Nous n’en avons donc pas encore fini avec la Collaboration ? Et bien non. Et il en sera ainsi tant que des évènements d’une gravité considérable n’auront pas relégué la Seconde guerre mondiale au rang de micro-événement. Mais est-il vraiment souhaitable que nous en passions par-là ? D’ailleurs à part une invasion mortifère d’extra-terrestres on ne voit pas trop ce qui pourrait bouleverser la hiérarchie du bien et du mal, corsetée désormais par des tribunaux pénaux internationaux, des notions de crime contre l’humanité, et quatre-vingts années d’écriture de l’Histoire.
Dans le camp des vaincus
On demandait à Ferdonnet, au cours de son procès, :
- Dans quel camp vous situez-vous ?
Il répondit :
- Je suis dans le camp des vaincus, Monsieur le Commissaire du Gouvernement
Tout est dit. Le vae victis sera toujours la règle. Et le « malheur aux vaincus » ne se limite pas au sort fait aux perdants des guerres et des causes, mais aussi aux idéaux que défendaient ces perdants.
Qui plus est, la défaite dans des conflits d’une telle importance (cinquante à quatre-vingt-dix millions de morts, nous rappelle Philippe Randa dans sa pertinente préface), démontre que la cause n’était pas la bonne, et si elle était bonne, que ceux qui ont été les décideurs, du côté des perdants, ont été mauvais puisqu’ils ont perdu. Evidemment tout cela, on ne le sait qu’après, une fois la guerre finie.
S’intéresser à Ferdonnet et à Hérold-Paquis, c’est en principe s’intéresser à des traitres, des hommes qui ont mis leur voix au service d’un ennemi qui voulait nuire à la France. C’est entendu.
La bandera Jeanne d’Arc
Mais de ces deux hommes, rien ne doit-il rester de positif ? Hérold-Paquis, son talent oratoire exceptionnel, il faut l’oublier ? Il faut même le nier ? Ou le porter à charge supplémentaire ? Paul Ferdonnet : son engagement dans l’Espagne de 1937, au sein de la Bandera Jeanne d’Arc pour combattre les terroristes staliniens, ça ne compte pour rien ? Ne peut-on pas lui reconnaitre au moins un courage physique ? Et pour une cause qui était bonne, en l’occurrence, à l’aune de ce que l’on sait sur le communisme réalisé.
Concernant Ferdonnet, il a été condamné sans preuves, du moins sans la preuve que c’était lui, le speaker de Radio-Stuttgart. Il a été condamné à mort, sur la base d’analogies, de présomptions. C’est ce que nous dit par exemple Henri Amoureux dans son énorme enquête : La grande histoire des Français sous l’occupation. Pierre Assouline va même plus loin. Il écrit qu’on reprochait à Ferdonnet « la collaboration avant la lettre ». Or cette collaboration-là, journalistique et complaisante, certes, n’était pas de la Collaboration, l’armistice n’étant intervenue que plusieurs mois après. Pour le moins les chefs d’inculpation n’étaient pas les bons.
La mère de Ferdonnet avait pour sa part écrit à son fils pour lui demander de se rendre à la justice française. Elle était certaine, elle, que le speaker de Radio-Suttgart n’avait pas la voix de son fils, et qu’en conséquence il ne serait pas condamné à mort
Deux journalistes et hommes d’action
Mais pour Ferdonnet comme pour Herold-Paquis, le jugement était déjà quasiment rédigé et approuvé en haute sphère avant même que les accusés n’entrent dans le prétoire.
Hérold-Paquis avait lui aussi rejoint l’Espagne, en 1937, pour combattre les staliniens. Son histoire est d’ailleurs analogue à celle de tant de jeunes Français qui s’engagèrent ensuite dans la voie qui leur semblait la plus cohérente avec celle qui les avait conduits en Espagne.
Ceux qui vivent l’Histoire au jour le jour ne voient pas les choses comme ceux qui les écrivent plus tard, quand les archives s’ouvrent, et quand les bilans peuvent être disséqués au calme.
Ces deux journalistes et hommes d’action, ces deux « voix de la Collaboration » savaient qu’à l’issue de leur procès ils seraient fusillés. C’était couru d’avance. Il n’empêche que leur sang-froid au tribunal, force l’admiration. Pas de pleurnicheries, pas d’appel à la pitié.. Ils exposent les raisonnements qui les ont conduits sur les positions qu’ils ont tenues, et là où ils se trouvent à présent.
Les comptes-rendus sténographiques des deux procès sont des documents historiques. Lisons-les comme tels. Ne refaisons pas nous non plus l’Histoire, pour recondamner ou absoudre. Souvenons-nous que d’autres patriotes français furent fusillés aussi, mais par l’Occupant.
Les uns et les autres étaient des Hommes, me semble-t-il. Ni les uns ni les autres n’avaient choisi l’attentisme, ce qui n’était pas rien, et qui en faisait en tout état de cause des hommes d’exception.
Madeleine Cruz
L’épuration des voix de la Collaboration Paul Ferdonnet, Jean Hérold-Paquis, présentation : Philippe Randa, Déterna éditions, 2025

Félicitations à l’éditeur Philippe Randa pour son initiative, et surtout à Madeleine Cruz pour son article, courageux, intelligent et sensible à la fois.
Mais, s’il vous plait, rendez au regretté Henri « Amoureux » son vrai nom, soit Amouroux. Ah, les ravages des dictionnaires orthographiques sur les ordinateurs !
J’ai lu aussi un livre des articles de » je suis partout » et je l’avoue , rien ne m’a choqué !