Chaque fois qu’un nouveau titre parait dans la collection du « Lys noir », je vous en parle, et ceci pour plusieurs bonnes raisons : d’abord parce que j’aime les romans policiers, et plus généralement la littérature populaire (d’autres diraient « populiste », mais peu importe).
Le roman policier, le « polar », est peut-être une sous-littérature, mais il n’empêche que, de Simenon à Agatha Christie, en passant par ADG ou James-Hadley Chase, il a ses lettres de noblesse. Le « polar » est, dit-on encore, une littérature virile et masculine, pour ne pas dire « machiste », mais je constate autour de moi qu’aujourd’hui, nous les femmes en sommes statistiquement davantage lectrices que les hommes (globalement les femmes lisent plus que les hommes, c’est prouvé).
Longtemps, après la guerre, le roman policier (et le roman d’espionnage) furent les refuges des écrivains exclus, marginaux, dissidents, épurés. Je ne vais pas vous en faire la litanie, mais permettez-moi quand même de citer Henri Béraud, François Brigneau (mon grand-oncle), José Giovanni, Albert Simonin, Peter Randa, Marc Dem, Michel Carnal, Léo Malet…Il fut un temps où la collection « Fleuve noir » ne publiait pratiquement que ce genre d’auteur (ainsi que le lyonnais Frédéric Dard, bien entendu). Cette politique éditoriale a d’ailleurs correspondu à l’âge d’or du « polar » Fleuve noir.
Je vous prie de m’excuser pour cette longue introduction qui semble nous éloigner du sujet suggéré par le titre de mon article. Mais je voulais commencer par vous inciter à défendre le « polar », en, tout cas ce genre de « polar », et en particulier la collection « Lys noir » des Editions Auda Isarn. D’autant que plusieurs collaborateurs de Présent, le Présent papier d’hier, le Présent numérique d’aujourd’hui, y ont publié des « polars » : Alain Sanders, Philippe Randa, Xavier Eman, Aristide Leucate, Thierry Bouclier etc. Le « Lys noir » est vraiment le creuset des nouveaux talents ou de talents plus aguerris, mais encore insuffisamment valorisés.
Le 27e « Lys noir », L’horreur d’été, vient de paraitre, sous une couverture originale signée Moheen Recyad. Comme toujours les productions Auda Isarn sont formellement de qualité, et de prix abordable (car l’équipe éditoriale a une vision plus « militante que « mercantile »), ce qui ajoute au plaisir du lecteur.
Ce polar, qui se passe aux Etats-Unis, très précisément du côté de la frontière mexicaine, est signé Humphrey Paucard. En fait, nous révèle l’éditeur lui-même, cet Humphrey Paucard, à qui on attribuerait volontiers la tête d’Humphrey Bogart, est le pseudonyme du cher Alain Paucard, qui anime sur Radio Courtoisie des émissions littéraires de haute tenue. C’est donc a priori un gage de qualité.
Le titre n’est pas usurpé
Mais je vais vous prouver que mes analyses littéraires n’appartiennent pas au genre « publirédactionnel » cher aux grands magazines sur papier glacé : malgré tout le bien que je pense du « Lys noir » en général et d’Alain Paucard en particulier, j’ai moyennement aimé ce roman. Certes il est très bien écrit. Mais je l’ai trouvé particulièrement « gore », au regard des autres titres de la collection. Entendez par « gore » : sanglant, pour ne pas dire sanguinolent. J’avoue que ma sensibilité personnelle m’éloigne passablement de ce genre-là. Par ailleurs l’histoire de ce shérif-adjoint qui règle leurs comptes à des migrants mexicains et des hippies drogués jusqu’aux yeux me semble manquer légèrement d’esprit chrétien. La conversion, le rachat des péchés, la simple commisération, ne semblent pas accessibles à Charlie Hogan, le « héros » du massacre. Ce policier, ancien du Vietnam, est en fin de compte un salopard (je pèse mes mots !), bien pire que ceux qu’il liquide sans scrupule. On espérait un vengeur identitaire, on découvre un psychopathe.
Alors, faut-il écarter ce livre ? Impossible ! Il porte le numéro 27 de la collection. Or « Le Lys noir » mérite de figurer de façon complète dans la bibliothèque de tout honnête homme de droite, avec ses chefs d’œuvre et les autres. Et puis chacun a sa propre définition du chef d’œuvre.
Voilà donc ce qu’est L’horreur d’été. Le titre n’est pas usurpé. Ne lisez pas ce livre avant de vous coucher. Sinon ce sont des cauchemars garantis.
Madeleine Cruz
L’horreur d’été, par Humphrey Paucard, coll. Lys noir n° 27, Auda Isarn, mars 2024, 12€
