Alors que le citoyen Christophe Prudhomme, conseiller régional LFI, était filmé lors d’une réunion à Paris en train de scander le slogan « Louis XVI, on t’a décapité, Macron, on peut recommencer », Agathon commentant les réactions françaises au couronnement de Charles III écrivait ici le 8 mai que « la palme du mauvais goût et de l’indécence sanguinaire est revenue sans conteste, comme à l’habitude, à Mélenchon qui s’en est pris aux “sirops dégoûtants de la monarchie”, qui “dégoulinent à la télévision (…) devant un peuple qui a été si humilié par les politiques néolibérales, ce cinéma avec cet homme couvert de déguisement, de bijoux et de pierres précieuses, ayant quelque chose d’écœurant” ».
Vachelot et Moncochon au carnaval… des animaux
En matière d’indécence et de trivialité, Mélenchon, qui avait aussi parlé de « mômeries », a toutefois été battu. Par Roselyne Bachelot. Invitée le même jour de BFMTW, l’ancien ministre de la Culture a longuement daubé sur Charles III, « son air consterné, ses vêtements de carnaval et heureusement ses oreilles qui permettaient à la couronne de tenir à peu près convenablement », avant de se lâcher sur le couple royal saluant ses sujets du balcon du palais de Buckingham : « D’habitude, ce sont les cocus qui sont au balcon, là on a deux glands ! » S’il s’agit là d’esprit français, paix aux mânes de Voltaire ou de Sacha Guitry, on préfère l’humour british.
Comme Mélenchon, Mme Bachelot veut ignorer que la confection des « vêtements de carnaval » qui, après la mort de ceux qui les arboraient, reviendront au musée de la tour de Londres , de même que la couronne de saint Edouard, l’orbe d’or et de cristal, le sceptre ou les épées, a donné du travail à des centaines d’artisans et pérennisé ainsi un savoir-faire séculaire en matière de tissage (la soie de la robe revêtue par Camilla avait été tissée dans le Sussex), de broderie, de passementerie, etc. Et qu’avant même le grand jour, l’événement avait déjà rapporté 1,4 milliard de livres sterlings au Trésor britannique en droits de retransmission, nuitées d’hôtel et achat d’objets commémoratifs.
On estime que la monarchie coûte 1,50 euro par an à chacun des 67 millions de Britanniques. Est-ce trop pour assurer l’unité et l’aura internationale du pays… et s’éviter le ridicule, les crises et les trahisons propres à nos élections présidentielles ?
Un cardinal de retour en son abbaye
Tel que l’avait présenté l’archevêque anglican de Cantorbéry Justin Welby, le sacre — et pas seulement le couronnement car ont été observés tous les rites également suivis jusqu’à Charles X par toutes les monarchies européennes et notamment les « quarante rois qui firent la France » — avait de quoi inquiéter tant l’accent était mis sur l’incontournable diversité (1). Or, on ne pouvait qu’être époustouflé par la somptuosité mais surtout par la dignité et le traditionalisme de la cérémonie et par l’émotion (et non la « consternation », n’en déplaise à Bachelot) qui étreignait Charles et se communiquait à l’assistance, ainsi que par la beauté des hymnes, chants et cantiques. Choisis par le souverain qui, né d’un père, le prince Philippe de Grèce, baptisé dans l’orthodoxie, avait aussi fait installer en bonne place deux superbes icônes et fait venir les saintes huiles dont il devait être oint (2) du monastère hiérosolymitain dont sa grand-mère fut abbesse, ils furent magistralement interprétés, notamment par le chœur de la chapelle royale de Westminster, enfants et adultes mêlés, dont un Sikh barbu et enturbanné.
L’inclusion annoncée se fit discrète, d’autant que le grand rabbin d’Angleterre ne prit pas la parole, cette cérémonie très High Church se déroulant un samedi au grand scandale de la communauté juive, mais une place de choix fut accordée à Théophile III, patriarche orthodoxe de Jérusalem, et à l’archevêque Vincent Nichols, la pourpre cardinalice étant ainsi de retour dans l’abbaye de Westminster après six siècles d’ostracisme. Une véritable révolution dans un pays déchiré par l’antipapisme opportuniste des Tudors puis le sanglant fanatisme de Cromwell et de ses Têtes rondes décapiteurs de Charles 1er, et qui, en juin 1780, fut encore endeuillé par la mort de plus de cinq cents catholiques dans la seule ville de Londres lors des Gordon Riots : évoquées par Dickens dans son roman Barnabé Rudge mais peu connues en France, ces émeutes accompagnées d’incendies systématiques furent organisées par un protestant enragé, lord John Gordon, qui voulait par ces violences obtenir l’abrogation du Catholic Relief Act. Loi permettant aux « papistes » d’ouvrir des écoles et d’acquérir ou hériter de terres dans le royaume s’ils prêtaient serment de fidélité au roi et s’ils renonçaient à la juridiction du pape sur les affaires civile.
Aujourd’hui, Londres a son Londonistan fourmillant d’imams et de fidèles fréristes, d’où sans doute la volonté du Premier ministre hindouiste (qui, à Westminster, lut une épitre de saint Paul) de lutter contre une immigration désormais à dominante africaine et largement musulmane qui, elle, ne fait aucune différence entre catholiques et protestants, tous « mécréants » et donc exécrés. Mais cette communauté est aussi sensible au faste et au respect des traditions. Le sacre l’incitera-t-elle à une certaine retenue ?
Camille Galic
- https://nouveaupresent.fr/2023/05/03/charles-iii-monarque-tres-pluriel/
- C’est le nouveau roi, par ailleurs admirateur du catholique Tolkien et disciple d’un autre écrivain et essayiste sud-africain défenseur passionné de la nature, Laurens van der Post (tant admiré par Charles que ce dernier fit de lui l’un des parrains de son fils William), qui aurait aussi dessiné l’arbre aux feuilles symbolisant toutes les possessions britanniques qui ornait le paravent destiné à protéger le monarque de tout regard pendant que Mgr Welby procédait à son onction sur la tête, le cou et les reins. Hasard ? Cet arbre ressemblait furieusement à Yggrasil, l’arbre-monde de la mythologie scandinave. Si l’on ajoute l’antique croix celtique en bois, cette fois enrichie de reliques envoyées par le pape François, qui ouvrit la cérémonie, Westminster incarna le 6 mai notre plus longue mémoire.
Mme Galic peut-elle nous dire qui était la dame en bleu omniprésente pendant le sacre de Charles III ?
Il s’agit de Penelope (dite Penny) Mordaunt, 50 ans, ancien ministre de la Défense dans deux gouvernements conservateurs puis rivale malheureuse l’an dernier de Rishi Sunak au poste de Premier ministre, elle est depuis 2022 chef des Tories à la Chambre des Communes et « Lord président du Conseil », fonction créée au XVIIème siècle et exercée pour la première fois par une femme. C’est en cette qualité qu’il lui revenait de remettre certains « regalia » au souverain. Fille d’un officier parachutiste, Mme Mordaunt appartient à la réserve de la Royal Navy avec le grade d’enseigne de vaisseau.