Dans un village de Mayenne, une lutte s’est engagée en janvier 2023 lorsque la mairie a annoncé la « déconstruction » de son église. Une poignée d’habitants réclama alors la conservation d’un vestige de cet édifice quand le parti Reconquête exigeait la rénovation intégrale de ce lieu de culte, en dépit d’un coût estimé à 6 millions d’euros. Je parle évidemment de l’église de la Baconnière.
L’indifférence de la presse locale sur le sort de l’église n’a pas joué en faveur de sa sauvegarde et si aujourd’hui on peut penser que la destruction était devenue inévitable, ce n’était pas le cas en 2006 lorsque les coûts de rénovation s’élevaient à seulement 250 000€ ! La municipalité de l’époque avait écarté le sujet d’un revers de main, prétextant ne pas disposer d’un budget suffisant. Elle est donc restée fidèle à des années de laxisme comme le laissent supposer les éléments auxquels nous avons eu accès par l’intermédiaire d’un ancien élu de la commune. À notre connaissance, aucune demande de subvention n’a en efe été faite.
Peut-être aurait-il fallu à l’époque rappeler la loi de 1905, modifiée en 1907, qui impose à la commune l’entretien de son église. Rappelons également le contexte de cette loi. Les biens de l’Église appartiennent désormais à l’État. Non seulement les édifices religieux mais également les biens immobiliers qui permettaient d’équilibrer la gestion en matière d’entretien et de rénovation. Cette acquisition par la France fit de l’État le premier propriétaire terrien du pays. C’est ainsi que l’argument phare que l’on entend si souvent dans ce contexte, à savoir : « que les fidèles entretiennent leur église », tombe à l’eau. Ou bien, poussons cette logique jusqu’au bout et que l’État rende à l’Eglise l’intégralité de ses biens. Naturellement c’est un vœu pieux : non seulement l’État ne prendra jamais cette décision mais de surcroît, elle ne le peut pas, ce trésor immobilier ayant déjà été dilapidé en grande partie depuis presque un siècle.
Indifférence de la presse locale
Pour illustrer l’indifférence de la presse locale, voire son opposition, il suffit de considérer la façon dont l’action de Reconquête en février dernier devant la Préfecture à Laval a été traitée : la presse s’est focalisée sur la vingtaine de militants « antifas » et de la Ligue des Droits de l’Homme présents, plutôt que sur le message du Parti qui rappelait à juste titre les obligations de l’État concernant la sauvegarde du Patrimoine.
En 2014, 8 ans après les dernières estimations des coûts de rénovation, la même indifférence des autorités a prévalu alors qu’une nouvelle étude chiffrait le montant des travaux à 1,5 million d’euros, du fait de la progression des dégradations du bâtiment. La mairie ferme alors l’édifice sans pour autant envisager la moindre rénovation, même partielle. Les années passent et en 2019, la tempête Miguel achève l’édifice fragilisé par son abandon. Il faudra encore attendre janvier 2023 pour qu’une nouvelle estimation soit faite : 6,5 millions d’euros. Le maire annonce alors la « déconstruction ». Aux villageois privés de lieu de culte le maire rétorquera que cela n’est pas « nécessaire ». Aux les associations qui espèrent préserver ne serait-ce que le clocher, il rétorquera que c’est hors budget. Quant au parti Reconquête, on en restera aux demandes de rendez-vous par téléphone…
Il convient de préciser que la décision de démolition ne revient pas uniquement à la municipalité : la Préfecture doit valider cette décision et l’évêché doit désacraliser l’église. Interrogé, l’ancien Vicaire Général de la Mayenne, le Père Foucher, assure que tout a été mis en œuvre pour la sauvegarde de l’édifice avec des années de bras de fer jusqu’à ce que l’évêché se heurte à l’argument ultime de la sécurité des usagers. Dans un entretien sur YouTube, ce prêtre assure également que le mobilier de l’église sera préservé et que la Commission d’Art Sacré se chargera de la préservation des cloches, des statues, des vitraux (classés), du Chemin de Croix et du Maître-Autel.
Les cloches se taisent…
C’est un bien triste feuilleton qui s’est achevé le 31 juillet à midi lorsque les cloches ont fait entendre leurs voix une dernière fois devant un public atterré. C’est toutefois ce que je pensais jusqu’à ce qu’un habitant du village ne prenne contact avec moi. Nostalgique, debout devant les gravats, son attention se porte sur un morceau du vitrail qui émerge d’un tas de poussière. Interloqué, il inspecte plus minutieusement les décombres et en sort une statue dont la tête manque, puis un morceau de station du chemin de croix, puis d’autres morceaux du vitrail et dès lors, les découvertes s’enchaînent. Un militant de Reconquête qui s’est rendu sur place interroge le maire sur le sort des statues en particulier. Cela ne le regarde pas, lui répondra le Maire, assurant que ce qui avait une valeur marchande avait été sécurisé. Certes, mais pour ce qui avait une valeur spirituelle et sacrée ? Malheureusement, la réponse à cette question s’impose d’elle-même et nous sommes en droit de penser que non seulement tout n’a pas été fait au niveau des autorités pour préserver l’église du village mais au contraire que tout a été fait pour en arriver à sa destruction, pour la propre sécurité des paroissiens naturellement ! Alors, qui demandera des comptes ? La presse ? La justice ? Les habitants ? L’avenir le dira et nous espérons ne pas découvrir d’autres points sombres et négligences dans cette affaire.
Cet épisode bien triste de l’état de notre Patrimoine religieux pose la question de la volonté politique. A l’heure où l’argent des français n’a jamais autant été mis à contribution pour financer des manifestations culturelles en tout genre, et souvent du plus mauvais, on peut légitimement demander quelle part de nos impôts sert à la sauvegarde de nos clochers, symboles d’une Civilisation aujourd’hui malmenée sur tous les fronts.
La prédiction de l’ancienne Ministre de la culture, Roselyne Bachelot, concernant l’avenir d’un grand nombre d’édifices religieux du XIXème étiquetés « sans grand intérêts et promis pour un grand nombre à la destruction », fait froid dans le dos.
Alors qu’une peinture à caractère pédophile attaquée au palais de Tokyo a créé un fort l’émoi au sein de la classe politique, une église qui s’effondre ne « fera » que quelques lignes dans les journaux locaux, en attendant la suivante.
Ne nous y trompons pas ! L’église de la Baconnière n’est pas un cas isolé et c’est tout notre patrimoine religieux qui est en grand danger ! Rien que sur le département de la Mayenne, une trentaine de communes sont en défaut d’entretien de leur église et en sept mois, deux églises sont tombées (Saint-Isle et la Baconnière) !
Si la loi n’est pas respectée par nos élus et si nous ne parvenons pas à susciter une mobilisation massive des fidèles et plus largement des français qui désirent malgré tout transmettre ce patrimoine à leurs enfants, combien d’églises où nos parents et aïeux ont été baptisés, se sont mariés et d’où ils sont partis pour leur dernier voyage sont appelées à disparaitre ?
Nous leur devons bien ça !
Pierre d’Herbais