Le 24 mars 2024, les catholiques célébreront le dimanche des rameaux. Pour la plupart des Français, un rameau, c’est une petite branche. Si on cherche plus loin, le dictionnaire nous apprend que rameau tire son nom du latin ramellus, diminutif de ramus, signifiant branche. Plus précisément, le rameau est une portion de la division de la tige d’une plante ou de la ramure d’un arbre. Mais quel rapport peut-il exister entre un terme de botanique et la religion chrétienne ?
A l’origine, la Torah prescrivait aux Israélites de prendre des branches de palmier et des rameaux touffus pour demeurer sept jours durant sous des tentes de feuillage à l’occasion de la fête des Tabernacles. Il s’agissait de commémorer l’Exode, mais on nouait aussi en faisceau quatre espèces végétales pour les balancer en direction des quatre points cardinaux dans une oraison associant symbolisme agraire et thème de l’union sous les formes les plus diverses : union de tous les attributs en Dieu, union de tous les Juifs, union des organes du corps, union des dirigeants du peuple élu…
Dans son Evangile, Saint-Mathieu rattache le symbole des rameaux à l’entrée triomphale de Jésus-Christ à Jérusalem : « Une foule nombreuse étendit ses vêtements sur le chemin ; d’autres coupaient des branches d’arbres et en jonchaient le chemin. Et les foules qui précédaient Jésus et celles qui le suivaient, criaient : Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Chez les Hébreux, couvrir la route de vêtements, de fleurs ou de végétaux en bénissant celui qui venait au nom du Seigneur était un hommage réservé aux rois.
Sur le plan dogmatique, l’Eglise catholique a inscrit cet épisode dans le combat opposant les forces du bien à celles du mal. Face au prince des ténèbres, Jésus a triomphé en s’immolant. « Il s’avance en effet, le Dimanche des Rameaux, comme un conquérant sûr de lui-même, acclamé et déjà couronné de palmes et de lauriers, signes de la victoire qui va être remportéei. »
« A Jérusalem, au IVe siècle, on lisait en ce dimanche, à l’endroit même où il s’était réalisé, le récit de l’évangile qui nous montre le Christ acclamé comme roi d’Israël et prenant possession de Jérusalem, sa capitale, figure de la Jérusalem céleste. Puis, un évêque, monté sur un âne, allait du sommet de la montagne des Oliviers à l’église de la Résurrection, entouré de la foule qui portait des rameaux en chantant des hymnes et des antiennesii. » Juste avant, l’Eglise précisait le lien entre l’Ancien et le Nouveau Testament en lisant un passage de l’exode où les Hébreux campaient à l’ombre des palmiers, auprès de douze fontaines et attendant la manne nourricière. Les Chrétiens y virent la préfiguration de la victoire du Christ délivrant les fidèles de la servitude du pêché, les conduisant aux fontaines baptismales et les nourrissant de la manne eucharistique. Au IXe siècle, l’Eglise de Rome adopta cet usage en y ajoutant des rites de bénédiction des Rameaux, d’où l’autre nom de Pâques fleuries parfois donné à ce dimanche.
De nos jours, en ce dimanche, l’Eglise procède à la bénédiction des Rameaux, laquelle est suivie par une procession, puis par la messe.
Au moment de la bénédiction des Rameaux, le prêtre prononce plusieurs oraisons expliquant le sens de cette cérémonie : « Bénissez ces rameaux de palmier ou d’olivier (…) faites que nous, qui portons ces palmes et ces rameaux d’olivier, nous allions au-devant du Christ par nos bonnes œuvres, afin d’entrer avec lui dans la joie éternelleiii. » Ensuite : « Que cette bénédiction donne à tous ceux qui recevront de ces rameaux protection spirituelle et corporelleiv. » La protection que la bénédiction confère aux rameaux s’étend aux habitations : « afin qu’en quelque lieu qu’on les introduise, ceux qui y habitent obtiennent votre bénédiction. » Le symbolisme des palmes et des rameaux d’olivier est explicité : « Ces branches de palmier annoncent le triomphe sur le prince de la mort, et les rameaux d’olivier proclament (…) l’avènement d’une onction spirituelle. » La filiation avec le peuple acclamant le Christ termine la bénédiction : « Donnez-nous de pouvoir imiter leur innocence afin d’avoir part à leur méritev. »
La palme symbolise la victoire ou le triomphe dans de nombreuses cultures. L’olivier est un symbole de paix ainsi que de bénédiction et de pureté. Quelquefois mentionné, le laurier évoque la gloire et la victoire spirituelle. Mais sous les latitudes où ces plantes ne peuvent s’acclimater, c’est souvent le buis qui est employé. La persistance des feuilles de cette plante représente la continuité de la vie et de la foi, mais aussi l’immortalité de l’âme et la vie éternelle. Mais quelle que soient les plantes utilisées, « gardons religieusement dans notre maison une branche de buis bénit. Attaché à nos crucifix, ce sacramental nous rappelle la victoire que le Christ a remportée pour nous sur sa croix et nous incite à militer avec confiance et courage sous un tel Roivi. »
André Murawski
i Dom Gaspar Lefebvre, Missel quotidien et vespéral, Société liturgique canadienne, 1943
ii Ibid
iii Ibid
iv Ibid
v Ibid
vi Ibid