Saleh el-Arouri, membre fondateur des Brigades Al-Qassam, la branche armée du Hamas, et vice-président du bureau politique du Hamas, a été tué mardi 2 janvier, vers 17h45. Installé au Liban depuis plusieurs années, il est un des architectes du rapprochement entre le Hamas et le Hezbollah et de la création d’une « chambre commune des opérations » entre le Hamas, le Hezbollah, le Jihad Islamique et les Gardiens de la Révolution qui implique une coordination étroite entre les membres de « l’axe de la résistance » dans leur lutte contre Israël.
Le mouvement palestinien a confirmé la mort d’el-Arouri ainsi que celle de deux autres cadres, Samir Fandi, second d’El-Arouri et responsable des opérations du Hamas au Liban-Sud, et Azzam el-Aqraa. Une frappe de drone aurait visé l’appartement dans lequel se tenait une réunion de premier plan, tandis qu’une seconde pulvérisait simultanément le véhicule du numéro 2 du Hamas.
Saleh el-Arouri devait rencontrer mercredi le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avant son discours prévu mercredi à 18h à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Kassem Soleimani, général des Gardiens de la Révolution et grand patron des opérations extérieures, éliminé dans une attaque de drone en Irak le 3 janvier 2020. Cette opération magistrale, menée au cœur du fief du Hezbollah dans la Banlieue Sud de Beyrouth au moment où le Hezb a de plus en plus de mal à justifier son attentisme face à la guerre de Gaza devant ses militants biberonnés au Jihad islamique et à la « libération de Jérusalem », met Nasrallah dans une situation des plus délicates.
Soit il persiste dans son immobilisme et son aura de Résistant va s’effriter à grande vitesse, soit il prend le risque d’une escalade vertigineuse au Liban, la responsabilité d’un tel désastre pesant cette fois entièrement sur ses épaules, en l’absence d’un soutien chrétien de poids comme c’était le cas durant la guerre de l’été 2006 durant laquelle il a bénéficié de la couverture politique de Michel Aoun, remercié peu après avec le fauteuil présidentiel.
Vers une escalade ?
Coté israélien, comme le dit très justement Anthony Samrani dans son édito de mercredi dans l’Orient-le Jour, « soit l’État hébreu est convaincu que le Hezbollah n’est pas en mesure de répondre à cette attaque et fragilise ainsi la position de son ennemi, tant sur la scène interne que régionale. Soit il cherche au contraire à le provoquer vers une escalade qui entraînerait l’ouverture d’un second front au Liban-Sud », un scenario qui lui permettrait d’affaiblir militairement considérablement le Hezbollah et éventuellement de remettre en place une bande de sécurité entre le sud du pays et la Galilée.
Enfin, du côté des autorités libanaises, c’est la même médiocrité soumise qui préside aux réactions. Occultant le fait que le Liban est clairement sous occupation iranienne via le Hezbollah qui lance quotidiennement des attaques ciblées contre Israël depuis le 7 octobre, risquant d’entraîner un pays entier dans une guerre en dehors de toute décision institutionnelle, le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a condamné l’explosion qualifiée de « nouvel acte israélien visant à entraîner le Liban dans une nouvelle phase de confrontations après les attaques quotidiennes continues dans le sud », et demandé au ministre sortant des Affaires étrangères de déposer une plainte au Conseil de sécurité des Nations unies contre Israël, accusé « d’atteinte à la souveraineté » en raison de l’attaque sur la banlieue sud de Beyrouth, exercice pour le moins ironique lorsque l’on ne peut que constater depuis 2006 que la principale atteinte à la souveraineté du Liban vient précisément de la Banlieue Sud.
Enfin, le chef du courant des Marada, Sleiman Frangié, fort de ses deux députés et à qui Nasrallah a promis à son tour la Présidence en échange de son soutien, a estimé que « l’explosion est une violation claire de la souveraineté libanaise et une atteinte à la résolution 1701 ».
Petite anecdote amusante, le madame Soleil du Liban, Michel Hayek, venait de prédire lors de son émission annuelle du 31 décembre qu’une « opération menée par l’unité des forces spéciales 269 (renseignements militaires israéliens) se soldera par un assassinat de grande envergure au Liban », tout comme il avait annoncé la mort de Kassem Soleimani en 2020. A sa place, je ferais dorénavant très attention lors de mes déplacements…
Sophie Akl-Chedid