chienlit

De l’union sacrée antifasciste à la chienlit républicaine

Comment en un plomb vil, l’or pur s’est-il changé ? Les politologues du monde entier plancheront longtemps sur ce cas d’école que furent les législatives françaises à l’issue desquelles le Rassemblement national et ses alliés ciottistes, pourtant crédités d’au moins 220 sièges par tous les instituts de sondages et malgré les 10, 11 millions de voix réunies le 7 juillet, n’ont-ils obtenu que 143 sièges. Et ont ainsi été devancés par le Nouveau Front populaire fort de 178 élus avec juste 7 millions de suffrages et même par Ensemble, nouvelle appellation de l’ex-majorité présidentielle (alors que 74% des Français ont une « mauvaise opinion » d’Emmanuel Macron) qui, avec seulement 6,314millions d’électeurs, n’en a pas moins remporté 150 sièges.

Bravo à France 3 et France Bleu !”. Et au pape.

Les causes sont évidemment multiples, en commençant, comme nous l’avons écrit ici, par l’erreur d’appréciation — volontaire ou pas — des sondages et la perversité du scrutin uninominal à deux tours que notre pays est le seul à pratiquer en Europe et qui favorise les pires tambouilles d’entre-deux tours avec à la clé les désistements les plus amoraux.

S’y ajoute le matraquage éhonté des médias et surtout de l’audiovisuel public attisant tout au long de ce tour infernal la peur du « saut dans l’inconnu » —_ économique, social et sociétal — provoqué par l’éventuelle victoire du RN. Hebdo favori des chrétiens de gauche, Télérama a salué ainsi cette mobilisation : « France 3 Régions et France Bleu [qui s’adresse en priorité aux personnes âgées] ont-elles fait basculer la campagne ? Depuis les résultats inattendus du second tour des élections législatives, internautes et politiques saluent le travail effectué par les stations régionales dans l’entre-deux-tours. “J’ai quand même l’impression que la galerie des affreux du RN dévoilée ces derniers jours a eu un effet repoussoir. Bravo et merci à ceux qui ont consacré leur temps à ce travail salutaire”, écrit sur X le journaliste Christophe Conte. “Bravo aux antennes de France 3 et de France Bleu qui n’ont jamais reculé à présenter la réalité raciste et antisémite des véritables candidats du Rassemblement national”. »

La messe est dite, et n’oublions pas en ce fatidique 7 juillet l’intervention du pape François qui, de Trieste où il était allé rencontrer (une fois de plus) des migrants, avait lancé un vibrant réquisitoire contre la « culture du rejet qui dessine une ville où il n’y a pas de place pour les pauvres, les enfants à naître, les personnes fragiles, les malades, les enfants, les femmes, les jeunes » ainsi que les « tentations idéologiques et populistes », alors que « la démocratie n’est pas en bonne santé dans le monde d’aujourd’hui ». Un solennel avertissement, bien sûr destiné à détourner les ouailles du vote RN et qui, aussitôt répercuté par France Info et dans les églises, a eu un certain écho.

Macron nous parle enfin… de Washington

Notre mediaklatura et le Souverain Pontife étant ainsi parvenus à leurs fins, nous avons donc échappé à la « vague brune » pour chuter dans le chaos, dans l’indifférence semble-t-il du démiurge Macron, muet depuis le 7 juillet — alors qu’« en vingt minutes, il avait tiré les conclusions des élections européennes en disant qu’il allait dissoudre », selon le mot amer d’un ministre, tandis qu’un autre tempêtait : « Quand il faut qu’il ferme sa gueule, il parle, et quand il faut qu’il parle, il se tait. » Avec une bonne excuse il est vrai : le président était attendu au sommet de l’OTAN à Washington d’où, à défaut de porter « la voix de la France » transformée en femme sans tête, il s’est fendu d’une adresse « à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française ». Dans cette bafouille, l’Elyséen les presse de bâtir « un front commun et des compromis » car, précise-t-il, « c’est à la lumière de ces principes [sic] que je déciderai de la nomination du Premier ministre D’ici là, le gouvernement actuel continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine. »

Après « pas une voix pour le RN », tous contre Mélenchon

En attendant, ici et maintenant, c’est la chienlit, y compris au sein des coalition centriste et de gauche, où l’on n’est d’accord sur rien, sinon sur le refus de voir devenir Premier ministre un Jean-Luc Mélenchon déformais éreinté jusque dans les rangs de La France Insoumise dont des élus fraîchement reconduits assurent qu’entre eux et LFI « la rupture est aujourd’hui est consommée » et qu’ils « aspirent à siéger dans un groupe nouveau », « riche de sa diversité ». Ce qui ne signifie nullement que ces dissidents renoncent au programme sur lequel ils ont été élus : catalogue de mesures sociales plus démagogiques (et ruineuses) les unes que les autres mais aussi « accueil aux réfugiés climatiques » et promulgation d’une super-loi Pleven aggravant encore les peines encourues par les auteurs de « propos ou d’actes racistes et homophobes ».

Pour contrer Mélenchon, le socialiste Olivier Faure est prêt à faire don de sa personne à Matignon mais la socialiste Anne Hidalgo, par ailleurs maire PS de Paris, en tient au contraire mordicus pour le maintien du gouvernement Attal jusqu’à la fin des Jeux olympiques, et va jusqu’à se féliciter du « très bon boulot » accompli par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. A mi-chemin, Raphaël Glucksmann, ex-tête de liste PS aux européennes s’inscrivant dans la ligne macroniste, professe qu’il faut « discuter avec des gens qu’on a combattus, sans se renier », car « la seule voie possible pour la gauche, c’est la démocratie parlementaire ». Ouvrez vos parapluies, pleuvent les lieux communs et les pieuses intentions !

Quant au petit phénix François Ruffin, qui a attendu d’être réélu dans la Somme pour claquer la porte de LFI et « couper la corde avec Jean-Luc Mélenchon qui [l]’empêchait de respirer », le pauvret, il se tient en embuscade, convaincu d’avoir les capacités d’un Premier ministre. Si son rêve se réalisait, deux anciens élèves du lycée jésuite La Providence d’Amiens (et de Brigitte Macron), se retrouveraient ainsi à la tête de notre pays, l’un à l’Élysée et l’autre à Matignon. Le monde politique est petit.

Du côté de la fausse droite, l’inusable François Bayrou également persuadé d’avoir l’étoffe d’un Richelieu fait ses offres de service à Macron en préconisant lui aussi une alliance, dont il serait l’artisan, avec les partis de gauche qui partagent le « socle de valeurs de l’arc républicain », cependant que l’ancien sous-ministre Yves Jégo, va jusqu’à exhumer le largement septuagénaire Jean-Louis Borloo, naguère pote et avocat de Bernard Tapie et pourtant retiré de la politique depuis 2014, mais qui aurait l’avantage d’être « le plus à gauche des hommes de droite ».

Hypothèse évidemment rejetée par le président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand, qui soutient la nomination d’un Premier ministre — pourquoi pas lui, farouche opposant au RN et très fier de sa « fibre sociale » ? — issu des Républicains mais capable de constituer un « gouvernement de rassemblement afin de mettre un coup d’arrêt à LFI ».

Demain, un troisième tour dans la rue ?

Du coup, convaincu que Macron et ses acolytes « manœuvrent pour faire barrage à l’application du programme du Nouveau Front populaire » et « veulent nous voler la victoire », l’Insoumis Adrien Quatennens, fidèle à son conducator et furieux s’être vu refuser l’investiture par ses camarades sous prétexte de violences conjugales, prône l’organisation d’une « énorme marche convergeant vers Matignon », et tant pis pour la casse !

À laquelle, n’en doutons pas, participerait joyeusement aux côtés des gamins des cités le blackbloker Raphaël Arnault, patron de la Jeune Garde antifasciste qui, avec une kyrielle de mises en examen pour violences en réunion, mériterait plus que d’autres de figurer dans la « galerie des affreux » flétrie par Télérama mais, nonobstant, investi candidat dans le Vaucluse par Mélenchon en personne, a été élu député grâce aux banlieues ethniques d’Avignon contre la députée sortante RN Catherine Jaouen.

Le saut dans l’inconnu, on y est bien. Mais les « fâchos » tant redoutés n’y sont strictement pour rien. Une fois les circonscriptions gagnées (ou spoliées), les grands démocrates et grands donneurs de leçons de l’arc républicain savent très bien créer le bordel tout seuls.

Camille Galic

(2 commentaires)

  1. Je partage tout à fait cette analyse. Le bordel dans la rue, et pas seulement. La CGT s’agite beaucoup et multiplie les mots d’ordre de grève, à la SNCF notamment où le syndicat SUD-Rail, puissant chez les jeunes cheminots et encore plus radical, est très proche de La France Insoumise. De beaux jours nous attendent, merci Macron ! On avait eu le « fou chantant » avec Trénet, on a maintenant le fou président. Pire que Biden, en quelque sorte.

  2. Le NFP a fait un peu plus de sept millions de voix avec les divers gauches au second tour.
    Le RN, les LR ciotisttes , les LR canal wauquier, les divers droite ? Douze millions cinq cent mille.
    Sans compter le parti horizon et le Modem , qui ne sont classés à gauche.
    Cette dernière se fout de nous en disant qu’ils ont la majorité, ils ont 190 sièges, l’ensemble des droites 210 sièges.
    Vous avez entendu cela sur les chaînes de TV ?
    Ces dernières sont totalement contrôlées par la gauche et l’extrême gauche et cela a faussé le résultat d’ailleurs.
    On nage en plein délire gauchiste!

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