Je serai honnête avec vous, chers lecteurs : un livre qui raconte par le petit bout de la lorgnette l’histoire d’un officier américain, pendant l’hiver 1944/45 dans la petite ville de Sarreguemines (extrême est du département de la Moselle) n’avait vraiment aucune chance d’attirer mon attention.
D’ailleurs ce n’est pas à proprement parler un livre, c’est un dossier. C’est, à partir de coupures de presses et de notes prises à chaud par quelques acteurs et témoins, et à partir de correspondances ultérieures, une tentative pour dessiner le portrait d’un soldat américain, ce Major Bennett, et pour reconstituer des événements qui se sont déroulés sur trois mois, il y a donc 80 ans.
La mort 20 jours avant la fin de la guerre
Mais ce dossier est signé de Jean-Michel Conrad. Je me suis souvenu alors que Jean-Michel Conrad, ancien Commandant de Police, est l’auteur de plusieurs romans policiers, dont l’un, Le hussard et le dragon, est paru en 2022 dans la collection « Le lys noir » des éditions Auda Isarn. J’avais passé un bon moment à la lecture de ce dernier roman, et c’est pourquoi, malgré mes préventions, j’ai donc lu ce dossier qui est d’un genre totalement différent puisqu’il est consacré à un jeune avocat originaire du Massachussetts, père de trois enfants, qui trouva la mort 20 jours avant la fin de la guerre,
Le Major Bennett n’avait pas une fonction à proprement parler militaire. Son rôle consistait à faciliter la vie des habitants dans les territoires récemment libérés. Mais c’était néanmoins une mission dangereuse car ce travail (l’approvisionnement des civils, leur relogement éventuel, les aides médicales etc.) s’opérait constamment sur le front, parfois à quelques dizaines de mètres de l’ennemi dont on ne savait s’il était en fuite ou sur le point de préparer une contre-offensive.
Ce qui est certain, c’est qu’il a laissé à Sarreguemines, ville de 20000 habitants annexée par l’Occupant en 1940 car considérée comme faisant partie d’une région germanique, le souvenir d’un homme extrêmement dévoué et efficace, une sorte de Santa Claus, de père Noël.
Bien entendu, comme l’écrit Jean-Michel Conrad, qui cite le producteur de cinéma Robert Evans, « il existe trois versions de chaque histoire, la tienne, la mienne et la vraie. Aucune n’est un mensonge, les souvenirs communs sont uniques pour chacun ».
Un square de Sarreguemines porte son nom
L’histoire du major Bennett nous est racontée grâce à de nombreux témoignages, dont celui d grand-père de J.M. Conrad. Une chose est certaine : les habitants de Sarreguemines ont le sentiment que cet homme les a sauvés. Ils ont donné son nom à un square de la ville, et ont organisé diverses cérémonies pour marquer leur gratitude.
Je parlais d’une « histoire par le petit bout de la lorgnette », au début de cet article. Ces histoires-là ont rarement droit au souvenir des hommes. Grâce à son dévouement, et grâce à la persévérance des sarregueminois qui en ont bénéficié, il n’en sera pas tout-à-fait de même pour le Major Bennett. Et c’est tant mieux.
Madeleine Cruz
Major Bennett, par Jean-Michel Conrad, 156 p., Ed. Godefroy de Bouillon, 2024.
Chère Madeleine,
Merci de nous donner une autre version de l’Amérique et des Américains. Ce diable de commandant Conrad, Français-Lorrain à 100/100 et fier de l’être, fait revivre deux héros, son grand-père Marcel Pierron et ce major Américain (commandant US) qui s’est acharné à nourrir et à loger quantité de réfugiés de Sarreguemines et environs, en 1944. Il devait le payer de sa vie, abattu par un tireur d’élite alors qu’il avait mené sa mission avec succès. Une histoire qui devrait plaire à certain Michel Sardou qui chantait contre vents et marées (de gauche) « Si les Ricains n’étaient pas là. J’ai eu l’insigne honneur de la lire à peine paru. Emouvant, drôle aussi et historique : Une réussite ! Bravo Jean-Michel Conrad, merci chère Madeleine.