Pétain

La « chine » nationaliste

Dans ses « pages littéraires » de fin de semaine, le quotidien Présent (1982-2022) offrait une chronique régulière qui s’intitula « la chine nationaliste », puis « le chineur français » après une interruption de quelques années. Cette chronique s’adressait et s’adresse toujours, désormais sur le site du Nouveau Présent, aux collectionneurs, aux « chineurs » du dimanche.

Effacez Pétain, effacez Verdun !

En janvier dernier je vous parlais de cette mise aux enchères, à Nice, d’un manuscrit attribué au maréchal Pétain, qui devait être vendu début mars. La vente n’a pas eu lieu, une fois de plus.

Ce n’est certes pas la première fois que la vente est repoussée ou annulée. Il s’agit pourtant d’un document exceptionnel. Pensez : 351 pages de la main du maréchal Pétain, 47 chapitres. Plus précieux encore : 77 dessins, également de la main du maréchal. On pouvait donc penser que cette vente resterait dans les annales. Au départ le manuscrit était d’ailleurs estimé à 400 000 euros.

Mais les adeptes du politiquement correct ne l’entendaient pas de cette oreille. Plutôt que de manifester bruyamment devant les portes de la salle des ventes ou de tenter de perturber la vente, comme on le vit parfois, dans le passé, à propos de ventes d’affiches et de souvenirs sur Vichy, il semble que les « antifas » aient changé leur stratégie. Pour le manuscrit du maréchal Pétain, il a d’abord fallu des années de bataille judiciaire pour obtenir enfin une décision de la cour de Cassation (en 2023) faisant définitivement litière des rumeurs selon lesquelles le manuscrit n’était pas de la main du maréchal.

Le manuscrit a bien Philippe Pétain pour auteur, seul et unique auteur. Il a apparemment été rédigé en 1019 et en 1920, à Chantilly. C’est bien Philippe Pétain qui a reconstitué, par le dessin, les principales batailles, et légendé ces dessins.

L’ouvrage se présente comme une sorte de journal de la guerre de 14-18, qui commence par un exposé des causes de la guerre, pour se terminer par la fête de la victoire. Le maréchal ne raconte pas ses états d’âme ; il ne prétend pas prendre du recul par rapport à la guerre, en tirer des leçons, distribuer les bons ou les mauvais points. Il se contente de raconter, d’expliquer les faits. C’est pourquoi il est possible de parler d’une sorte de « journal de guerre », rédigé, donc, a posteriori, mais s’appuyant sans doute aussi sur ses propres notes, prises au fil des mois et des années de guerre, et sur les nombreuses publications parues pendant la guerre et dans l’immédiat après-guerre.

Un document historique écrit par une figure emblématique de la France

L’ «  inventeur » du manuscrit, l’historien militaire Jean-Jacques Dumur, dans un entretien pour Radio Courtoisie daté de 2016 considèrait que ce texte était tout simplement « un document historique (…) écrit par un maréchal de France, alors présenté comme une figure emblématique de la France. Adulé des poilus, dont il a su épargner le sang, Philippe Pétain a été utilisé par le pouvoir pour promouvoir le rayonnement de notre pays en France comme à l’étranger ».

Ce texte a en fait été édité à deux reprises au moins : d’abord sur le titre Histoire de la guerre 1914-1918, mais sous forme de « feuilleton », dans une revue parue vraisemblablement en 1920 ou 1921. Ce feuilleton a été rassemblé en un livre, que je possède, mais il est possible que cet ouvrage, n’ait eu qu’un tirage confidentiel, voire qu’il n’ait pas été mis dans le commerce, mais uniquement adressé aux abonnés de la revue, par exemple. Faute d’avoir eu accès au manuscrit, je ne peux garantir que mon exemplaire a repris à l’identique le texte du manuscrit du maréchal Pétain.

En 2014, le texte du manuscrit a été publié, cette fois très officiellement, sous le titre La Guerre mondiale 1914-1918, chez l’éditeur Privat, à Toulouse. Cette édition a été réalisée à l’initiative de Jean-Jacques Dumur, avec une préface de l’historien Marc Ferro, un grand érudit, spécialiste de l’URSS, ce qui m’avait donné l’occasion de le fréquenter à l’époque de l’Association pour la Russie Libre, dans les années 1980.

Le fiasco de la vente du 11 mars 2025

Un manuscrit du maréchal Pétain sur la guerre de 14-18, vendu au enchères plus d’un siècle après l’évènement, et plus de 70 ans après la disparition de son auteur, peut-il mobiliser contre lui les adeptes du wokisme perpétuel et de l’effacement des mémoires ? Il faut croire que oui, car la vente du 11 mars dernier a elle aussi abouti à un fiasco, avec une enchère à 80 000 euros, puis retrait de l’enchère in-extremis, tout ceci dans le plus grand désordre. Des menaces auraient été lancées… Quant aux archives nationales, sans aller toutefois jusqu’à parler d’un « texte sulfureux » ou « controversé », elles avaient d’emblée annoncé qu’elles ne voulaient en aucun cas préempter ce document pourtant extraordinairement historique. Voilà où nous en sommes avec ce manuscrit. « Ce n’est pas un manuscrit rare, c’est un manuscrit unique » s’étonne notre historien militaire, qui ne comprend pas pourquoi tout semble fait pour empêcher qu’il puisse être vendu.

Mais à quelque chose malheur est bon : à ce train-là, le document finira par être bradé…et peut-être par être acquis par des inconditionnels du héros de Verdun, toujours très nombreux dans la France de 2025, en particulier chez les passionnés d’histoire de France. Peut-être pourra-t-on feuilleter un jour le manuscrit, à l’Institut Emmanuel Ratier, par exemple, ou dans l’un de ces petits musées semi-clandestins qui conservent pieusement la mémoire de Philippe Pétain, sur l’île d’Yeu ou du côté de Couchy-à-La-Tour.

Francis Bergeron

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