Dimanche s’est tenu dans ce Land de 2,5 millions d’habitants qui entoure Berlin, et qui s’étend jusqu’à la frontière polonaise, des élections pour renouveler le parlement local et la formation d’un exécutif, avec à sa tête un ministre-Président. Depuis la réunification en 1990 et l’organisation d’élections libres, le SPD, la gauche sociale-démocrate allemande, a toujours gouverné cette région. L’actuel patron du Land, Dietmar Woldke, en tient les rênes depuis 11 ans, il y est très populaire. Devant la montée de l’AFD et l’impopularité croissante d’Olaf Scholz le Chancelier, Woldke a refusé que ce dernier vienne l’appuyer pendant la campagne électorale. Pourtant le Brandebourg est la circonscription électorale de Scholz à Potsdam au Bundestag, où il a aussi sa résidence. Pour dramatiser le scrutin, Woldke avait déclaré qu’il démissionnerait si son parti, le SPD, arrivait en seconde position derrière l’AFD, selon une tactique éprouvée et bien connue.
Le parlement du Brandebourg compte 88 députés. Le 1er septembre 2019, lors du dernier scrutin, le SPD l’avait emporté avec 26, 18% et 25 élus, mais avait perdu plus de 5 points et 5 députés. L’AFD le talonnait avec 23,51% soit 11,4% de plus et 23 députés, 12 de plus. Loin derrière, la CDU avait eu 15 élus, les verts 10, et Linke le parti d’extrême gauche 10. Le SPD avait alors formé une majorité avec la CDU et les verts. C’est ce qui nous tiendra de baromètre pour savoir qui a perdu et qui a gagné aujourd’hui.
Les enjeux de ce scrutin étaient multiples, la maîtrise de l’immigration débordante, la sécurité publique, la fin de la guerre en Ukraine, très prégnante ici avec la proximité de la Pologne, et aussi des enjeux locaux, le gouvernement de Berlin ayant unilatéralement programmé la fin des immenses mines à charbon à ciel ouvert pour 2038, pour mettre fin aux centrales qui utilisent ce combustible. L’AFD a promis de lutter contre les réglementations environnementales trop contraignantes, et d’empêcher notamment la fermeture de la mine de Spremberg, un véritable symbole économique de cette région. A noter que le Brandebourg accueille de très nombreux réfugiés dont des ukrainiens en masse.
Ce scrutin se tenait après ceux de début septembre qui avaient vu la victoire de l’AFD en Thuringe et une forte montée de l’AFD en Saxe, talonnant la CDU qui avait perdu du terrain. Ici dans le Brandebourg les données étaient différentes comme je viens de le souligner, cette région a toujours été gouvernée à gauche et son Président y est très investi.
Finalement, il semble que la dramatisation du scrutin voulu par le SPD, lui permet de justesse, de se maintenir en tête, suivi de très très près par l’AFD, qui progresse encore, malgré toutes les avanies qu’elle subit et les attaques qu’elle doit affronter.
Avec une participation en très forte hausse de plus de 11% par rapport au précédent scrutin, le SPD arrive in extrémis 1er avec 30,89% et 32 députés. Mais l’AFD qui n’a nullement pâti de la dramaturgie imposée par le SPD, obtient 29,33% des suffrages et 30 élus soit 7 de plus qu’en 2019. A noté le très bon score du nouveau parti de gauche, foncièrement opposé à toute aide à l’Ukraine, le BSW qui fait son entrée au parlement avec 13,48% et 14 députés, il a sans doute à la marge, pris des voix à l’AFD. La CDU perd encore du terrain avec 12,10% et 12 élus, les Verts qui cogouvernaient avec le SPD disparaissent avec 4,13% et perdent leurs 10 représentants, car ne dépassant pas la barre des 5% pour avoir des élus, tout comme Linke.
L’AFD continue donc sa progression après les excellents résultats de Saxe et surtout de Thuringe. Pourtant, les chausse-trappes, les avanies se sont multipliées contre elle. Elle est accusée de tous les maux, de résurgence du nazisme, de racisme endémique. Toute la classe politique allemande la voue aux gémonies. Malgré tout, les allemands sont de plus en plus nombreux à lui apporter leurs suffrages. Il faut dire que la crise économique, la montée des périls : immigration, violences ne peuvent que les inciter à le faire. Certes, cette très courte victoire du SPD va donner à Scholz un peu d’air. Mais pour combien de temps ? Ce sera tout l’enjeu des prochaines semaines et des prochains mois.
Michel Festivi
En Allemagne aussi, le soleil se lève à l’Est.