Accords

«Eau contre électricité», les effets des Accords d’Abraham se font sentir

Israël Katz , le ministre israélien de l’Energie, vient d’annoncer sur X (ex-Twitter) que l’Etat hébreux a décidé d’ augmenter ses exportations de gaz vers l’Égypte et il y a deux semaines, il s’est rendu à Abou Dhabi pour promouvoir un des projets de coopération israélo-arabe proposé par les accords d’Abraham, soit un accord trilatéral selon lequel Israël doit exporter de l’eau désalinisée vers la Jordanie qui lui fournira en échange de l’électricité via un champ de panneaux photovoltaïques financé par les Émirats Arabes Unis qui se réserveront toute la production excédant les termes de l’accord.

Les trois parties prévoient de finaliser sa signature lors de la COP 28 qui se tiendra à partir de fin novembre à Dubaï. Pour Abou Dhabi, c’est l’occasion rêvée de se présenter comme le champion d’une politique énergétique arabe « verte », pour Israël, c’est un moyen de renforcer sa politique de rapprochement avec les pays arabes et surtout le Golfe, et pour la Jordanie qui est composée à 92% de terres désertiques, les 200 millions de mètres cubes d’eau promis annuellement par Tel Aviv en échange de 600 mégawatts d’électricité solaire dans le cadre du « Prosperity Project » sont une garantie pour ses besoins existentiels en eau. Ces avancées concrètes basées sur les Accords signés en 2020 sous l’égide de Donald Trump font mentir les détracteurs du Traité qui rapproche Israël des Emirats Arabes Unis d’une part et de Bahreïn et du Maroc d’autre part, qualifié à l’époque de mort-né par les tenants de la « cause » palestinienne. C’est tout l’inverse qui est en train de se produire. Ghait al Omari, chercheur au sein du groupe de réflexion du Washington Institute for Middle East Policy et ancien négociateur palestinien de 2000 à 2014, l’a affirmé dans une entrevue fleuve accordée à France 24 : « Nous assistons à une nouvelle façon de faire de la politique au Moyen Orient, impulsée par les pays du Golfe qui agissent au nom de leurs intérêts légitimes, et ils en ont le droit. La question qui se pose aux palestiniens est de savoir s’ils vont rester sur le banc de touche et regarder passer l’Histoire ou saisir l’opportunité de tirer profit de la nouvelle donne. »

Ce projet eau contre électricité, entièrement financé par les EAU est typiquement un accord gagnant –gagnant et les palestiniens auraient été de parfaits candidats pour s’extraire du cycle misère, terrorisme et exploitation qui les broie de la naissance à la mort avec par exemple la création d’usines de désalinisation à Gaza ce qui aurait permis de travailler au développement d’une industrie locale et à un approvisionnement en eau décent, à condition toutefois que les autorités palestiniennes aient la volonté politique et soient en mesure d’assurer la sécurité des sites de production et des voies de distribution. Ainsi, entre 2015 et 2017, une ONG israélo-palestinienne, EcoPeace, avait travaillé sur un projet similaire qui incluait la Cisjordanie et Gaza mais en 2017, après que l’organisation soit allée présenter son plan devant l’Union européenne dans l’espoir d’obtenir un appui politique, le contexte sécuritaire instable a rapidement conduit à écarter les Palestiniens puis à faire échouer le projet. Alors que Marwa Daoudy, professeure associée à l’Université Georgetown et spécialiste de la géopolitique de l’eau, estime « que cette approche d’exclusion ne servira aucun des pays concernés du point de vue de la sécurité nationale et régionale », Ghait al Omari est quant à lui convaincu que la question israélo-palestinienne est passée au énième rang des préoccupations internationales derrière la guerre en Ukraine, la montée en puissance de la Chine ou encore la menace nucléaire iranienne. « Les occidentaux (et les arabes) ont compris que les palestiniens sont trop faibles pour conclure un accord et les israéliens ne sont plus intéressés par cette perspective, préférant aller de l’avant. Le monde est passé à autre chose et ça sera en fin de compte à ces deux acteurs de convaincre leurs interlocuteurs de se réengager sur ce dossier. » Un conseil qui conviendrait également à la classe politique libanaise, quasiment sur mesure…

Sophie Akl-Chedid

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