La soixantaine assumée, le regard fureteur, ce piéton de Paris photographie systématiquement tout ce qui cloche dans la ville d’Anne Hidalgo et de ses sbires. Pas un trottoir déglingué ne lui échappe, pas une fontaine en arrêt de fonctionnement, pas un tronc d’arbre arraché sur ordre de la Mairie — comme ce fut le cas à Montmartre avec la glycine centenaire qui parait le restaurant Chez Plumeau —, pas une église ne résistent à son objectif.
Il est devenu la terreur des socialistes, mais aussi celle d’Emmanuel Macron et de Rachida Dati depuis qu’il a lancé une pétition pour s’opposer au changement, par des vitraux contemporains, de ceux de Viollet- le-Duc qui avaient miraculeusement survécu à l’incendie de Notre-Dame de Paris. Il ose même récidiver en s’opposant vigoureusement à la volonté présidentielle de faire prendre la route de Londres à la très fragile Tapisserie de Bayeux. Son nom ? Didier Rykner, fondateur de La Tribune de l’art, une lettre qui affiche plus de 10.000 abonnés sur Internet.
Caillou dans la chaussure d’Anne Hidalgo, empêcheur de danser en rond pour le Système, cet ingénieur de formation dispose d’un réseau de conservateurs de musées à travers le monde et d’associations au chevet du patrimoine. Il remet le couvert, en ayant publié, voici quelques mois Mauvais genre au Musée (1), une charge contre le wokisme que l’auteur définit comme « une négation de l’histoire, la volonté de faire table rase d’un passé pourtant révolu et qui ne menace aujourd’hui plus personne ».
Le pernicieux mélange de l’inculture et de l’idéologie
Il dresse l’implacable portrait du mariage de l’inculture et de l’idéologie qui veille au grain tant en France qu’aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas. Il rappelle que la fondatrice du Musée de la Femme au Danemark, une certaine Jette Sandahl, présidente jusqu’en 2022 de Conseil international des musées, un machin rattaché à l’UNESCO, a souhaité donner une nouvelle définition des musées comme « des lieux de démocratisation, inclusifs et polyphoniques, participatifs et transparents ». Cerise sur le gâteau, ils doivent contribuer à la « dignité humaine et à la justice sociale, à l’égalité mondiale et au bien-être planétaire ». Attachée depuis des années à la défense des migrants, cette militante est surtout attachée à éradiquer tout ce qui, de près ou de loin, rappelle la colonisation européenne en oubliant, bien sûr, la traite esclavagiste savamment organisée par le monde arabo-musulman depuis des millénaires.
Dès lors, pourquoi s’étonner qu’au Whitney Museum of Art de NewYork, une artiste noire, Hannah Black, ait obtenu le décrochage d’un tableau représentant Emmet Till, un adolescent noir sauvagement assassiné en 1955 par des Blancs ? La cause de cette suppression : bien que totalement favorable aux mélanodermes, e tableau était l’œuvre d’une artiste blanche, Dana Schutz. Disparition du tableau donc au motif que « l’art contemporain est une institution fondamentalement suprémaciste blanche ». Fermez le ban !
Toujours dans le même registre la conservatrice blanche du département de l’art africain du musée de Brooklyn a été remerciée et remplacée par une consœur noire, dans le cadre du mouvement Decolonize Brooklyn Museum.
Paris, comme le rappelle Rykner, n’est pas en reste avec l’histoire totalement surréaliste de l’enseigne publicitaire Au Nègre joyeux qui figurait sur une épicerie de la Contrescarpe. Elle représente un Antillais habillé en gentilhomme et servi par une domestique blanche. Les ligues de vertu municipales entonnent le péan du racisme et dur et obtiennent, malgré plusieurs avis contraires, le dépôt de l’enseigne qui rejoint le musée Carnavalet. Dont les conservateurs persistent et signent en éditant un cartel précisant que cet objet est « raciste ». Qu’en aurait dit Aimé Césaire qui utilisait à l’envi le mot « nègre » ? Cette déconstruction de l’histoire de l’art se poursuit également sur les ondes de Radio-France, dont les collaborateurs sont payés avec nos impôts.
Que dire, en effet, d’une émission de France-Culture dans laquelle un spécialiste de l’Antiquité prétend que l’effacement de la polychromie des statues grecques découverte par des archéologues au XIXe siècle « est un rejet de l’Autre que l’on voit apparaître dans les textes de Pline l’Ancien jusqu’aux pires excès de la seconde guerre mondiale » ? Rien que ça !
Où sont les femmes ?
Ne reculant devant aucun ridicule et voulant à toute force que les musées croulent maintenant sous le poids de tableaux peints par des femmes ou de statues réalisées par des femmes, de nombreux responsables de ces institutions achètent à tout-va des œuvres réalisées par des femmes, sous prétexte que ces dernières auraient été « invisibilisées » (quel vilain néologisme !) dans l’histoire de l’art. Et le fobdateur de La Tribune de l’Art de citer le cas du National Museum of Women in the Arts de Washington créé en 1987, « premier musée seulement dédié aux femmes » et qui détient plus de 5.500 œuvres exclusivement féminines. Lors de la visite de ce musée, notre auteur sera d’ailleurs profondément déçu, reconnaissant que « cette manière de vouloir exposer à tout prix des œuvres de femmes est finalement un très mauvais service à leur rendre ». Mais les prix s’envolent…. Il cite l’exemple d’une gouache signée Catherine Angelina Pierozzi acheté 7000 € à Drouot et revendue la bagatelle de 700.000 € au musée américain.
Pourquoi, en effet, séparer les peintres femelles des peintres mâles ? Je n’imagine absolument pas que l’on puisse, à Grasse par exemple, mettre à part les toiles de Marguerite Gérard, indissociable à mon avis, de son beau-frère Fragonard. Leurs œuvres respectives se complètent à merveille, le tableau de l’une expliquant l’œuvre de l’autre et Marguerite Gérard réalisant des toiles éminemment audacieuses après la chute du Directoire alors que le nouveau pouvoir voulait imposer un nouvel ordre moral. N’oublions pas, à ce propos, la phrase d’Elisabeth Vigée-Le Brun, la portraitiste favorite de Marie-Antoinette, au sujet de la place des femmes dans la société de l’ancien régime : « Les femmes régnaient alors, la Révolution les a détrônées. »
Une phrase que l’on n’a pas vue sur les murs du musée des Beaux-Arts de Lille qui organisait récemment une exposition sur le thème « Où sont les femmes ? » qui selon les termes choisis par le musée « s’inscrit dans une démarche plus globale de saisir de la problématique générale de leur invisibilisation dans les arts ». Bonjour le charabia. Remarquons qu’ils ne pipent mot de Berthe Morisot, qui, à son époque, fut plus exposée que son contemporain Gustave Caillebotte.
De Behanzin à la tapisserie de Bayeux
Notre défenseur du patrimoine ne manque pas de croquer un portrait savoureux de Bénédicte Savoy, « l’égérie des restitutions », auteur, avec le Sénégalais musulman Felwine Sarr, proche des « Indigènes de la République » et indéfectible soutien de Tariq Ramadan, d’un rapport sur la restitution d’œuvres d’art à l’Afrique. Une restitution qui ne s’est faite que grâce à Emmanuel Macron qui a joyeusement piétiné le principe d’inaliénabilité des collections publiques qui existe depuis le XVIe siècle et a comblé les vœux de son ami le banquier Lionel Zinsou avec lequel il a travaillé chez Rothschild.
Grâce à ce rapport, le Bénin a obtenu la restitution des trésors de la ville royale d’Abomey — royaume du Dahomey à l’époque — prise par le général Dodds le 17 novembre 1892 alors que Béhanzin, son roi esclavagiste musulman mettait le feu à son propre palais avant se tirer les flutes. Les troupes françaises éteignaient l’incendie et emportaient les œuvres qui avaient échappé aux flammes et devaient être abritées au Louvre avant qu’elles ne prennent le chemin, plus de cent plus tard, du musée du Quai Branly.
Ce trésor est maintenant à la fondation Zinsou, dirigée de main de maître par Marie-Cécile Zinsou, fille de Lionel, qui se définit comme une « amazone de l’art contemporain ».
Ethnomasochisme, détestation des collections, culture de l’ingratitude, tout se mêle dans cette volonté de brader notre passé. Comme cela s’est passé lorsque Edouard Philippe, alors Premier ministre d’un certain Emmanuel Macron, a restitué au Sénégal un sabre de fabrication française, et non africaine, ou que Macron a demandé de donner à Madagascar la prétendue couronne qu’aurait porté la reine Ranavalona III. Il s’agissait, en réalité, « d’un simple élément d’ornementation en zinc qui surmontait le dais de la cérémonie au cours de laquelle la Reine avait déclaré la guerre à la France ».
Dans un article paru dans Le Monde du 28 septembre 2024, des partisans de la déconstruction culturelle proposent que les « musées deviennent des espaces de partage et de coopération internationale. Une gouvernance partagée permettrait de sanctuariser les collections, en reconnaissant leur importance culturelle pour les pays d’origine tout en les inscrivant dans un réseau mondial. »
On peut donc s’attendre au pire surtout, quand on sait que la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne sont encore plus démagogues que nous. Du côté français, l’on apprend qu’un projet de loi-cadre facilitant le retour dans leur pays d’origine des biens culturels « pillés » pendant la colonisation a été présenté au Conseil des ministres le 31 juillet dernier. Une dérogation au principe d’inaliénabilité parfaitement assumée, donc, par Rachida Dati et son ministère qui précise que les œuvres à restituer sont celles acquises « dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d’une personne qui ne pouvait en disposer ».
In fine, un seul décret du désastreux Conseil d’Etat pourra satisfaire les appétits de ceux qui veulent leur part du gâteau.
Enfin n’oublions pas la dernière facétie d’Emmanuel Macron qui, lors de sa récente visite à Londres en grande pompe, s’est engagé auprès du roi Charles III- contre l’avis des tous les experts- à faire prendre la poudre d’escampette à la tapisserie-broderie de Bayeux qui retrace la bataille d’Hastings et la conquête de l’Angleterre par le duc de Normandie Guillaume le Conquérant qui sera couronné roi d’Angleterre le 25 décembre 1066. Traversera-t-elle la Manche sans dommage ? Reviendra-t-elle intacte en 2027 à Bayeux afin de célébrer le millénaire de la naissance de Guillaume le Conquérant ? Autant de questions que refuse de se poser l’enfant capricieux qui dirige notre pays. Il est tout content d’avoir fait un pied de nez aux experts du patrimoine en prenant le contre-pied de ce qu’ils pouvaient dire. Il s’en est même vanté à Londres, tout content de son mauvais coup.
Demandons simplement à Didier Rykner, ce « flic du patrimoine » comme le surnomme affectueusement la journaliste Violaine de Monclos, de poursuivre son inlassable travail de défenseur du patrimoine qui est la base de notre civilisation helléno-chrétienne et de notre passé de conquête lorsque nous avions libéré-notamment en Afrique- de nombreux territoires de l’établissement par le djihad d’un empire islamique qui est en train de renaître dans de nombreux pays du continent noir.
Françoise MONESTIER
- Mauvais genre au musée, Éditions Les Belles Lettres. 274 PAGES 21, 50 € MARS 2025
