La famille Millon appartient à la bonne bourgeoisie de la fin du XIXe siècle, elle achète en 1865 une charge d’anoblissement et obtient l’autorisation d’ajouter à son patronyme le nom du château familial Montherlant. La famille s’étant installée à Paris, Henry naît en 1895 et passera toute son enfance et le début de sa jeunesse dans les propriétés familiales. A Paris, rue Lauriston puis dans un hôtel particulier de Neuilly jusqu’en 1925, il est scolarisé au lycée Jeanson-de -Sailly, puis, dans des institutions privées, l’école Saint Pierre et le collège catholique de Sainte Croix de Neuilly.
Cette période va être marquée pour le jeune Henry Millon de Montherlant par trois révélations : la lecture en 1903 du roman « Quo Vadis » de l’écrivain polonais Sienkiewicz qui obtiendra deux ans plus tard le prix Nobel, provoque chez Montherlant une passion pour la littérature et le monde romain. Il apprécie surtout la vitalité païenne et la force d’évocation du romanesque. Il commence dès lors à écrire des récits dont l’action se déroule dans l’antiquité romaine. En 1909 à Bayonne où il est en vacances, il assiste à une corrida dont il sort émerveillé et imbu de passion tauromachique dont il dira : « elle fut avec le plaisir du sexe la plus violente passion de ma vie » ; c’est pourquoi, plus tard et sans en informer sa famille, il ira en Espagne pour se faire initier à la pratique tauromachique en affrontant, en privé, de jeunes taurillons, et il sera d’ailleurs légèrement blessé d’un coup de corne.
La troisième révélation est celle d’une ambiance affective intense dans les « amitiés particulières » qu’il pratique et qui lui vaudront son renvoi du collège, mais, pour lui, c’est là l’expérience amoureuse la plus authentique.
De 1914 à 1917, Montherlant connaît une douloureuse solitude : études de droit sans conviction ni succès, sa mère essaie de le pousser dans la vie mondaine dont il a horreur, il pratique le dessin d’art et, surtout découvre et apprécie l’intérêt du sport. Ses parents meurent, le père en 1914 et la mère l’année suivante et c’est dans cette époque de tristesse qu’il entame sa création littéraire : une pièce de théâtre « L’Exil » et un recueil d’essais « La relève du matin » puis dans un roman publié en 1926 où s’exprime intensément sa passion de la tauromachie : « Les Bestiaires » .
Dans ce roman Montherlant met en scène un personnage qu’il a déjà fait figurer dans des récits précédent, Alban de Bricoule, qui ne manque pas de lui ressembler, Alban est amoureux d’une jeune fille, Soledad, qui le pousse à risquer sa vie en combattant un taureau et, pendant le combat, il oublie totalement Soledad.
En vrai passionné de tauromachie Montherlant exprime dans cette œuvre son expérience de l’arène et dépeint la tauromachie mais pas du tout comme une lutte sanguinaire mais comme une joute magique, l’arène devient ainsi une sorte d’église dans laquelle l’homme va sacrifier le mauvais ange.
On mesure ainsi très bien, à propos de cette thématique, combien l’art de Montherlant vise toujours à s’affranchir du réel.
L.Baladier