Liban

Le Liban est de retour dans le Golfe Arabo-persique

Le Liban revient de loin. Moins de deux mois après l’élection à la Présidence de la République du général Joseph Aoun, le 9 janvier 2025 (« Joseph Aoun, un « miracle » que les libanais n’espéraient plus » Présent Hebdo article du 10 janvier 2025) et la nomination dans les semaines suivantes du juge Nawaf Salam à la tête du gouvernement, la nouvelle équipe dirigeante semble tenir ses promesses et la Première visite officielle du président en Arabie Saoudite, marquant le retour du Liban dans le giron arabe, a fait pousser un soupir de soulagement aux libanais.

La défaite cinglante du Hezbollah et la chute du régime Assad ont précipité la libération du Pays des Cèdres des griffes de Téhéran qui en avait fait depuis 20 ans leur terrain de guerre favori pour ancrer leur influence néfaste sur l’ensemble du Croissant fertile, avec pour conséquence la yéménisation galopante de la Suisse du Moyen Orient. Cette visite historique à Riyad a acté la sortie du Liban de l’axe iranien annoncée très clairement par Joseph Aoun la semaine dernière devant une délégation iranienne menée par le président du Parlement iranien, Mohammad-Bagher Ghalibaf venu prendre la température à Beyrouth : « Le Liban a assez souffert des guerres des autres sur son territoire et il a besoin de stabilité et de prospérité ». Puis lors de sa première entrevue en tant que chef de l’Etat vendredi dernier, durant laquelle il a souligné « la nécessité pour le Liban de s’intégrer dans le projet saoudien de la Vision 2030, son engagement envers les résolutions de la Ligue arabe et sa distanciation à l’égard de la politique des axes » avec pour objectif un redressement national sur la base d’un plan de sauvetage et de réformes élaboré par le nouveau gouvernement. En effet, après plus de dix ans d’un froid diplomatique qui a achevé de mettre à bas l’économie libanaise, Riyad a annoncé la levée prochaine de l’interdiction de voyage pour ses ressortissants à destination du Liban, ce qui signifie le retour du flux de touristes en provenance des pays du Golfe, ainsi que l’octroi d’une aide directe de trois milliards de dollars à l’armée libanaise. Les discussions ont également porté sur plusieurs mesures économiques et investissements saoudiens et arabes au Liban inscrits dans le cadre de la création par l’Arabie saoudite d’un fond d’investissement spécifique au Liban, en partenariat avec plusieurs États du Golfe, dont le Qatar et le Koweït. Le communiqué officiel publié à la suite de la rencontre du président libanais avec le prince héritier Mohammad ben Salman note que « les deux parties ont convenu de commencer à se pencher sur les obstacles à la reprise des exportations du Liban vers l’Arabie saoudite et les procédures nécessaires pour permettre aux citoyens saoudiens de se rendre au Liban », une première étape vers la réactivation de 22 accords bilatéraux gelés depuis 2017 dans les secteurs financier, économique, agricole et sécuritaire. Cette réactivation devrait se concrétiser lors la prochaine visite du Premier ministre Nawaf Salam au royaume, après le ramadan. Selon Pierre Achkar, le président de la Fédération des syndicats de tourisme et du syndicat des propriétaires d’hôtels, « plusieurs centaines de millions de dollars » de rentrées touristiques attendues dès cette année vont oxygéner le secteur touristique, sachant qu’avant les premières restrictions imposées par les pétromonarchies à partir de 2011, les recettes générées par les touristes du Golfe se chiffraient en milliards de dollars. Une fois les accords bilatéraux signés et les restrictions levées, outre le secteur touristique, c’est l’ensemble du secteur industriel et agricole qui bénéficiera de la reprise des exportations vers l’Arabie Saoudite et l’ensemble des pays du Golfe.

Enfin, s’exprimant lors du sommet arabe du Caire dès le lendemain de sa visite à Riyad, Joseph Aoun a prononcé un discours confirmant sans réserve la nouvelle dynamique arabe du Liban : « Le Liban a appris que ses intérêts existentiels résident dans son entourage arabe, sa subsistance dans le monde libre, et que son rôle dans la région est d’être une nation de dialogue (…) Lorsque Beyrouth est occupée, que Damas est détruite, qu’Amman est menacée, que Bagdad gémit ou que Sanaa tombe… personne ne peut prétendre que cela est en soutien à la Palestine (…) Le Liban a beaucoup souffert mais il a tiré des leçons de sa souffrance : ne pas être un champ de bataille pour les guerres des autres, ni une base ou un passage pour l’influence étrangère, ni un refuge pour les occupations, les tutelles ou les hégémonies. »

La prochaine étape qui actera la nouvelle donne est le désarmement total du Hezbollah qui a un délai de 60 jours pour se faire et c’est dorénavant là que les libanais attendent Joseph Aoun et Nawaf Salam. Le processus en cours des nominations administratives bloquées par la milice chiite depuis des années, notamment à la tête des Forces Armées Libanaises, augurent d’un bon présage concernant la volonté des autorités d’appliquer à la lettre les termes de l’Accord de cessez le feu du 27 novembre 2024, condition sine qua non du redressement du Liban.


Sophie Akl Chedid

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