Richard de Sèze vient de faire paraître au Cerf un petit guide du Paradis et du purgatoire plein d’enseignements, d’humour, de fantaisie et, ce qui ne gâche rien, illustré de dessins qui prennent parfaitement la teinte de ce texte délicieux.
Richard de Sèze, qu’est-ce qui vous a fait choisir la forme du conte ?
Durant le confinement, j’ai rédigé des petits textes pour me moquer des bobos parisiens, textes assez courts pour être publiés sur Facebook. Un jour j’en ai eu assez de ce sujet et j’ai écrit une première nouvelle sur sœur Roselyne, de la même longueur. Cette forme m’a paru intéressante, m’obligeant à aller vite et à traiter rapidement les questions que je me posais, sous une forme imagée, joyeuse, avec un vocabulaire qui n’était ni savant, ni celui de la chronique sarcastique, et qui me permettait de parler du Paradis d’une manière aimable. Or c’est tout à fait bien d’être aimable en parlant du Paradis !
Votre vision du Paradis (et du purgatoire) est-elle traditionnelle ? Fantaisiste ? Les deux ?
Les deux. J’imagine un Paradis qui est celui que le Christ décrit en nous disant qu’il nous fait reposer sur des prés d’herbe fraîche et nous parle de festin. Il s’agit d’un Paradis physique, ce qui est logique : Dieu crée le monde, il le crée physique. Avant la chute, le Paradis terrestre est en fait le monde entier, c’est l’intégralité de l’univers qui est comme ce Paradis terrestre. Voilà mon point de départ, donc tout à fait traditionnel. J’imagine donc que le Paradis est aussi physique, et là cela devient un peu fantaisiste car, pour moi, le Paradis est rempli de scarabées, d’arbres, de plantes diverses, d’oiseaux – c’est la vision également de Fra Angelico et d’autres. Mais ce qui est intéressant est de montrer que ce caractère physique correspond sans doute à la manière physique dont nous sommes et dont nous allons durer. Notre corps glorieux est un corps physique et j’imagine que, autour de ce corps physique, se trouve tout ce qui fait déjà l’agrément, sur terre, des hommes, et tout ce qui faisait l’agrément sur terre des hommes avant qu’ils ne pèchent. Donc c’est un peu les deux.
Vous nous guidez dans le Paradis, mais vous nous faites aussi découvrir le purgatoire. On trouve Sartre et Tincq au purgatoire, mais aussi Dante, Bossuet et Pascal…
Sartre et Tincq, c’est pour montrer que même les gauchistes ont droit d’arriver au purgatoire, donc au Paradis…
Comme vous êtes bon !
C’est Dieu qui est bon et qui juge. Bien sûr, il juge en vérité et pas du tout comme nous serions capables de le faire. Quant à Dante, Bossuet et Pascal, c’est parce que je voulais être prudent dans ma manière d’élire les gens qui sont au ciel et justement éviter de juger à la place de Dieu. Et aussi surprendre un peu le lecteur, qui se dira : « Effectivement, si même ces gens qui paraissent très bien sont au purgatoire, c’est sans doute que Dieu a une manière d’apprécier nos fautes et nos mérites totalement différente de la manière dont nous-mêmes nous les apprécions. »
On remarque un clin d’œil à Jacques Perret, avec le champ du Loup rogneux. Y a-t-il d’autres écrivains auxquels vous avez pensé en choisissant ce ton plein d’humour et plein de fantaisie ?
Oui. Tous les noms que je vais citer sont des modèles que je ne prétends absolument pas égaler, mais disons que c’était des phares qui illuminaient la nuit de l’écriture… Marcel Aymé, pour ses Contes du chat perché, qui sont absolument délicieux ; Jacques Perret, aussi par exemple à cause de « La Bête mahousse », avec toujours ce mélange de réalisme et de fantastique. En fait, un merveilleux français, loin des grandes machines compliquées avec des dragons, des armures, des elfes, des nains et douze planètes en guise de lune. Mais un monde où le fantastique et le merveilleux sont mêlés aux choses les plus prosaïques et normales. C’est cette manière française de regarder les réalités de l’au-delà qui est intéressante. Buzzati, un peu, à cause d’une nouvelle. Supervielle, Jules Lemaître, Alphonse Daudet et son curé de Cucugnan. Tous ceux qui nous parlent des réalités de l’au-delà avec un ton bonhomme, familier, et en même temps respectueux et envieux, si j’ose dire, des réalités célestes.
Propos recueillis par Anne Le Pape
• Richard de Sèze, En arrivant au Paradis, éd. du Cerf.