guerre

Comment le Liban en est-il arrivé là ?

Depuis des décennies et l’occupation du Liban par la Syrie dûment avalisée par l’Occident au début des années 1990, le Pays du Cèdre et ses institutions ne cessent de s’enfoncer dans un marécage de corruption et de trahisons généralisées.

Le sursaut populaire de 2005, dit la Révolution du Cèdre, qui a mené au retrait de l’armée syrienne en avril 2005 suite à l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri exécuté par le Hezbollah ( Tribunal pénal International Spécial pour le Liban) et commandité en haut lieu par la Syrie dès lors que le dirigeant libano-saoudien a osé manifester des velléités d’indépendance vis-à-vis de sa « grande sœur » aux dents longues, a systématiquement été phagocyté puis étouffé, l’infrastructure de renseignement militaire demeurant parfaitement intégrée dans le tissu de la partie de la partie libanaise pro-syrienne et hezbollahie. De 2005 à 2012, l’opposition a été systématiquement frappée par des attentats innombrables visant à terroriser la population et à contrer la vague de fond souverainiste, tandis que Michel Aoun, en échange de son accès à la Présidence de la Republique, offrait une couverture chrétienne à la mainmise du Hezbollah sur les Institutions, mainmise concrétisée lorsque le secrétaire général de la milice chiite, feu Hassan Nasrallah, a entrainé le Liban dans la guerre dévastatrice de l’été 2006 en enlevant une patrouille de soldats israéliens de l’autre côté de la frontière, stratégiquement afin de se poser comme la « Résistance », slogan largement relayé par Michel Aoun et son Courant Patriotique Libre durant ce mois qui a couté au Liban la destruction du Sud mais aussi de la quasi-totalité des infrastructures du pays, ce qui n’a pas empêché le Sayed (Nasrallah) de proclamer une « Victoire divine » lors de la signature de la trêve arrachée de haute lutte diplomatique par les officines occidentales. Naturellement, la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU qui définit les termes de cette trêve ouverte en exigeant le désarmement de toutes les milices du Liban et le déploiement de l’armée libanaise sur la totalité du territoire national n’a jamais été appliquée. Cet été 2006 a acté la perte de souveraineté du Liban au profit de l’axe syro-iranien. Sa réalité d’Etat failli en a fait le terrain de jeu favori des puissances régionales, notamment de « l’axe de la Résistance » et des acteurs du crime organisé de la région. En effet, avec l’entrée en guerre du Hezbollah aux côtés du régime syrien en 2012, le Liban est petit à petit devenu une plateforme de d’exportation du Captagon via le port de Beyrouth à destination des pays du Golfe, opération visant à financer en partie l’effort de guerre qui a poussé l’Arabie saoudite et les EAU à interdire toute importation de fruits et légumes, mais aussi de produits manufacturés en provenance du Liban, accélérant encore davantage la vertigineuse chute économique et financière initiée par les manipulations des autorités légales et financières à des fins privées, actée par la crise de 2019 et l’anéantissement du système bancaire. L’explosion du Port de Beyrouth du 4 aout 2020 suite au stockage illégal par le Hezbollah depuis 2014 de 2700 tonnes de nitrate d’ammonium à usage militaire en partie destine à la Syrie, qui a couté la vie à 250 personnes, blessé gravement 6500 civils et détruit plus de 50 000 logements en une fraction de seconde, a mis une nouvelle fois en lumière l’absence totale de l’état. C’est la société civile libanaise qui a entièrement pris en charge le déblayage, la sécurisation des lieux puis la reconstruction du cœur chrétien de la capitale. Il va sans dire que depuis 4 ans l’enquête est au point mort et que tous les témoins ont été éliminés…

C’est donc un Liban exsangue que le Hezbollah, toujours avec la complicité passive des autorités libanaises, a de nouveau entrainé dans une aventure plus qu’hasardeuse en déclarant le 8 octobre 2023 l’ouverture d’un «  Front de soutien à Gaza et pour la Libération de Jérusalem » concrétisé par l’envoi quotidien de roquettes sur le nord d’Israël entrainant des répliques de l’Etat hébreux sur les positions du hezb au Liban sud mais aussi sur les troupeaux, champs d’oliviers, bananiers, orangers, tabacs etc., selon des règles d’engagement « limitées » préétablies par les deux antagonistes, poussant les populations à un premier exode vers la capitale.

L’escalade militaire qui prévaut depuis le début de l’été a initié un début de grogne au sein même de la communauté chiite qui se voit sommée de tout perdre chaque 10 ans, qui pour sauver la peau de Bachar el Assad, qui pour libérer Jérusalem ou venger la mort d’un responsable iranien. Quant au reste de la population, elle est clairement opposée aux humeurs guerrières « pour les autres » du Hezbollah. La population libanaise dans son ensemble est aujourd’hui un corps de « malgré nous » du Moyen Orient.

L’incroyable précision des opérations d’éliminations ciblées menées par l’état hébreu met en exergue les fissures internes d’un axe à bout de souffle ainsi que l’infiltration des infrastructures militaires de l’Iran et du Hezbollah. Enfin, les communications entre les Gardiens de la Révolution, le Djihad islamique, le Hamas et le Hezbollah ont été littéralement annihilées par les opérations Biper et celles qui ont suivies ce qui a obligé les plus hauts responsables de l’Axe à se réunir physiquement, conduisant à l’élimination il y a quelques jours de Hassan Nasrallah en personne. Ces derniers jours, la poursuite des frappes ciblées couplées avec des opérations terrestres de l’armée israélienne au sud Liban visant à détruire dépôts, tunnels et autres rampes de lancement montrent clairement la nouvelle stratégie de Tel Aviv. Comme l’a écrit Charles Chartouni sur la plateforme médiatique Ici Beyrouth, « … pour Israël, il n’est plus question de coexister avec les aléas frontaliers, de normaliser l’état d’exception, et de consentir aux politiques de chantage. La destruction des plateformes opérationnelles instrumentées par l’Iran relève d’un impératif double: celui de remédier aux failles sécuritaires immédiates et celui de contenir l’offensive stratégique de l’Iran et son action discrétionnaire au Proche-Orient.»

Quant au Liban, il ne pourra retrouver sa place au sein des pays libres et souverains que lorsqu’il fera sien le principe de « Neutralité positive », qu’il mettra fin aux extraterritorialités politiques, juridiques et sécuritaires qui gangrènent le pays. Enfin, même s’il est encore beaucoup trop tôt pour prendre les paris, devant la menace grandissante brandie tant par les turbans que par les kippas au-dessus du Cèdre du Liban, un léger frémissement de la classe politique aux commandes semble indiquer un changement d’option dans la bonne direction avec notamment un déplacement d’autorité vers la seule Institution libanaise encore debout, à savoir l’armée libanaise et son Commandant en chef le général Joseph Aoun.

Charbel Bou Haddad

« La violence faite au Liban vous accablera ; la destruction des bêtes vous affolera pour le sang des hommes et la violence sur terre, contre les villes et contre tous ses habitants »

Habakkuk 2 :17

(2 commentaires)

  1. Enfin une analyse claire, rigoureuse, étayée qui nous change des élucubrations de notre ultra gauche islamiste et d’une certaine ultra droite anti sémite au possible totalement aveuglée par ses obsessions . Je retiens deux choses fondamentales, la Syrie a joué un rôle détestable au Liban et que c’est le Hezbollah qui a entraîné la guerre en 2006 comme il a remis de l’huile sur le feu après le 7 octobre dernier. Merci pour cet article

  2. C’est enfin des explications assez ckaires sur une situation ubuesque qui a commençé avec l’arrivée des palestiniens il y a longtemps . Mais concernant Bachar et son idée comme Antoun Saadé d’une grande Syrie , Je crois comme le général Aoun est que l’idée est aussi de protéger les chrétiens et autres religions . Ce n’est pas le cas du Hezbollah ou du Hamas . Les USA ont joué un rôle ambigue et néfaste dans cette région.

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