L’attaque terroriste du Hamas aura quelque peu écarté l’Ukraine du premier plan médiatique (au grand dam de Zelenski) et, a fortiori, l’invasion du Haut Karabakh par l’état Azéri agresseur manifeste, toutes choses égales par ailleurs, comme le Hamas dans le sud d’Israël.
Et la facilité journalistique nous parle de guerre de civilisation, puisque l’Azerbaïdjan est un pays musulman turcophone.
Las ! Ce que l’on sait moins c’est que, hormis la Turquie, le meilleur allié de Bakou… c’est Israël !
Le 19 septembre lors de l’offensive-éclair qui a permis à l’Azerbaïdjan de prendre le contrôle de la région du Haut-Karabakh à majorité arménienne, Hikmet Hajiyev, le conseiller principal du président azerbaïdjanais Ilham Aliyev, s’est félicité publiquement le 20 septembre du «soutien stratégique» apporté à son pays par Israël. Pourtant l’histoire des deux peuples juifs et arménien est marquée par l’horreur génocidaire et cela devrait créer quelque solidarité, le génocide arménien (1915/1923) ayant précédé de 20 ans celui des juifs d’Europe.
Alliance stratégique, Bakou Tel-Aviv.
Il n’y a rien dans cette alliance qui soit de nature culturelle ou religieuse, d’ailleurs les Azéris sont Chiites tandis que leur premier allié les Turcs sont sunnites, mais Israël a choisi Bakou et le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant avait fait le voyage à Bakou.
En réalité les liens remontent à 1991, la chute de l’URSS en est la cause, Israël a reconnu l’indépendance de l’état Azerbaïdjanais en ouvrant une ambassade à Bakou, tandis que les Azéris ont attendu cette année avant d’ouvrir une ambassade à Tel-Aviv et surtout ils étaient de la négociation en 2020 des accords dits d’Abraham : Bahreïn, EAU, Maroc, Soudan et, en cours, l’Arabie saoudite, pour cette dernière l’action terroriste du Hamas pourrait s’interpréter comme une volonté d’interrompre le processus de «paix». Et les ennemis de nos amis étant nos ennemis, l’Azerbaïdjan considère, comme Israël, que le danger principal vient de l’Iran, qui a une frontière avec l’Azerbaïdjan (600 kms), Bakou et Téhéran se faisant face le long de la mer caspienne à un peu plus de 500 Kms, à vol d’oiseau, tandis que l’Iran connaît un fort irrédentisme d’une minorité Azérie sur son territoire.
Israël dixième exportateur d’armes
Bakou a renforcé son arsenal militaire grâce à Israël depuis une quinzaine d’année. Le quotidien israélien «Haaretz» dressait une très longue liste: drones de reconnaissance, drones kamikazes Harop, missiles antichars Spike, canons automoteurs ATMOS, mortiers de 120 millimètres, missiles antiaériens Barak, navires de patrouille de la marine, supports de canon Typhoon, missiles guidés antichars Lahat, systèmes radar avancés, équipements de communication de dernière génération… Le tout payé en espèce et en nature… le pétrole qui passe par l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan. (non loin de la méditerranée, Ceyhan est situé dans le sud de la Turquie). Avec 19,5 Mds USD, les hydrocarbures (brutes et transformées) ont ainsi représenté 88% de la valeur totale des exportations du pays en 2021.
L’opinion israélienne s’interroge
L’opinion publique a commencé à exprimer son mécontentement après les dernières offensives contre le Haut-Karabakh. Le quotidien « Haaretz » dénonçait ainsi les ventes d’armes à Bakou dans un éditorial titré «Un nettoyage ethnique avec nos armes». Mi-août, dans « Times of Israël », Avidan Freedman, l’un des fondateurs de l’organisation Yanshoof qui milite pour l’arrêt des ventes d’armes israéliennes à des nations violant les droits de l’homme, soulignait pour sa part : «La nécessité de forger des liens avec l’Azerbaïdjan n’autorise pas Israël à ignorer les souffrances des Arméniens du Haut-Karabakh.»( source : LOBS !)
Au niveau de l’état, en revanche , c’est le silence glacé de la realpolitik.
Olivier Pichon