RNJ

Les lectures de Madeleine Cruz : que penser de la liste des livres que doit lire le jeune militant du RN ?

J’ai dépassé l’âge d’adhérer au RNJ, le Rassemblement National de la Jeunesse, qui a remplacé le FNJ de mes années tendres. Mais je me suis néanmoins plongée dans « la liste de lecture du RNJ », récemment diffusée. De mon temps de telles recensions n’existaient pas. J’avais demandé à mon grand-oncle Brigneau une liste de livres qu’il pourrait me conseiller. Il m’avait donné la photocopie de pages du mensuel L’Esprit public, qui avait cessé de paraître …bien avant ma naissance !

Je crois que cette liste avait été établie par son ami Jean Mabire. Il s’agissait d’une « bibliothèque de l’activiste », qui s’adressait donc en fait aux activistes de l’OAS. Il est vrai que la prison est un endroit propice à la lecture… La sélection n’était pas inintéressante, mais elle était assez centrée sur l’idée d’une prise de pouvoir par la force, voire par une révolution nationaliste. Une redite du putsch d’Alger en quelque sorte. Cela ne me semblait plus vraiment correspondre à la situation des années 1990.

Il m’a aussi offert un Guide des grands livres de l’homme de droite, paru en 1993, et que j’ai toujours (je crois que Philippe Randa l’a récemment réédité, avec une actualisation), mais l’aspect bibliophilique était peut-être un peu trop privilégié au détriment du fond. Un titre rare de Chardonne ou de Béraud, les pamphlets de Céline, le journal de prison de Robert Poulet (signé XXX) étaient mis à l’honneur. C’était une belle sélection, utile aux collectionneurs, mais qui nous éloignait toujours plus d’une liste pouvant s’adresser à la jeune militante de ces années-là que j’aspirais à devenir.

Beaucoup plus récemment la revue Réfléchir & Agir a publié sous forme de hors-séries des sélections de livres, de bandes dessinées, et même de films, qualifiés de « fascistes » (dans un sens positif) pour lecteurs (très) engagés. C’était délicieusement provocateur, mais je ne suis pas certain que le jeune militant d’aujourd’hui puisse l’utiliser tel quel.

Le piège d’une autocensure

Voici donc la sélection du RNJ. Je suppose que le document a reçu l’imprimatur de la haute direction du parti, et j’avoue que je craignais de découvrir une liste insipide, orientée à droite, certes, mais globalement d’une prudence de sioux. Le genre de liste à laquelle aucun jeune lecteur ne se référera dans ses choix. La bonne surprise, c’est que les concepteurs de cette sélection ne sont pas tombés dans le piège d’une autocensure qui aurait consisté à se demander systématiquement : qu’en pensera Camus (pas Albert ni Renaud, mais le « spécialiste de l’extrême droite ») ? Quel parti en tireront Le Monde, France Info et France Inter pour attaquer le RN ?

Pierre-Romain Thionnet, qui est l’actuel responsable du RNJ, explique : « le fichier qui vous est proposé contient plus d’une soixantaine de livres, répartis en trois grandes catégories : littérature, histoire, et essais politiques ou philosophiques. (…) Par ailleurs, la totalité des références proposées ne va pas forcément dans la stricte ligne idéologique du parti et certains auteurs sont éloignés de notre famille politique. Il faut bien comprendre l’objet de ce document : guider le militant vers des lectures qui l’interrogeront, le guideront, l’ouvriront à de nouvelles réflexions ou qui approfondiront ses connaissances. La plupart des romans par exemple ne vous seront d’aucune utilité pour mener une campagne électorale, mais ils vous élèveront en tant qu’hommes et femmes et vous en diront beaucoup sur la nature humaine ».

Voilà une approche intelligente. De même, limiter à soixante livres laisse espérer que nos jeunes gens auront à cœur de tous les lire un jour. Un gros lecteur mettra un ou deux ans, un petit lecteur, beaucoup plus, mais peu importe. Les lectures de jeunesse nous suivent à jamais.

Raspail à l’honneur

La sélection me parait donc utile, pratique pour le public visé. Jean Raspail et son Camp des saints sont à l’honneur, Pouvait-il en être autrement ? Mais j’ai été aussi très contente de trouver, dans cette nomenclature, Céline, von Salomon, Jünger, Giono, Orwell, Chesterton, Bainville, Barrès, Péguy, Jacqueline de Romilly, Sylvain Tesson, François Furet. Certes je me serais volontiers passée de Michelet et Braudel, et d’une apologie de l’assassin de Bastien-Thiry (celui que Morand appelait Gaulle), ceci au profit de Gaxotte et Tulard, par exemple. Et cela m’aurait fait plaisir d’y voir figurer un livre de Maurras, de Perret, de Morand, de Marcel Aymé, de Béraud, de Jacques Laurent, de Brigneau et de Madiran, aussi. Mais il est vrai qu’en 60 livres, l’exhaustivité était impossible.

J’ai demandé à ma chère Camille Galic ce qu’elle en a pensé. Voici sa réponse : « sur la guerre de Sécession, j’ajouterais Le Blanc Soleil des vaincus, de Dominique Venner qui me paraît le meilleur livre et le plus accessible sur la question, et bien sûr Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell. Sur la Seconde Guerre mondiale, j’y mettrais La Campagne d’Italie et Mon royaume pour un cheval, de Michel Mohrt ».

Cher jeune camarade du RNJ, imprime et ajoute cet article à la liste dressée par Thionnet, et quand tu auras lu tout cela, tu seras mieux qu’un militant, tu seras un homme, mon fils, comme disait Kipling. Tiens, cela me fait penser qu’il manque Kipling, aussi !

Madeleine Cruz

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