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La « chine » nationaliste : collectionnez les « rouge-gorges » !

Dans ses « pages littéraires » de fin de semaine, le quotidien Présent (1982-2022) offrait une chronique régulière qui s’intitulait « la chine nationaliste », pour devenir ensuite « le chineur français » après une interruption de quelques années. Cette chronique s’adressait et s’adresse toujours aux collectionneurs, aux « chineurs » du dimanche.

Le rouge-gorge est sans conteste le plus sympathique des oiseaux de nos jardins. Il est facilement identifiable, petit, gracile, et peu farouche. Mais quelle drôle d’idée de vouloir collectionner les rouges-gorges ? En fait nous ne parlons pas ici de ce petit oiseau mais d’une collection de romans policiers qui furent publiés de 1942 à 1944 sous cette appellation.

J’en connaissais l’existence, ayant fait l’acquisition, il y a quelques années, dans un improbable vide-grenier de la province profonde, de L’Affaire Dargence, un polar signé Jacques Virebeau. Or je n’ignorais pas, à la différence du vendeur, bien entendu, que Jacques Virebeau était le pseudonyme du spécialiste de la franc-maçonnerie Henry Coston. Grâce aux éditions Auda Isarn, cette Affaire Dargence a pu être rééditée dans la collection de polars du « Lys noir. » Mais j’ignorais que la collection « Rouge-gorge » des Editions Littéraires et Artistiques comportait treize autres titres, auxquels il conviendrait de rattacher une autre collection appelée « Plumes et cordes »., qui comportait quatre titres.

Pierre Gillieth, auteur d’une remarquable étude sur la collection « Rouge-gorge », parue dans la revue Réfléchir&Agir du printemps 2024, nous indique que cinq titres de la collection furent interdits en 1944.

Les couvertures de chaque livre (il s’agissait plus exactement de fascicules agrafés d’une soixantaine de pages, imprimés en très petit et très serré, faute de papier), étaient illustrées par un dessin en rapport avec l’histoire, un dessin privilégiant le noir, le jaune et le rouge. Ces couvertures ne manquaient pas de charme, elles étaient signées de Louis-Félix Claudel, médaille d’or à l’exposition des Arts décoratifs de Paris en 1925 (qui mourra en 1948 de « vrais ennuis épuratoires », nous précise Réfléchir&Agir). Pour les rééditions, l’éditeur a préféré faire appel à un graphiste contemporain, d’ailleurs talentueux. Ce sont elles aussi des réussites, et elles évitent toute confusion avec l’édition originale, donnant à cette dernière une plus grande valeur, bibliophilique une plus grande désidérabilité, mais sachant que pour lire ces ouvrages avec un bon confort de lecture, il faut prendre l’édition Auda Isarn.

Au service d’idées « non conformistes »

Gillieth nous décrit, de façon assez jubilatoire, le contenu de la plupart de ces romans plutôt orientés. Comment a-t-il pu se les procurer (à part les rééditions d’Auda Isarn) ? Cela reste un mystère tant leur rareté est grande. Qui plus est, les auteurs n’étaient pas connus, du moins à l’époque, ou travaillaient parfois sous pseudonyme. Nous avons vu que Virebeau, c’était Coston. Celui qui signe Alain Jeff Le bracelet maudit s’appelle en fait Jean Robin. C’est un critique de cinéma qui travaille au Téméraire, « le journal de la jeunesse moderne », dont la parution va de janvier 1943 à août 1944. Desax est sans doute la journaliste de La Gerbe, Françoise Desax.

Modestes par leur format et par la médiocre qualité des impressions, les plaquettes originales n’en ont pas moins une forte cote, justifiée à la fois par leur rareté et par la façon dont le roman est mis au service d’idées considérées aujourd’hui (au mieux) comme « non-conformistes ». Mais pour les lire, 80 ans plus tard, mieux vaut pour le coup acheter ceux d’entre eux qui ont été réédités par Auda Isarn, au prix de vente de 12€ chaque, ce qui est vraiment compétitifs.

Agathon

L’affaire Dargence, par Henry Coston, Le triangle qui tue, par Rudy Cantel, Ed. Auda Isarn, coll. « Le Lys noir », 12€ chaque titre

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