraient un bon coup de peinture) depuis lesquels on pouvait tout voir et être vu, du temps où Beaumarchais puis Berlioz, Lamartine, Delacroix, De Musset et tant d’autres, y prenaient leurs aises et leurs quartiers thermaux. Le souvenir napoléonien y demeure très présent. D’abord parce que Joséphine de Beauharnais, épouse de Napoléon Bonaparte, y a séjourné avec toute sa famille à cinq reprises. La première fois « La paille au nez » n’était que général, une autre fois, il était consul, la fois d’après, il était empereur. De père en fils et de fil en aiguille, un autre empereur y a séjourné sept fois, Napoléon III, de 1856 à 1861 accompagné de la princesse Eugénie, comtesse espagnole de Montijo, impératrice des Français (1853).

Nous sommes le 21 avril (décidément, c’est une date remarquable !), mais remontons le temps jusqu’en 1808. Quand vint au monde Charles-Louis-Napoléon. « Mon fils était si faible, nous dit la reine Hortense dans ses Mémoires, que je pensais le perdre en naissant. Il fallut le baigner dans du vin, le mettre dans du coton pour le rappeler à la vie. » Quand M. de Talleyrand rendit visite au nouveau-né, sa perruque était poudrée de parfums si violents que la reine Hortense manqua suffoquer et faillit tomber évanouie. Dans son Almanach de l’Histoire, André Castelot nous conte que le petit prince fut baptisé par le cardinal de Belloy, archevêque de Paris, qui avait alors près de nonante-neuf ans et que Napoléon III naquit à l’hôtel de Saint-Julien, acheté en 1805 par Hortense de Beauharnais, 17 rue Cerrutti, notre rue Lafitte actuelle. Il devint en grandissant un complotiste acharné ! Ayant échoué par deux fois dans ses préparations de coup d’Etat (Strasbourg, 1836, Boulogne-sur-Mer, 1840 — villes où bientôt nous irons), il réussit un coup fameux pour l’unité italienne, à Plombières, justement, en pactisant secrètement avec Camillo Cavour, le président du conseil du royaume de Sardaigne, contre l’Autriche. La France y gagnera la Savoie et le comté de Nice en échange d’une aide militaire.

Plombières-les-Bains est un lieu où souffle et respire quelque chose de surnaturel : « la Vouivre », si chère à Marcel Aymé et à Henri Vincenot ? On y ressent en nous des ondes tantôt apaisantes qui engendrent une sorte de mélancolie, ou tantôt exaltantes. Les multiples sources bouillantes répandent dans l’univers une vapeur magique qui s’échappe des égouts, des drains et des échoppes. Elle enveloppe les ruelles vieillottes de la ville d’une sorte de charme préchrétien. Fumigations, brouillard chaud, issus de la rencontre du feu et de la glace, visibles en hiver, quand la nuée sort des entrailles de la terre par mille failles et interstices. Habitat celte dès le Vème siècle av J.-C., les thermes sont fondés par les Romains pendant la guerre des Gaules et servent alors d’hôpital militaire. On y soigne aujourd’hui la maladie de Crohn, la fibromyalgie (douleurs chroniques diffuses sans cause apparente), les rhumatismes et les affections de l’appareil digestif et troubles du métabolisme. Pour ce qui est de la digestion, nous dégusterons après cette promenade une belle part de glace plombières d’ancienne étiquette. La plombières est une crème glacée à l’extrait d’amandes, parfumée au kirsch (de Fougerolles, cité voisine) et aux fruits confits.

Franck Nicolle

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