De quel tour de force une fois encore fait montre Mauricette Vial-Andru, bien connue de nos lecteurs pour ses courtes biographies des saints de France destinées aux enfants ! Avec un esprit toujours aussi clair et n’oubliant aucun élément essentiel, elle campe la stature de Georges Cadoudal, ce géant – dans tous les sens du terme – avec justesse et brio.
« Monsieur Georges », « Gédéon » dans sa correspondance, celui qui devint rapidement chef de la chouannerie bretonne apparaît en toutes circonstances animé d’une foi profonde, reçue au sein de sa famille, dans le village morbihannais de Kerleano, et nourrie au collège jésuite de Vannes. S’il ne reste pas insensible à certains arguments mis en avant pas les tenants de la Révolution aux tout débuts – les Bretons n’aiment pas la noblesse de cour – bien vite les attaques contre les prêtres, l’obligation pour eux d’accepter la Constitution civile du clergé et la conscription obligeant les jeunes à aller défendre un régime honni lui fait comprendre qu’il ne peut rester inactif. Luttant d’abord aux côtés des Vendéens, il est emprisonné deux fois et deux fois s’enfuit, menant à partir de ce moment une vie de proscrit. En véritable chef, il tient à une organisation poussée et sauve ses hommes lors de la débâcle de Quiberon, ce débarquement mal préparé à la tête duquel se disputent plusieurs chefs, et qui sera cause de la mort de nombreux émigrés et soldats chouans, fusillés à Auray et à Vannes en dépit de la promesse de vie sauve donnée par Hoche. Cadoudal n’est dupe ni des promesses des Républicains lors de la « trêve » de La Prévalaye, ni de celles des princes (les deux frères de Louis XVI), incapables de venir se mettre à la tête des troupes qui se battent pour eux en Bretagne ou en Vendée.
Courage et humour
Mauricette Vial-Andru, dans ces 70 pages claires et vivantes, n’omet rien : ni la colère de Cadoudal quand il apprend les circonstances de l’attentat de la rue Saint-Nicaise, organisé par certains de ses lieutenants mais qu’il n’avait aucunement ordonné, ni les tortures de Picot, son fidèle serviteur, fait prisonnier par les sbires du Premier consul lui écrasant les phalanges (sur ordre même de Bonaparte !), pour le faire parler, ni les reparties pleines d’humour de ce Breton cultivé et toujours élégant – de forte stature, rappelle l’auteur, mais aussi d’une grande souplesse. Quand il est arrêté et condamné à mort, négligeant de demander une grâce que Bonaparte lui fait miroiter – il n’est pas question pour lui de ne pas partager le sort de ceux qui l’ont suivi – il obtient de monter, le 25 juin 1804, le premier à l’échafaud, après avoir encouragé ses compagnons à prier. Dix ans plus tard jour pour jour, le 25 juin 1814, lors du service religieux à sa mémoire, le nouveau roi, Louis XVIII, ne prend pas la peine de venir…
Bien d’autres traits sont évoqués dans ce texte dense et passionnant, qui fera découvrir à ses jeunes lecteurs une figure enthousiasmante. Précisons que le portrait en couverture est véritablement celui de Georges, et non une peinture faite après coup : c’est celui qui fut brossé devant le Chouan « au col dégrafé », avant son départ vers la guillotine.
Nous conclurons par ces quelques mots de Joseph Chardronnet, prêtre breton écrivant dans son Livre d’or des saints de Bretagne, lorsqu’il évoque, à l’époque révolutionnaire, ceux qui « ont jugé pouvoir et devoir défendre leur fidélité chrétienne les armes à la main : l’Église ne leur accordera pas le titre de martyrs. Cela n’enlève rien à la qualité de leur foi, à leurs vertus ou à leurs mérites. Les Bretons ont le droit d’être fiers d’un homme de la classe de Georges Cadoudal : “l’honneur du peuple breton”, a-t-on pu écrire. »
Anne Le Pape
• Georges Cadoudal, Le Géant rebelle, Mauricette Vial-Andru, 74 pages, 11 euros, éd. Filumena, 18 rue du Commerce 66600 Rivesaltes, France, tel : 06 89 31 65 83.