Mais qui veut la peau du rapprochement irano-saoudien ?

L’escalade de jeudi dernier à la frontière libano-israélienne suite au tir d’une salve de roquettes sur la Galilée – qui a provoqué une réponse symbolique de l’État hébreu dans la nuit de jeudi à vendredi – ne saurait en aucun cas être accidentelle.

Si l’on croit ce qu’on nous donne à voir, l’opération est une simple riposte à l’irruption brutale, la semaine dernière, de la police israélienne à la mosquée al-Aqsa à Jérusalem-Est, Israël ayant justifié l’action des forces de l’ordre « contraintes d’agir pour rétablir l’ordre face à des extrémistes barricadés dans la mosquée avec des pierres et des fusées de feu d’artifice ». Quoiqu’il en soit, une lecture régionale des évènements, notamment à la lumière de l’accord de réconciliation entre l’Iran et l’Arabie saoudite signé à Pékin le mois dernier, montre que ces incidents sont indissociables de ces derniers développements. En effet, au cœur d’une République islamique d’Iran fragilisée par une situation socio-économique désastreuse ainsi que par les révoltes récurrentes d’une société urbaine et d’une jeunesse qui n’en peuvent plus des exigences obscurantistes du régime des mollahs, il est clair que certains groupes ultra conservateurs au sein de l’appareil font l’impossible pour saboter le rapprochement entre Riyad et Téhéran. Selon une partie de la presse iranienne, il est très probable que la multiplication des provocations relevées ces dernières semaines en Syrie et au Liban de la part des proxys iraniens soit le reflet de dissensions au sein de l’appareil d’Etat de la République Islamique quant au rapprochement avec le royaume saoudien. Toujours selon ces médias, des responsables yéménites, syriens, iraniens et libanais auraient été discrètement arrêtés après avoir tenté de pousser à l’escalade militaire en Israël via le Hezbollah et le Hamas, et en Syrie via l’attaque d’une base US par « des éléments iraniens incontrôlés » – explication donnée Téhéran – Bref, des milices dont l’existence ne se justifie que par les slogans de la « Cause » anti israélienne et qui ne sauraient voir d’un bon œil la moindre tentative d’apaisement régional. Une seconde lecture, plus machiavélique encore, suppose que c’est l’ensemble du système iranien qui est à la manœuvre, soufflant le chaud et le froid pour maintenir ses proxys en état d’alerte et bien faire comprendre à l’ennemi israélien que le rapprochement avec Riyad ne concerne que les intérêts communs aux deux pays dans le cadre plus large des BRICS initié par Moscou et Pékin, et ne saurait être considéré comme un prélude à un quelconque Accord d’Abraham bis. Cette théorie est alimentée par la création récente d’un quartier général militaire commun incluant les Gardiens de la Révolution, le Hezbollah, le Hamas, le Jihad islamique ainsi que des groupes armés syriens proches de Téhéran, toute décision d’ordre militaire devant y être discutée avant exécution. Cette information recoupe la déclaration commune du chef du Hamas et du secrétaire général du Hezbollah vendredi dernier à Beyrouth selon laquelle «  l’axe de la résistance se tient prêt et ses composantes coopèrent pleinement dans la région », déclaration qui balaie au passage d’un revers de turban la souveraineté libanaise. Enfin, côté israélien, l’escalade sécuritaire et les préoccupations qu’elle suscite au sein de la population israélienne ne peuvent que profiter au gouvernement de Netanyahou mis à mal en interne par de nombreuses manifestations contre son projet de réforme du système judiciaire.

En somme, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes….

Sophie Akl-Chedid

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