La légende veut qu’à une certaine époque, les messages de la BBC aient été écoutés religieusement. Le renard aimait les raisins tandis que les carottes étaient cuites et le sapin toujours vert. Plus de quatre-vingts ans plus tard, la même BBC ne fait pas dans la dentelle… de Bayeux en mettant les pieds dans le plat et en indiquant que « le milieu de l’art en France est farouchement opposé » au caprice élyséen de sortir la tapisserie de Bayeux de son écrin pour lui faire traverser la Manche alors que le musée est fermé pour deux ans pour des travaux. Le 18 septembre, en effet, aura lieu la périlleuse extraction de ce joyau hors de la vitrine qui le protège depuis 1983.
Résistance tous azimuts
Têtu comme une mule et tout content de ne pas tenir compte des avis et tous les restaurateurs et conservateurs du patrimoine qui concluent que la tapisserie du Xie siècle est « tellement fragile » qu’elle est « fondamentalement intransportable », Emmanuel Macron va à « l’encontre de décennies d’avertissements sur l’état de la tapisserie » et veut absolument qu’elle soit exposé au British Museum , pour le plus grand bonheur de Charles III .
Alan Cochrane, journaliste au Telegraph, donne raison à le BBC en affirmant : « Ne nous prêtez pas la Tapisserie de Bayeux. Cette œuvre fabuleuse est en sécurité à Bayeux et mérite d’y rester définitivement ». Même constat du côté des historiens de l’art et de Neil Jaffres qui a récemment publié une lettre dans le Financial Times
pour condamner ce « véritable crime patrimonial » que flétrit aussi vigoureusement Didier Rykner, le courageux animateur de La Tribune de l’Art dont lapétition dénonçant la folie élyséenne a recueilli plus de 70.000 signatures.
Comme un air de 1984
Depuis la décision macronienne de prêter ce chef-d’œuvre à la Grande Bretagne — avec le soutien appuyé du nouveau Premier ministre travailliste Keir Starmer qui serait mieux inspiré de soutenir les Britanniques de souche que de leur faire la guerre —, les spécialiste du transport d’œuvres d’art se demandent comment transporter la tapisserie, dont le coût de la traversée est estimé à plus d’un million d’euros.
Face aux nombreux avis des spécialistes et des différents experts qui redoutent que la manipulation de cette broderie aggrave les déchirures existantes et cause des ruptures de fils, le pouvoir n’a pas hésité à faire supprimer la vidéo d’une conservatrice normande du patrimoine expliquant qu’il était impossible de transporter ce joyau sur une longue distance. Orwell et son ministère de la Vérité ne sont pas loin… Et n’oublions pas le mépris avec lequel Macron a raillé, conspué, moqué les avis des spécialistes hostiles à un tel transport.
Dans la défense de ce pari fou, il vient de s’adjoindre Philippe Bélaval, ancien directeur du Centre des Monuments Nationaux qui, atteint par la limite d’âge, a répondu favorablement à la requête présidentielle. Il défend bec et ongles cette folie en ces termes : « Le sujet n’est plus de savoir si la Tapisserie est transportable ou non puisqu’elle doit l’être. » Drôle de réaction pour un conservateur du patrimoine qui semble avoir revêtu le costume du parfait courtisan.
Autre courtisan servant la soupe au locataire de l’Elysée, le maire centriste de Bayeux, Patrick Gomont qui renvoie dans leurs buts Didier Rykner et tous les défenseurs de ce trésor national français qui devrait être conservé — le temps des travaux — dans un paravent conservant la broderie en accordéon à plat, le tout dans une boîte spécialement conçue à cet effet. Inconnu jusqu’alors, l’édile normand ne fait que se plier aux désirs de celui qui enfonce, chaque jour, un peu plus, notre pays dans le chaos.
Dernier thuriféraire de la geste macronienne, Dov Alfon, ancien du Mossad devenu patron de Libération : il a consacré un édito au sujet le 4 septembre, et alors que le quotidien cosmopolite a publié quantité d’articles favotables au transfert. Il affirme d’emblée que « la tapisserie n’est pas une tapisserie et n’est pas de Bayeux », estime « le chantier titanesque parfaitement réalisable » et conclut en ces termes : « En déclarant que l’Angleterre est née du droit anglo-normand, la tapisserie a soutenu l’idée que le roi a toute autorité en son royaume. Emmanuel Macron ne fait, 950 ans après, qu’en rappeler l’inspiration. »
Libé défenseur du principe monarchique ? On aura tout vu.
Françoise MONESTIER
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