Le 41e Cahier Marcel Aymé est essentiellement consacré au roman, La Vouivre. Ce texte fut d’abord publié, en feuilleton, dans l’hebdomadaire La Gerbe, d’Alphonse de Chateaubriant et Marc Augier, en 1943, journal que l’on pourrait qualifier de « pro-collaboration ».
Le 30 décembre de la même année, Gallimard l’éditait dans la collection blanche. Mais « collabo », Marcel Aymé ? Evidemment pas. Dans cet ouvrage, basé sur une légende locale, il n’y a pas une once de politique. La seule allusion au contexte de l’époque, comme le rappelle ce 41e cahier, et comme l’a raconté récemment le secrétaire général des Amis de Marcel Aymé, Jean-Pierre Belleville, au micro de Radio Courtoisie, c’est l’évocation d’un dénommé Teutobock, présenté dans La Vouivre comme « le roi des teutons », qui est moqué dans le roman. Allusion sans équivoque, qui ne s’apparente que de loin à de la « résistance », mais certainement pas à de la collaboration !
A la vérité, l’auteur de La Vouivre ne s’intéressait pas vraiment à la politique, même s’il comptait Céline parmi ses amis, et même s’il a marqué son soutien aux persécutés de 1944.
Marcel Aymé était originaire de Franche-Comté, et la Vouivre est la plus célèbre des légendes locales. Il existe de nombreuses versions de cette légende. Mais c’est en principe un animal, apparenté au serpent, qui porte au front une pierre précieuse, rubis ou diamant. C’est pour cette pierre qu’elle est recherchée. Marcel Aymé a substitué à son corps reptilien un corps de femme. Et du même coup cet être mythique est aussi recherchée pour son corps voluptueux. Elle est un peu la Diane chasseresse des Romains ou l’Artémis des Grecs, et aussi Vénus ou Aphrodite.
Je vous conseille de lire La Vouivre et plus globalement l’œuvre de Marcel Aymé. En 1988 il a en outre été tiré un film du roman de Marcel Aymé. C’est Georges Wilson qui était à la manœuvre. Curieusement le tournage fut réalisé dans la vallée de la Creuse, du côté d’Argenton-sur-Creuse, de Saint-Benoît du Sault et d’Eguzon, vers les étangs de la Brenne, aussi, mais pas dans le Jura.
Un cimetière en carton-pâte avait été construit, ainsi qu’une « forêt pétrifiée ». J’avoue ne pas avoir vu le film. J’étais trop jeune, alors. Mais peut-être ¨Présent avait-il publié une mise en garde. La Vouivre est incarnée par Laurence Treil. Mon grand-oncle Brigneau trouvait qu’on montrait un peu trop l’anatomie certes séduisante de l’actrice. Je me demande s’il ne l’a pas écrit dans Présent ou dans Le Choc du mois. Il faudrait que je compulse des collections de l’époque de sortie du film. François Brigneau n’était pas bégueule et il s’accommodait fort bien de cette grivoiserie paysanne qui fait pour partie le charme des romans de Marcel Aymé. Je pense à La jument verte, par exemple. Mais point trop n’en faut, disait-il. On trouve aussi Dufilho dans ce film. En tout cas cet acteur qu’adorait mon grand-oncle ne montrait pas ses fesses, lui. ! Il avait trop de tenue pour des pantalonnades.
Mais avec Marcel Aymé, il y en a pour tous les goûts : ses contes pour enfants sont formidables, ses romans et son théâtre « engagés » resteront à jamais (Uranus, La tête des autres, notamment), ses nouvelles fantastiques (Le passe-murailles etc.) séduisent toujours.
Vous l’avez compris : je suis une inconditionnelle.
Madeleine Cruz
Cahier Marcel Aymé n° 41, 152 p., Ed. S.A.M.A. La Tuilerie, 39120 Villers-Robert, 23€