Le regretté Raymond Devos nous invitait naguère à prendre un train pour Caen sans nous dire quand, s’il disait où … Quiproquo pour quiproquo, je vous propose de nous rendre à Troyes. Vous me rétorquerez peut-être : d’accord pour la composition de l’équipage, mais pour aller où ? Ma doué à Troyes… A pied, en voiture, à cheval (de Troie) et quatre à quatre !
Nous y sablerons le champagne à la manière du XIXème siècle et qui consiste à souffler dans une coupe de manière à en couvrir la surface d’une légère buée, de la saupoudrer de sucre cristallisé qui va adhérer aux parois. Dans cette gaine de sable on verse le champagne qui se transforme alors complètement en mousse. Avant l’intervention de Dom Pérignon, le champagne avait déjà la réputation d’être le vin des rois (Pline en parle, non ce n’est pas une contrepèterie). Quand saint Rémy en offrit un fût à Clovis, il s’agissait alors d’un rouge tranquille, tandis que celui que nous connaissons est blanc à ressorts comme disait le commissaire Maigret. Si le département de la Marne produit la majorité de ce breuvage pétillant (65 %), celui de l’Aube n’est pas en reste (25 %). Ce n’est pas un « vin de trois », un de ces pinards vantés par l’infanterie coloniale et le Chœur Mont-Joie Saint-Denis* et dont il faut se mettre à trois comparses pour le consommer; un qui boit et deux acolytes pour soutenir le buveur intrépide et bientôt inconscient !
Suivez le guide !
Mais lequel ? Côté tortore, le guide rouge Michelin est souverain (il m’a fallu trois ans de labeur insensé pour y paraître, être et durer). L’ouvrage à parution annuelle et médiatisée est illustré de plans des villes, ce qui est bien pratique (mais il faut avoir de bons yeux et même une loupe pour y voir clair). Le guide vert Michelin fait la part belle aux promenades et aux produits locaux, aux adresses changeantes. Le guide bleu des éditions Hachette se veut académique et culturel. Rien ne remplace à mon goût cependant la collection « Ce qu’il faut voir » des Ateliers Delta (Paris. 1997). Les anciens de l’OAS et les nostalgiques des départements d’Algérie française apprécieront. La série complète (17 livres) a été rééditée aux éditions France Loisirs (Paris. 1997). Chaque ouvrage, au format in-octavo, commence par une série de cartes géographiques très commodes pour organiser ses excursions. Les illustrations sont nombreuses bien que datées, mal cadrées, la mise en page sans recherche, mais les textes sont agréablement troussés, synthétiques, instructifs. « De charmantes vieilles places aux maisons à colombage. Troyes a perdu son rang de capitale de la Champagne mais demeure riche d’un patrimoine de premier ordre qui dit bien la place qu’elle occupa dans l’histoire de la province. La cité primitive fut une ville de carrefour occupée par la tribu gauloise des Tricasses, d’où son nom, puis elle devint l’antique Augustobona des Romains. Dès le IIIème siècle, Troyes devint l’un des foyers du christianisme, autour de la haute figure de son évêque saint Loup qui réussit à convaincre Attila d’épargner la ville ». Par dix millions de coccinelles !Sacré saint Loup !
La ville s’est construite selon un plan qui curieusement fait penser à un bouchon de champagne ou à un cèpe dont le chapeau est incliné horizontalement à l’est. Troyes est délimitée comme Paris peut l’être, par une ceinture de boulevards attenant les uns aux autres. La ville n’est pas en ZFE mais il est conseillé de se garer quand même en dehors du centre. C’est gratuit, c’est pratique, on gagne son temps à ne pas tourner en rond dans le dédale urbain et médiéval en quête de parking. La gare de Troyes a bien eu lieu, elle demeure. Vous pouvez parquer votre véhicule près de celle-ci. Le quartier est tranquille et coloré (il y a une forte communauté venant d’Afrique noire pleine de jeunesse et de multitude) avant de gagner la cité par le Jardin de la Vallée Suisse qui donne sur le Jardin du Beffroi et du Jardin Boisseau. A partir d’ici, il est facile de se promener à son gré. Toutes les ruelles nous y invitent, en particulier celle des chats… Dont Wikipédia dit : « Le pavement avec rigole centrale témoigne de celui des rues de Troyes au 13e siècle. Les maisons à pans de bois et en encorbellement s’élargissent en hauteur. Ce sont des constructions en saillie du plan vertical d’un mur, sur le prolongement des solives du plancher intérieur ou des sommiers. L’encorbellement est également un moyen de protéger du ruissellement des eaux de pluie le ou les niveaux inférieurs de la façade, cause principale de la dégradation du bois et du torchis. Par son architecture singulière donc, la ruelle doit son nom au fait qu’un chat peut passer d’un côté à l’autre de la rue, en passant par les toits. Les façades se touchent par le sommet, et sont maintenues par des étais.”
D’ouest en est, par le labyrinthe moyenâgeux, vous suivrez au son des cloches des églises la distribution de surprises, l’alignement solaire de Saint-Nicolas, Saint-Jean, Saint-Urbain, Hôtel Dieu-le-Comte, cathédrale, Saint-Nizier. Un peu plus loin, coule la Seine, faut-il qu’il m’en souvienne… Contrairement à ce qui est écrit dans Wikipédia, la Seine ne traverse pas la cité, elle court, elle court cette maladie d’amour en périphérie orientale avant de gagner Paris. Voici donc la Seine et la fraîche joue des miens comme écrivait Brasillach, et plus loin le pont Mirabeau si cher au cœur d’Apollinaire.
Les aventures de Rabbi Rachi
La cité rayonne, claironne, trompète, tempête dorénavant le fameux nom de Rachi dont personne ne souciait jusqu’à il y a si peu de temps. La mode médiatique est au philosémitisme… L’Université pousse à la roue, sauf naguère à l’USHS, Université des sciences Sociales de Strasbourg qui avait vainement fait des pieds et des mains, vainement, à l’usure, si le terme est permis, pour ne pas porter le nom de Marc Bloch, que Macron veut aussi panthéoniser. J’eusse préféré le patronage d’Emile Durkheim, juif lui aussi, auteur de la Méthode sociologique. Protégé du comte de Champagne et sans doute descendant des Khazars, ce docte rabbi Chlomo ben Itzhak HaTzarfati vivait à Troyes au Xième siècle, tandis que ses congénères pratiquaient, avant, pendant et après leur commerce d’épices, d’usure, d’argent, de fourrures, de garçons, d’eunuques et d’esclaves (slaves) dans le monde.
A quand la repentance ? Quelle ligue de vertu demandera sentence, pour ce crime ?
Ce n’est pas grave. « L’ouvrage des méchants demeure périssable », écrivait encore Brasillach.
Franck Nicolle.