salle de vente

« Chine nationaliste » : c’est souvent en salle de vente qu’on fait les meilleures affaires !

Il nous arrive parfois d’entendre parler de mirifiques ventes aux enchères, de tableaux ou de raretés archéologiques s’envolant à des prix astronomiques. D’autre part on sait que les achats en salle de vente donnent lieu à des taxations délirantes. Le prix d’achat au marteau est toujours à majorer de 25 à 30%, sans parler des frais de garde ou de transport.

Il n’empêche que, le plus souvent, en salle de vente, c’est l’acheteur qui fait les bonnes affaires, alors que le vendeur est déçu. Pourquoi cela ?

A mon avis la raison est la suivante : les clients des ventes aux enchères sont essentiellement des professionnels, qui achètent pour revendre. Le particulier collectionneur est minoritaire, dans la salle. Or le professionnel vise à acheter quatre fois moins cher qu’il ne revendra (sauf pour les grosses pièces) car il lui faudra absorber tous les frais fixes tels que le loyer de sa boutique, le risque d’invendu etc., et réaliser aussi une marge, bien entendu, pour se payer et payer les frais de transport, les taxes et éventuels impôts sur les bénéfices.

Alors que le particulier vendeur, lui, connaît surtout les prix de vente des objets comparables en boutique, et il imagine qu’en salle de vente il obtiendra 60 ou 80% de ce prix. En fait, sauf pour les très belles pièces cataloguées, qui attirent une clientèle nationale, voire internationale, la salle de vente est surtout intéressante pour les acheteurs.

En témoigne par exemple une récente vente de livres anciens et modernes, à Drouot, le 8 juin dernier (Pescheteau-Badin). Sur une estimation de 120/180€, il était proposé un lot n° 63 de 12 volumes, essentiellement de Robert Brasillach. Ces 12 volumes étaient tous sur grand papier et deux des ouvrages de Brasillach, le roman Le marchand d’oiseaux et la plaquette Poèmes (édition Balzac de 1944) comportaient en outre un envoi autographe signé. Or un livre de Brasillach avec envoi, en boutique, se vend (au minimum) dans une fourchette correspondant en l’occurrence à l’estimation pour le tout le lot de 12 ouvrages. N’ayant pu assister à la vente et ayant oublié de donner un ordre, j’ignore à quel prix a été vendu le cot mais, sauf surprise, l’acheteur a réalisé, en toute hypothèse une très bonne acquisition.

Fouqueray, Paul Chack, Guy Arnoux, La Varende…

Cette même vente proposait un ouvrage très exceptionnel, par sa reliure et par ses illustrations, dont une grande aquarelle originale du peintre de marine Charles Fouqueray (1859-1966). Il s’agissait d’un texte de l’historien de la Royale, Paul Chack : On se bat sur mer. Ce texte est très courant, car l’ouvrage de Paul Chack, publié pour la première fois en 1926, connut un prodigieux succès. Mais Il est impossible de trouver plus belle présentation que cette reliure, qui a transformé le livre en une véritable œuvre d’art (et qui avait sans doute coûté à celui qui l’avait fait relier une somme rondelette). Estimation de l’expert : 1500/2000 €. Certes, c’est loin d’être une somme négligeable, mais un marchand est susceptible de vendre l’aquarelle seule pour le prix qu’il aura payé lot global.

Remarquable reliure pour « On se bat sur mer », grand in-4 maroquin bleu nuit orné d’un grand décor Mosaïqué représentant un navire de combat.

De même pour le lot n°98 : l’excellent roman maritime de Claude Farrère, Thomas l’Agnelet, vendu avec une grande esquisse à l’aquarelle de l’illustrateur Guy Arnoux (1886-1951), Man d’Arc, relié sous demi-maroquin bleu avec semis de fleurs de lys dorées, et aquarelle originale de Guy Arnoux, Le Centaure de Dieu demi-maroquin à coins chocolat, avec aquarelle originale (estimation de 200/300€ pour chaque lot).

Le marchand n’hésitera pas à vendre séparément le livre et l’aquarelle, ce qui, après tout, est de bonne guerre.

Un dernier exemple ? Le lot n° 189 : Les Décombres de Lucien Rebatet. Une estimation de 80/120€, pour un exemplaire broché, mais avec envoi autographe de l’auteur, un second exemplaire étant joint, celui-là relié en demi-chagrin noir, tête dorée, couverture et dos conservés. Il y a peu de chances pour que ce soit un particulier qui ait eu envie de s’offrir deux Décombres à la fois. En revanche un libraire d’ancien trouvera forcément deux clients distincts pour acheter ces deux ouvrages, quadruplant sans doute le prix d’achat global, selon le ratio que j’exposais plus haut.

Agathon

Grande aquarelle de Charles Fouqueray

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