Iran

Iran-Israël : qu’irions-nous faire dans cette galère ?

Pour une fois bien inspiré, Emmanuel Macron avait plaidé la prudence au sommet du G7 tenu au Canada après que, dans un nouveau retournement, Donald Trump eut annoncé son soutien « indéfectible » à l’Israël et exigé la « reddition sans conditions » de l’Iran en même temps qu’il évoquait l’élimination physique de l’ayatollah Khamenei, l’octogénaire chef de l’État iranien, qu’il n’a toutefois « pas l’intention de tuer, en tout cas pas pour le moment ». Mal en a pris au président français, son homologue états-unien lui a aussitôt redressé les bretelles. « Emmanuel ne comprend jamais rien, il se trompe toujours », a-t-il proclamé.

Course vers l’abîme

Mais Trump lui-même, dont le pays n’a rien à craindre des retombées politiques, migratoires et même nucléaires d’une intervention, comprend-il lui-même cet « Orient compliqué » que le chancelier Bismarck, pourtant pas un bleu, avouait redouter ?

A-t-il mesuré l’ampleur dans ce qu’on appelait le Tiers-Monde, et qui est maintenant le premier par sa population, de limpact de l’opération dite « préventive » Rising Lion (comme le Lion de Juda) lancée le vendredi 13 juin par l’État hébreu ? Car le gouvernement Netanyahou, non content de décapiter l’armée iranienne et de détruire nombre de sites stratégiques — au risque de ruiner des sites historiques comme Ispahan —, estime indispensable pour sa survie d’anéantir le site nucléaire de Fordo qui concentre aujourd’hui l’essentiel de la capacité iranienne d’enrichissement d’uranium. Problème : situé à 180 km au sud de Téhéran et proche de Qom, la ville sainte iranienne, Fordo protégé par des couches de granite et renforcé par une batterie antiaérienne échappe encore aux capacités militaires conventionnelles de Tel-Aviv et ne pourrait être annihilé que par les bombardiers stratégiques furtifs B-2 Spirit… que Washington vient justement de transférer sur la base plus proche des hostilités de Diego Garcia, dans l’océan Indien.

On peut admirer la Kriegspiel menée par Tsahal dans un parfait mépris de la « communauté internationale » et la capacité du Mossad à se mouvoir dans un pays hostile comme un poisson dans l’eau, au point de connaître tous les faits et gestes des chefs militaires, leur localisation, leur lieu de résidence et même la marque de leur véhicule. Une infiltration sans doute facilitée par le maintien sur place après la proclamation de la République islamique de juifs iraniens mués en fervents musulmans après avoir changé de région, et favorisée par une corruption endémique jusqu’au sommet du pouvoir — une situation que l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad, lui-même victime d’une tentative d’attentat en août 2023, dénonçait depuis lors, mais en vain. Aux dernières nouvelles, Ahmadinejad, sa femme et ses deux fils auraient été assassinés par deux hommes masqués dans le centre de Téhéran.

Mais on ne peut ignorer qu’en défendant le « droit de vivre » de ses compatriotes, Netanyahou cerné d’affaires toutes plus crapuleuses les unes que les autres défend aussi son maintien au pouvoir. Est-ce un hasard s’il a ordonné le lancement de Rising Lion au lendemain d’un vote à la Knesset qui avait failli lui être fatal minorité ? Bien entendu, cette « opération préventive »était préparée de très longue main, mais elle a resserré les rangs autour de lui — comme l’avait fait, du reste, le massacre (dont il avait été préalablement informé par la CIA et le Shin Beth israélien) perpétré le 7 octobre 2023 par le Hamas, avant que les atrocités ordonnées par lui à Gaza ne défrisent l’opinion internationale et une partie du peuple israélien. A nouveau solidaire de son Premier ministre.

Malaise au MAGA

Jusqu’où ira l’escalade en cours et où nous mènera-t-elle ?

Donald Trump devrait se souvenir que c’est surtout sa position isolationniste qui lui a valu d’être élu, et que cette vision est encore farouchement défendue au Capitole par un bonne partie des sénateurs et représentants républicains, et même dans l’armée. Membre important du Pentagone, le colonel Nathan McCormack a ainsi déploré le « culte de lamort » entretenu par Netanyahou et ses « affidés judéo-suprématistes » (ce qui lui a valu d’être aussitôt dégommé) mais nombre de ses pairs partage son analyse cependant que Tucker Carlson, tête pensante du mouvement Make America Great Again (MAGA) à l’origine de la victoire de Trump en novembre dernier s’inquiète de voir le successeur de Biden « céder aux forces bellicistes de l’Etat profond » et accuse Netanyahou de vouloir « entraîner les Etats-Unis dans la guerre ».

Giscard, mère porteuse du régime des mollahs

Quant à Emmanuel Macron, puisse-t-il garder à l’esprit que les incursions de la France dans l’« Orient compliqué » se sont soldées par des catastrophes.

En hébergeant de 1978 à début 1979 (au château de Neauphle-le-Château, s’il vous plaît !) le frénétique ayatollah Khomeiny et en favorisant sa propagande forcenée, Valéry Giscard d’Estaing fut la mère porteuse de la révolution islamique qui provoqua la chute du Shah (dont l’Amérique de Jimmy Carter voulait la peau car il essayait d’échapper à la dictature du dollar) et l’avènement d’un régime aujourd’hui honni par toutes les belles consciences et qui est en effet odieux ; ce que pouvait immédiatement discerner tout bipède doué d’un minimum de jugeotte à la simple lecture des proclamations, largement diffusées, de Khomeiny.

Et rebelote trois décennies plus tard quand Nicolas Sarkozy, qui avait somptueusement accueilli Mouammar Kadhafi en décembre 2007 à l’Élysée et lui avait permis d’installer sa tente bédouine dans le parc de Marigny, s’avisa que le colonel n’était qu’un immonde tyran et, une rébellion ayant éclaté, lança contre lui une croisade qui se solda non seulement par l’assassinat (1) le 20 octobre 2011 du chef libyen et la dislocation de son pays, livré depuis à la pire anarchie, mais aussi par le débarquement en Europe de centaines de milliers de Subsahéliens jusqu’alors retenus à la frontière sud par l’armée libyenne.

Autant de désastreux précédents qui devraient inciter à une prudence de serpent nos gouvernants, nos éditocrates et nos parlementaires, RN compris, si souvent alignés sur Sion. Car si, généralement sunnites, les communautés musulmanes présentes en nombre sur le territoire européen ne portent pas les chiites persans dans leur cœur, toute participation occidentale à l’agression contre un régime islamiste risquerait de les fédérer.

Camille GALIC

  1. Le quotidien milanais Il Corriere della Sera, très au fait de la situation en Libye, et le Daily Telegraph de Londres envisagèrent à l’époque la possibilité que l’assassinat de Kadhafi ait été commandité par Nicolas Sarkozy, voire commis par des sbires français, afin d’étouffer de potentielles révélations sur le financement de sa campagne présidentielle de 2007. Hypothèse catégoriquement démentie par Gérard Longuet, alors ministre de la Défense.

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(2 commentaires)

  1. Merci pour cet article « rafraîchissant » et qui réveille les mémoires. Mme Galic a raison de conclure qu’en dépit de l’antagonisme plus que millénaire entre sunnites et chiites, l’unité peut se reconstituer en certaines occasions, en particulier à notre détriment. Le président turc Recep Tayyip Erdogan vient ainsi de déclarer que « c’est un droit très naturel, légitime et légal pour l’Iran de se défendre contre la brutalité et le terrorisme d’État d’Israël », alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou constitue, lui, « la plus grande menace pour la sécurité de la région ».
    Un avertissement pour Trump, la Turquie étant un élément-clé de l’OTAN.

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