Céline

Les lectures de Madeleine Cruz : Guignol’s band dans la tourmente

Adhérente de la Société des Lecteurs de Céline (même si Céline n’est pas mon écrivain préféré, je me suis déjà expliquée sur ce point), j’ai donc reçu comme tout membre, la dernière publication, le quatrième ouvrage de la collection « Raretés et inédits », plaquette « sur papier bouffant ivoire 100g. ». Rien qu’en recopiant cette formule descriptive, je ressens la jubilation du bibliophile. C’est un petit ouvrage de 17 centimètres sur 13. Comportant 64 pages, il n’a été tiré qu’à 250 exemplaires, tous numérotés.

Une fois lue, la plaquette rejoindra les trois précédentes de cette jeune collection, ainsi que quelques autres, publiées antérieurement par d’autres officines, en particulier aux Editons du Lérot ou à La Flûte de Pan. La célinomanie est une sous-section de la bibliophilie.

La plaquette d’aujourd’hui présente et analyse des critiques littéraires consacrées à l’œuvre de Céline, et spécialement à Guignol’s Band, Oui, c’est vrai, il y a en fin de volume la reprise de textes de Révolution nationale, qui avaient été publiés entre septembre 1943 et avril 1944, sous les signatures de Brasillach et Claude Jamet, notamment.

Mais l’essentiel de l’ouvrage est constitué par son introduction. On la doit à Christian Mouquet qui assure, je crois la présidence de cette Société des Lecteurs de Céline. Sous le titre « Intellectuels dans la tourmente », qui est aussi le titre de la plaquette, il présente les textes de Révolution nationale reproduits plus loin, mais au passage il nous raconte l’évolution de cette Révolution nationale, au fil des mois d’occupation, et il explore d’autres publications comme La Gerbe, Germinal, Au Pilori, La Chronique de Paris, L’Emancipation nationale, Le Cri du peuple etc.

Dans l’étude de la réception des œuvres littéraires des années noires, on se reporte le plus souvent aux journaux qui avaient de gros tirages, une grosse influence, et/ou une approche littéraire significative : Gringoire, Je Suis Partout, L’Action française, Le Revue universelle… Des titres comme Révolution nationale ou ceux cités plus haut sont plus difficiles à se procurer. Ils furent parfois cachés ou détruits à la Libération, par crainte de représailles. Mais surtout leur tirage était plus modeste. Avec une précision d’entomologiste, Christian Mouquet épingle ces textes, les replace dans leur époque, nous raconte un peu de la vie de ces titres. D’où une présentation de 35 pages pour commenter les 20 pages de textes inédits (le texte de Brasillach du 25 septembre 1943 sur le Voyage a certainement été repris dans un recueil ultérieur, ses Œuvres complètes des Editions de l’Honnête homme, peut-être ? Mais j’écris au bord d’une rivière et n’ai donc pas sous la main cet indispensable outil de référence).

Ce qui m’a le plus intéressé concerne les discussions (pas vraiment des polémiques) sur l’interdiction des Beaux draps en zone sud. Un épisode qui prouve, soit dit en passant, que l’Histoire de cette période est beaucoup plus complexe que celle que l’on s’ingénie à nous imposer.

En conclusion, la lecture de la plaquette peut donner parfois une impression de confusion (Guignol’s band n’est pas forcément au centre de l’étude, contrairement à ce que la présentation de la plaquette pourrait laisser penser), mais l’ouvrage est plaisant, on prend toujours plaisir à retrouver notre famille : Fontenoy, Rebatet, Lesdain, Cousteau, Georges Blond, Henri Poulain, tous les autres, sortis à jamais de l’oubli grâce à l’aventure de l’Occupation, qui fut donc aussi une aventure littéraire, et en l’occurrence grâce à Céline, indirectement… et à la société de ses lecteurs, bien entendu.

Madeleine Cruz

Société des Lecteurs de Céline (SLC), 1 bis hameau de Tanqueue, 78410 La Falaise

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