Le milieu de la BD fut très colonisé par « l’esprit de mai 68 », style « Charlie ». Le bibliothécaire marseillais Jean-Claude Faur, avec sa revue « Bédésup », était plutôt isolé dans sa riposte. Il nous a hélas quitté en 1996, mais c’est pour lui rendre hommage que nous avons ouvert cette rubrique « Bédésup », qui traite de l’actualité bédéphilique.
Du nouveau sur les origines de Tintin ?
Depuis plusieurs dizaines d’années, avec le développement de la tintinophilie (pour ne pas dire tintinofolie !), un débat existe sur l’origine du personnage de Tintin. Certains tintinophiles estiment qu’Hergé a puisé son inspiration chez Léon Degrelle, alors jeune reporter au quotidien catholique bruxellois, Le XXe siècle. Hergé partageait en effet son bureau, et les deux jeunes gens étaient très liés. « Pas du tout ! », ripostent, furieux, d’autres spécialistes, qui pensent que c’est le frère d’Hergé qui a servi de modèle pour son Tintin.
Mais il y a bien d’autres pistes : on sait qu’Hergé, quand il était enfant, lisait les albums de Benjamin Rabier. Or il se trouve que ce dernier avait créé un personnage appelé Tintin-Lutin. De là à penser qu’Hergé lui a volé ce nom de Tintin, il n’y a qu’un pas, allégrement franchi par certains. Mais il existe aussi la piste d’un dénommé Robert Sexé, qui s’était rendu à moto en URSS peu avant qu’Hergé ne dessine Tintin au pays des soviets. Or Sexé était passé dans les bureaux du XXe siècle. Il avait rencontré le célèbre abbé Norbert Wallez, qui le dirigeait, et le journal avait publié quelques-unes de ses photos…qui ressemblent pas mal à certains des dessins de l’album mythique. Cette piste-là semble assez sérieuse.
Que disait Hergé lui-même quand on l’interrogeait à ce propos ? Il évoquait son frère ou Degrelle, mais surtout il disait « Tintin c’est moi », à la façon dont Flaubert affirmant, parait-il : « Madame Bovary c’est moi ». Tintin était sans doute son moi idéalisé (et dans ce cas le capitaine Haddock était son moi caricaturé).
Résumons-nous : Tintin pourrait donc être Degrelle, le frère d’Hergé, le Tintin-Lutin de Benjamin Rabier, le reporter Robert Sexé, ou Hergé lui-même. Pourquoi pas les cinq à la fois quand on sait qu’Hergé était une « éponge » qui trouvait son inspiration un peu partout, dans son environnement familial, scolaire ou professionnel, ou encore dans ses lectures ?
Voici donc à présent le dénommé Augustin Tintin
Mais voici que surgit une sixième hypothèse. Est-ce que ce sera la bonne ? Un fidèle lecteur de notre rubrique « Bédésup » nous fait en effet part de sa récente et importante découverte. Fernand Nathan a publié, il y a une centaine d’années, des Contes hurluberlus signés de Jean Montaigne et illustrés par un dénommé Maitrejean. L’un de ces contes, titré « Trictaptric-Taptrictap », nous raconte les aventures d’un très jeune homme, un adolescent, même, nommé Augustin Tintin. « Oh mon Tintin, se félicitait sa mère, il a aussi bonne tête que bon cœur ».
Vous me direz que ce n’est pas suffisant pour garantir que c’est ce Tintin-là qui a inspiré Hergé. Mais ces Contes hurluberlus sont parus en 1929, qui est précisément l’année de création de Tintin. Un pur hasard ? Pas certain. Toutefois dans ce conte, Tintin devient officier d’artillerie et pas reporter. Il finit même par se marier, et pas avec la Castafiore. Cette piste, certes intéressante, aura donc elle aussi ses détracteurs !
Agathon