Académie

Quel secrétaire perpétuel pour l’Académie française ?

C’est ce jeudi 28 que les Immortels doivent élire un secrétaire perpétuel, autrement dit recteur… ou PDG, de l’Académie française pour succéder à l’historienne d’origine géorgienne Hélène Carrère d’Encausse, décédée en août (https://nouveaupresent.fr/2023/08/06/lumiere-et-ombres-dhelene-carrere-dencausse/)

Je mourrai plus étranger encore 

Selon les augures, le Franco-Libanais Amin Maalouf, élu en 2011 au fauteuil de Claude Lévi-Strauss, devrait l’emporter.

Certains de ses romans — Léon l’Africain, Samarcande, Le Périple de Baldassare… — sont excellents, supérieurs en tout cas au Rocher de Tanios qui lui valut un Goncourt tardif, les jurés de Drouant étant souvent lents à la détente comme ils le montrèrent avec l’attribution de leur prix à Michel Houellebecq, consacré depuis longtemps par les libraires et le public.

Le secrétariat perpétuel semble être un gage de longévité puisque, en 389 ans d’existence, la Vieille dame du Quai Conti a compté vu défiler seulement 32 titulaires du poste, que la nonagénaire Carrère d’Encausse occupa pendant 24 ans.

Né à Beyrouth en 1949 d’un père melkite et d’une mère maronite et francophone mais fuyant en 1976 la guerre civile, le journaliste Amin Maalouf se replia en France, où il ne tarda pas à obtenir la rédaction en chef de Jeune Afrique, hebdomadaire à l’origine bourguibiste et très « décolonial ». Parle-t-il de lui quand il écrit dans Baldassare : « Je suis né étranger, j’ai vécu étranger et je mourrai plus étranger encore », « c’est ma détresse originelle » ? Son profil ne peut en tout cas que plaire au chef de l’État, protecteur de l’Académie, au Quai d’Orsay, à la presse et même à ses confrères qui pratiquent volontiers le snobisme xénophile.

Un Anglais comme on les aime

Mais, étranger pour étranger,on aurait aussi bien vu Michael Edwards, seul Anglais jamais élu sous la Coupole (en 2013, au fauteuil de son ami Jean Dutourd… et dans une indifférence totale bien qu’il ait battu Jean-Noël Jeanneney, ancien ministre et ex-directeur de Radio France). Ayant découvert avec émerveillement notre langue à 11 ans, parfaitement bilingue, rimant en français et en anglais avec la même aisance, professeur au Collège de France, marié à une Française qui lui a donné quatre enfants, vivant en Bourgogne et naturalisé français, ce poète avait toutes les qualités requises. Mais un grand tort : bien qu’anobli par Elizabeth II, sir Edward pousse la défense de notre langue — dont l’Académie est garante — jusqu’à déplorer, comme il le fit dans The Daily Telegraph après son élection, que « tant de philosophes et scientifiques français écrivent en anglais dans l’espoir d’être publiés à l’échelle mondiale ». Car, ajoutait-il, « s’ils écrivent en anglais, ils cesseront bientôt de penser en français et un grand trésor de l’esprit sera perdu ». Raison pour laquelle, estimant « la préservation de la diversité intellectuelle aussi importante que la préservation de la diversité écologique », il se veut « le champion de l’importance toute spéciale et de la beauté de la langue française ». (1)

Claude Lorne

  1. Le samedi 14 octobre, sir Michael Edward assurera la présidence d’honneur à Compiègne d’une journée d’hommages au grand écrivain Evelyn Waugh. Tous renseignements à association@lesavenuesdecompiegne.fr

Un commentaire

  1. Merci de m’avoir fait connaître l’académicien Michael Edwards dont, à ma grande honte, l’élection m’avait échappé. J’espère qu’il avait été prié par Macron à la grande sauterie de Versailles en l’honneur de Charles III parmi moult histrions et sportifs (de couleur) mais, malgré ma demande par mail au secrétariat de l’Elysée, je n’ai pu obtenir la liste complète des invités. Dommage !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *